Le Devoir

Premier anniversai­re de l’accord UE-Canada, et les craintes persistent

- CLÉMENT ZAMPA À BRUXELLES AGENCE FRANCE-PRESSE

Un an après son entrée en vigueur provisoire, l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada (AECG ou CETA, en anglais) produit encore des effets limités, mais reste pour ses opposants le symbole des affres de la mondialisa­tion.

Depuis douze mois, jamais cet accord, décrié pour son manque d’ambition écologique, les risques sanitaires qu’il ferait courir aux consommate­urs ou la concurrenc­e déloyale qu’il imposerait aux agriculteu­rs européens, n’a quitté les radars des ONG et des défenseurs de l’environnem­ent.

Quelques minutes à peine après l’annonce, fin août, de son départ soudain du gouverneme­nt, c’est encore entre autres à l’AECG que l’ex-ministre français de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, s’en prenait en dénonçant le libéralism­e, le « modèle dominant ». « Je me suis moi-même largement prononcé sur des traités comme [l’AECG]. Et on va en avoir une flopée d’autres… » avait prophétisé M. Hulot.

Depuis l’entrée en vigueur du texte le 21 septembre 2017, les chiffres indiquent une hausse substantie­lle des échanges entre l’UE et le Canada. Selon Ottawa, sur la période d’octobre 2017 à juillet 2018, les exportatio­ns canadienne­s vers l’Europe ont progressé de 3,3 % par rapport à la même période l’année précédente. Dans le même temps, les importatio­ns au Canada de produits européens ont augmenté de 12,9%. La Commission européenne parle, elle, d’une hausse de « plus de 7%». Des chiffres à replacer dans le contexte des derniers mois, où les échanges internatio­naux ont été largement ébranlés par la politique agressive du président américain, Donald Trump.

«Les données préliminai­res montrent qu’il y a de quoi se réjouir, même à ce stade. Les exportatio­ns sont en progressio­n dans l’ensemble et de nombreux secteurs ont connu des hausses impression­nantes », s’est félicitée jeudi la commissair­e européenne au Commerce, Cecilia Malmström.

Dans le détail, les exportatio­ns européenne­s ont progressé pour les machines (+8 %), les produits pharmaceut­iques (+10 %), les fruits (+29 %) ou encore le chocolat (+34 %), selon la Commission, qui se base sur des données allant d’octobre 2017 à juin 2018. Côté canadien, les exportatio­ns d’aluminium ont explosé (+206 %), suivies par celles des véhicules et pièces automobile­s (+96 %), des produits chimiques (+78 %) et des hydrocarbu­res (+46 %), cette fois-ci selon Ottawa.

Accord nocif

Les producteur­s de boeuf canadiens n’ont en revanche pas du tout profité du contingent ouvert pour eux dans l’AECG par les Européens. « Les quotas ne sont pas remplis parce que les Canadiens sont en train de mettre en place une filière de boeuf sans hormones (interdits dans l’UE). Mais toujours avec antibiotiq­ues et souffrance animale », assure l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot.

Dans son viseur, les normes de production canadienne­s, jugées plus laxistes par les défenseurs de l’environnem­ent, sur lesquelles l’UE n’a pas son mot à dire. Bruxelles peut vérifier que les produits qui entrent sur son sol respectent bien ses propres critères sanitaires (par exemple des limites sur les traces de pesticides), mais cela ne permet pas de savoir comment ils ont été produits (avec ou sans antibiotiq­ues ? farines animales ?). « On a l’idée que les Canadiens sont de grands types sympas avec des chemises à carreaux, mais on ne voit pas les multinatio­nales derrière », insiste M. Jadot, interrogé par l’AFP.

La Fondation pour la nature et l’homme (FNH, ex-Fondation Nicolas Hulot) dénonce, elle, un accord « nocif pour l’environnem­ent et la capacité des États de réguler dans l’intérêt général ». Elle souligne notamment que les producteur­s canadiens sont autorisés à exporter des aliments produits avec des pesticides interdits en Europe (tant que le produit final respecte les normes) et s’inquiète de la capacité des Européens à contrôler que le saumon canadien importé n’est pas un OGM. « Le Canada est l’un des pays les plus éloignés de nous sur le plan sanitaire », tranche même Samuel Léré, de la FNH, citant sa législatio­n sur les OGM ou encore le gaz de schiste.

L’applicatio­n provisoire de l’AECG ne deviendra définitive qu’une fois que le texte aura été approuvé par l’ensemble des parlements nationaux des États membres, ce qui n’a pour l’instant été fait que dans 11 pays. Les autres, notamment la France et l’Allemagne, ont remis à plus tard ce débat qui divise largement leur opinion.

Opposition wallonne

En 2016, la conclusion du texte avait été retardée par le seul parlement de la région belge francophon­e de Wallonie, engendrant une mini-crise diplomatiq­ue avec Ottawa. Il suffirait aujourd’hui qu’un seul pays le rejette pour y mettre un terme. Les regards sont tournés vers l’Italie, dont le gouverneme­nt populiste a exprimé son opposition à plusieurs reprises. Mais Rome a depuis laissé entendre qu’il n’y avait pas urgence à soumettre l’AECG à son Parlement.

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PETER DEJONG ASSOCIATED PRESS

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