Les risques économiques se matérialisent, dit l’OCDE
La croissance mondiale est à un palier et les risques, « dont on ne faisait que parler », se matérialisent, avertit l’OCDE. L’Organisation doit réviser à la baisse des prévisions pour la plupart des pays, plus fortement pour les émergents, et observe un retour à des niveaux d’endettement élevés dix ans après la crise.
Dans sa mise à jour des perspectives économiques mondiales, publiée jeudi, l’Organisation de coopération et de développement économiques relève que « l’escalade des tensions commerciales, le durcissement des conditions financières sur les marchés émergents et les risques politiques pourraient compromettre encore plus l’avènement d’une croissance forte et durable à long terme partout dans le monde ». La chef économiste de l’Organisation, Laurence Boone, a ajouté, dans une entrevue au quotidien Le Monde, que « les risques dont on ne faisait que parler sont en train de se matérialiser ».
L’économie mondiale aurait donc atteint un pic de croissance, avec une progression du PIB devant plafonner à 3,7 % cette année et en 2019, et l’expansion généralisée l’an dernier se fait moins synchronisée. Sur cet horizon de deux ans, seuls l’Australie, le Japon, la Chine et la Russie voient leur cible de croissance inchangée. Pour le Canada, la poussée de 3% du PIB en 2017 atteindra le rythme de 2,1 % cette année, puis de 2 % l’an prochain, la cible de 2019 étant auparavant à 2,2 %.
Protectionnisme
« Les tensions commerciales commencent à faire sentir leurs effets, et elles ont déjà des conséquences négatives sur la confiance et les projets d’investissement », risquant de mettre à mal l’emploi et les niveaux de vie, a ajouté Laurence Boone. La hausse des échanges et des commandes à l’exportation ont marqué le pas. « Les restrictions ont de puissants effets sectoriels, et le niveau de l’incertitude entourant les orientations commerciales reste élevé. » Elle insiste : « Il est urgent que les pays rompent avec la tendance à l’augmentation du protectionnisme, renforcent le système commercial mondial fondé sur des règles et favorisent le dialogue international. »
Au Monde, Mme Boone reconnaît que le système actuel n’est pas parfait. « Mais c’est bien mieux de chercher à régler les problèmes dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce que de poursuivre cette politique de représailles bilatérales qui perturbe les “vrais” gens et les entreprises. »
La révision à la baisse se fait plus fortement pour les émergents, dont certains sont entrés en crise. « Compte tenu du resserrement des conditions financières qui met sous tension plusieurs économies émergentes, en particulier la Turquie et l’Argentine, un cadre d’action publique robuste et stable sera indispensable pour éviter de nouvelles turbulences», précise l’économiste.
D’autant que dix ans après la crise, des risques financiers s’accumulent à nouveau. L’OCDE retient que les réformes ont renforcé le système bancaire, mais ce resserrement réglementaire n’a pas suffisamment débordé sur les institutions non bancaires, tels les fonds de couverture et les gestionnaires d’actif. Dans ses tableaux, l’Organisation fait également ressortir le niveau élevé de la dette totale et propose un graphique démontrant la forte progression des cours boursiers depuis 2008, à un rythme exponentiel pour les valeurs technologiques.
L’OCDE souligne, enfin, que l’orientation de la politique monétaire dans les grandes économies est appropriée. Elle invite, au passage, les gouvernements à éviter les politiques budgétaires procycliques. Dans son entrevue au quotidien français, Mme Boone pointe en direction de l’important stimulus budgétaire aux États-Unis. « C’est dommage de le faire au pic de la croissance. Ce stimulus augmente la dette significativement au moment où l’économie mondiale entre dans une période délicate», déplore l’organisme