Écrans et grilles télé
Susan Lacy trace le portrait d’une féministe qui cherchait l’approbation des hommes de sa vie
«J’ai grandi dans l’ombre d’un monument national», affirme Jane Fonda à propos de son père, Henry Fonda (1905-1982), dans Jane Fonda in Five Acts, documentaire que lui consacre Susan Lacy (la série documentaire American Masters et le documentaire pour la télé Spielberg). Acteur oscarisé pour sa prestation aux côtés de sa fille dans La maison du lac (1981), de Mark Rydell, Fonda passait aux yeux du public pour un mari fidèle et un père exemplaire. Or, la réalité ne correspondait pas tout à fait aux harmonieuses photos de famille qui illustraient les magazines de papier glacé.
Tandis qu’Henry vivait une liaison avec une femme de sept ans de plus que Jane, sa femme multipliait les séjours en psychiatrie. Souvent retenu sur les plateaux de cinéma et sur les planches, Fonda était un père absent pour ses enfants.
Enfant de la balle, la magnifique octogénaire était dans la vingtaine quand elle a décidé de devenir actrice. Au fond d’elle-même, tout ce que Jane Fonda souhaitait, c’était être une bonne fille afin d’obtenir l’approbation de son père, figure centrale du premier acte. Par la suite, c’est l’approbation de ses maris qu’elle cherchera.
De Barbarella à guérillera
Riche en archives visuelles, fort d’un montage soulignant parfaitement les confidences de l’actrice, Jane Fonda in Five Acts étonne par l’angle choisi. Après un premier acte intitulé «Henry», suivront «Vadim», «Tom» et «Ted», où l’ardente militante féministe parlera successivement de ses trois ex-maris, le réalisateur Roger Vadim, le militant et auteur Tom Hayden et le magnat des médias Ted Turner. N’est-ce pas un peu réducteur de faire le portrait d’une femme à travers le regard des hommes de sa vie? Si! Et pourtant, dans le cas présent, c’était tout à fait justifié puisque l’actrice y révèle qu’elle souhaitait être façonnée par son mari du moment, peu importe le prix.
«Je me suis tout de suite sentie en danger», se rappelle-t-elle en évoquant sa première rencontre avec Vadim, qui la convaincra d’incarner l’héroïne ultra-sexy dans Barbarella (1968), rôle qu’avaient refusé Brigitte Bardot et Sofia Loren. Pour les besoins de la scène culte du strip-tease, la sage fille de Henr y se soûlera à la vodka.
Si elle rigole aujourd’hui en voyant les images de ce film de science-fiction, un extrait d’archives la montre avec sa célèbre « coupe Klute », qu’elle arborait dans le film d’Alan J. Pakula de 1971, où elle avoue avoir honte de son passé de sex-symbol. Ce statut, elle l’a endossé brièvement puisque, très tôt, son amie Simone Signoret lui a ouvert les yeux sur la situation mondiale. Débutera alors la période «Hanoi Jane», où Jane Fonda décidera de quitter Vadim, la France et la vie hédoniste pour embrasser la cause vietnamienne, la cause autochtone et celle des femmes en retournant aux États-Unis.
Entrera ainsi dans sa vie Tom Hayden. Pour financer leur mouvement démocrate, elle aura l’idée de lancer une vidéo de danse aérobique, qui connaîtra un succès phénoménal, et peu de temps après, un livre d’exercices, qui trônera au premier rang du palmarès du New York Times durant deux ans.
Comment épouser un milliardaire
Fille d’un père absent et d’une mère partie trop tôt, Jane Fonda découvre qu’elle est une mauvaise mère, «dépourvue d’intelligence émotionnelle». Non, l’actrice ne se fait pas tendre à son propre égard. Et, de plus, ses enfants témoignent sans fard que, malgré ses grandes qualités, elle est, à l’instar de son père, loin d’être un parent idéal. Alors que son mariage avec Hayden prend fin, elle sombre dans la dépression. Entre alors en scène Ted Turner: «J’ai beaucoup appris avec les hommes de ma vie, mais celui avec qui j’ai le plus appris, c’est Ted.»
Durant les dix années qu’elle a partagées avec Ted Turner, qu’elle appelle tendrement son ex-mari préféré, Jane Fonda a tourné le dos au cinéma. Défendant activement la cause des femmes, l’actrice devait souvent se déplacer aux quatre coins des États-Unis, ce qui lui valait des coups de téléphone de Turner qui tournait en rond dans son ranch quand elle n’y était pas.
Heureuse malgré tout avec ce dépendant affectif, l’actrice quitte son milliardaire afin de pouvoir incarner à ses propres yeux une féministe digne de ce nom, c’est-à-dire devenir enfin une femme libre, indépendante, qui ne se modèle plus aux idéaux de son mari.
Alors qu’on ne l’espérait plus, le cinquième acte ne porte pas le nom d’un homme, mais s’intitule «Jane». Au bout de cet élégant portrait, où l’actrice se sera livrée tour à tour avec humour, émotion et chaleur, Jane Fonda apparaît dans toute sa paradoxale splendeur. Quant aux cinéphiles, ils resteront sur leur faim, Susan Lucy étant plus intéressée par l’aspect people que par le septième art.
Enfant de la balle, la magnifique octogénaire était dans la vingtaine quand elle a décidé de devenir actrice