Bungalow blues
La tyrannie de la performance vue à travers un couple au bord de la crise de nerfs
Sujet d’une criante actualité, l’épuisement professionnel constitue un véritable fléau, n’attaquant pas seulement les travailleurs, mais tout leur entourage: l’humeur morose et les pertes de revenus ne font rire personne.
Qu’un cinéaste de fiction s’y intéresse n’a rien de surprenant. Qu’il s’agisse de Michel Jetté, voilà une surprise, dans la mesure où il nous avait surtout habitués à des plongées dans des univers glauques et criminels (Hochelaga, Histoire de pen, BumRush), lui qui avait débuté au cinéma avec une oeuvre résolument poétique, Le lac de la lune, peu connue mais d’un charme certain.
Burn out, ou la servitude volontaire se présente comme la dissection d’une descente aux enfers, cauchemar accentué par l’enfilade de décors beiges et impersonnels que traversent les personnages, particulièrement un couple sur qui Jetté focalise toute son attention. Oubliez les motards et les danseuses: Michelle (Jézabel Drolet) travaille dans une banque, et son conjoint Louis (Emmanuel Auger, un habitué du cinéaste) est technicien en télécommunications, volant au secours d’entreprises aux abois.
Michelle affiche beaucoup plus d’ambition que Louis, rêvant d’atteindre les plus hauts sommets, mais hantée par le départ dramatique de sa collègue qui avait emprunté le même chemin dangereux, étouffée par les dettes, exaspérée par l’apparent détachement de son conjoint. La solution passerait-elle par une auberge en Gaspésie dont Lorraine (France Pilotte), la soeur de Michelle, veut se départir à bon compte?
Si beaucoup de gens reconnaîtront des réalités familières — le taux d’endettement des Canadiens est suffisamment élevé pour cela! —, la démonstration, elle, ne suscitera ni adhésion ni enthousiasme. Car au-delà de la modestie des moyens déployés pour illustrer cette débâcle psychologique, c’est la somme dégoulinante d’effets visuels qui étonne. Images au ralenti ou en noir et blanc, fermeture de l’iris, intertitres en abondance, cette surcharge suscite beaucoup de lassitude alors qu’elle semblait vouloir épingler la servitude de ces personnages.
Ajoutez à cela des images récurrentes (dont ces nombreux gros plans de viande crue, de poissons et de fruits de mer) au symbolisme appuyé, ainsi que des dialogues redondants, et vous avez là un drame aux enjeux éparpillés entre onirisme et réalisme. Michel Jetté voulait sûrement s’égarer dans de nouveaux sentiers, mais ceux fréquentés par les crapules et les bandits de grand chemin lui réussissaient davantage.
Burn out, ou la servitude volontaire ★★
Drame de Michel Jetté. Avec Jézabel Drolet, Emmanuel Auger, Paul Dion, France Pilotte. Québec, 2018,
114 minutes.