Jonathan Cohen ouvre l’après-Labadie
Le chef amorce cette semaine son premier mandat à la tête des Violons du Roy
Premier successeur de Bernard Labadie, le violoncelliste, claveciniste et chef d’orchestre Jonathan Cohen donne cette semaine ses premiers concerts en tant que directeur musical des Violons du Roy.
C’est avec le contre-ténor Anthony Roth Costanzo que Jonathan Cohen amorce cette semaine en concert à Québec et à Montréal son premier mandat de trois années à la tête des Violons du Roy. Vendredi était d’ailleurs lancé le premier disque de Jonathan Cohen et des Violons du Roy. Sur étiquette Decca Gold, la branche américaine de Decca, ils interprètent avec Roth Costanzo le programme juxtaposant des airs de Händel et de Philip Glass proposé cette semaine. Repéré au Concours musical international de Montréal en 2012, Roth Costanzo, qui a remporté Operalia la même année, est régulièrement invité au Metropolitan Opera.
L’exploration
Ce disque ne préfigure pas un changement d’étiquette et de stratégie d’enregistrement pour les Violons du Roy. «Il n’y a pas de stratégie ciblée», confirme Jonathan Cohen au Devoir. «Nous ne sommes pas des artistes Decca Gold. J’ai été invité par Anthony Roth Costanzo et, à mon tour, j’ai invité les Violons du Roy», résume le chef, qui ajoute avoir «beaucoup aimé» et «été impressionné» par «le travail avec Decca Gold». «Je ne sais rien du futur», dit le nouveau directeur musical à propos de la politique d’enregistrement des Violons du Roy. «Nous sommes libres de discuter avec qui nous voulons, les portes sont ouvertes sans relation formelle avec quelque étiquette que ce soit.» Ces discussions peuvent impliquer Atma ou Hyperion. Jonathan Cohen note d’ailleurs qu’«en pratique, les orchestres n’ont plus de contrats avec les maisons de disques; ce sont les chefs et les solistes qui amènent les ensembles avec eux».
Le projet Glass-Händel, enregistré à l’été 2017, lance d’emblée le sujet le plus brûlant: la difficulté des Violons du Roy (en matière commerciale et d’image) de sortir du créneau baroque et classique. Est-ce souhaitable aux yeux du nouveau directeur musical, et comment compte-t-il y parvenir?
«Je ne cherche pas à nous sortir du baroque et du classique, mais quand un orchestre possède un sens harmonique aussi aiguisé, il est très évidemment nécessaire d’appliquer ce sens à un répertoire élargi. Quand nous jouons Philip Glass, la musique de Glass bénéficie de ces qualités. Il en va exactement de même pour Britten, par exemple. »
Jonathan Cohen le martèle: «Mon but n’est pas d’amener l’orchestre ailleurs. Le répertoire baroque et classique nous est naturel. Mon but n’est donc pas de jouer des symphonies de Mahler en engageant des musiciens supplémentaires. Nous avons une spécificité d’orchestre de chambre. Il faut la cultiver et l’utiliser dans d’autres répertoires que l’on explore. Les musiciens sont d’ailleurs demandeurs de cette exploration. »
À quatre bras
Jonathan Cohen juge cette première saison «représentative» de sa personnalité. «Je regarde le programme et c’est bien moi; je travaille avec des artistes et des solistes créatifs: Avi Avital, le violoncelliste Nicolas Altstaedt… »
Au passage, le chef nous réserve une primeur en parlant de sa «première collaboration avec Marie-Nicole Lemieux », qu’il « attend avec impatience» pour «bientôt». Vérification faite, Jonathan Cohen vient de lever le voile sur une association qui marquera la saison prochaine…
Lors de la présente saison 20182019, la Chapelle de Québec, le choeur associé aux Violons du Roy, est à la fête. Les choristes seront dirigés par leur directeur artistique et fondateur, Bernard Labadie, y compris à Carnegie Hall dans la Messe en si de Bach, mais aussi par Jonathan Cohen dans La création de Haydn en février 2019.
«L’implication de la Chapelle de Québec dépendra des ressources dont nous disposons. Ce sont de gros projets, mais il est évident que nous voulons en faire le plus possible. Je suis, moi aussi, heureux de diriger le choeur. Entre Bernard et moi, nous couvrons cette saison la Messe en si de Bach, la Messe du couronnement de Mozart et La création de Haydn! C’est très important et j’espère que nous continuerons. En tout cas, nous sommes sur la même ligne, Bernard Labadie fait un travail formidable en tant que directeur artistique de la Chapelle de Québec et je suis très heureux qu’il soit responsable de cela. Nous allons miser sur cela et construire.» Le projet que Jonathan Cohen a déjà pris à brasle-corps est éducatif, avec une implication accrue des enfants d’âge scolaire dans la vie quotidienne des Violons du Roy.
«Ce sera le cas avec notre programme Vivaldi en début de saison. J’aimerais aussi impliquer les enfants pour La création. En fait, je souhaite avoir deux ou trois projets chaque saison pour lesquels je pourrai développer des interactions avec les jeunes auditeurs d’âge scolaire, les inviter aux répétitions, développer des programmes pour encourager leur connaissance de la musique. Ils sont notre futur et l’orchestre est très partant pour travailler avec les enfants. »
La chose qui restera à creuser pour le chef est la différence acoustique entre les salles montréalaises et le Palais Montcalm de Québec, avec des problèmes de balance, notamment pour les concerts avec clavier donnés à la salle Bourgie. Comme Jonathan Cohen n’a pas encore dirigé à la Maison symphonique de Montréal, il lui reste encore d’autres équilibrages à découvrir.
Les trois saisons risquent de passer très vite pour le chef anglais de 41 ans, qui oeuvre par ailleurs comme directeur fondateur de son ensemble Arcangelo, comme chef associé des Arts Florissants, le mythique ensemble baroque de William Christie, et de l’Orchestre de chambre de Saint Paul. On lui souhaite la bienvenue.