Le Devoir

Leurres et faux-fuyants

Un pur Americana juché dans le Montana et servi dans une écriture scintillan­te

- MICHEL BÉLAIR COLLABORAT­EUR LE DEVOIR

L’éditeur français Gallmeiste­r s’est taillé un créneau intéressan­t en publiant des romans américains plantés en pleine nature sauvage. On pense tout de suite à Craig Johnson, à Kim Zupan et à quelques autres dont nous avons déjà parlé dans nos pages.

Toujours, ces textes s’appuient sur une écriture lumineuse incarnant tout autant la complexité des intrigues que le cadre somptueux dans lesquels elles s’inscrivent. Le livre de Keith McCafferty s’inscrit très précisémen­t dans cette niche.

La Madison du titre est une des rivières à truites les plus célèbres d’Amérique. Elle traverse les cols et les hauts plateaux du Wyoming et du Montana, attirant chaque année des milliers d’amateurs ; la pêche à la truite — et les activités qu’elle génère en amont comme en aval — enrichit de plusieurs centaines de millions de dollars le budget annuel du Montana. Aussi Martha Ettinger, shérif, réagit-elle rapidement quand on découvre un cadavre dans la Madison.

L’histoire nous est surtout racontée par Sean Stranahan, peintre naturalist­e, fabricant de mouches et pêcheur chevronné; c’est à travers ses yeux que la beauté somptueuse des lieux nous apparaît dans ses plus infimes détails.

Mais Stranahan est aussi détective privé à ses heures et il se voit chargé d’une étrange mission par une sulfureuse et fragile chanteuse de blues, Velvet Lafayette, dont il tombera presque amoureux. Bientôt, les deux enquêtes se recoupent et voici même notre privé, promu «conseiller du shérif», traqué à son tour par le meurtrier.

Toute l’affaire repose en fait sur la santé des poissons et de la Madison… à cause des revenus qu’elle génère et de la valeur des terres qui la bornent.

Vous aurez tout le loisir de trouver le coupable au milieu d’une galerie de personnage­s bien campés; du guide autochtone jusqu’aux milliardai­res férus de pêche à la ligne, en passant par une colonie de vieux «nouveaux riches» installés sur les bords de la rivière, le choix ne manque pas… mais les indices sont rares.

L’intrigue est fort bien menée, les personnage­s, solides, et le rythme de tout cela — bien rendu par la traduction toute en langueurs puis en rebondisse­ments inattendus — colle admirablem­ent à la nature des lieux.

Certains toutefois percevront peutêtre comme des longueurs la précision que met McCafferty — qui est aussi rédacteur en chef du magazine de plein air Field & Stream — à décrire, par exemple, les mouches ou les espèces de truites qu’elles permettent d’attraper. Quand on connaît bien les choses dont on parle, pourquoi ne pas prendre le temps de bien les dépeindre…

Un livre plein, donc, rafraîchis­sant, à lire avec bonheur près d’un cours d’eau ou, au pire, d’une piscine.

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KEITH MCCAFFERTY GALLMEISTE­R Keith McCafferty, à lire avec bonheur près d’un cours d’eau ou d’une piscine.
 ??  ?? Meurtres sur la Madison ★★★ 1/2 Keith McCafferty, traduit de l’anglais par Janique Jouin-de Laurens, Gallmeiste­r «Americana», Paris 22018, 378 pages
Meurtres sur la Madison ★★★ 1/2 Keith McCafferty, traduit de l’anglais par Janique Jouin-de Laurens, Gallmeiste­r «Americana», Paris 22018, 378 pages

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