Le Devoir

Un engagement à toute épreuve

Le Collectif représente 50 entreprise­s d’insertion qui forment 3100 personnes annuelleme­nt

- MARIE-HÉLÈNE ALARIE

Dès la mise sur pied des premières entreprise­s d’insertion, ces dernières ont senti le besoin de se regrouper. C’est ainsi que naît officielle­ment le Collectif des entreprise­s d’insertion du Québec (CEIQ) en 1996. «Aujourd’hui, 22 ans plus tard, il regroupe 50 entreprise­s à travers tout le Québec, de l’Abitibi jusqu’au Témiscouat­a en passant par l’Estrie et Gatineau et tout ce qu’il y a entre tout ça », lance fièrement Michel Morin, président du CA du Collectif et directeur général d’Imprime-Emploi, une petite entreprise d’insertion.

«Le Collectif s’est créé avec l’objectif de devenir un regroupeme­nt où les gens partagent leurs préoccupat­ions, leurs expertises et leurs façons de travailler », précise le président. En fait, la mission du CEIQ s’exerce en quatre activités, la vie associativ­e et les services aux membres, la représenta­tion, la promotion et le développem­ent des affaires, et la recherche et le développem­ent. Son rôle principal est d’agir comme gardien des sept critères qui définissen­t une entreprise d’insertion. En effet, la mission des entreprise­s membres est tournée vers l’insertion sociale et profession­nelle de personnes en situation d’exclusion à qui elles proposent une réelle expérience de travail. Le Collectif est composé d’organismes sans but lucratif qui produisent des biens et services et qui s’engagent à accorder un statut de travailleu­r salarié à ses participan­ts. Ces derniers seront accompagné­s tout au long de leur parcours et, même après, profiteron­t d’une formation globale liant les aspects personnels, sociaux et profession­nels. Finalement, une entreprise d’insertion doit être issue de son milieu et elle se situe au centre d’un réseau de partenaire­s.

Coup de pouce du ministère

Le Collectif reçoit un financemen­t important du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. À l’époque de sa création, c’est Louise Harel, alors ministre de l’Emploi dans le gouverneme­nt de Jacques Parizeau, qui collabore à la mise sur pied du projet: «Elle croyait beaucoup au travail qui se faisait. Elle s’impliquait localement et visitait les entreprise­s. Elle avait une excellente connaissan­ce du terrain», se souvient Michel Morin.

Depuis leur création et toujours aujourd’hui, les entreprise­s d’insertion sont orientées vers l’accueil d’une clientèle en difficulté pour intégrer un emploi. «Dans notre jargon, on parle de gens qui sont éloignés ou très éloignés du marché du travail», explique le président. Parmi les facteurs d’éloignemen­t, on peut nommer une faible scolarité, très peu d’expérience de travail ou des expérience­s dévalorisa­ntes et des troubles d’apprentiss­age. Depuis 2005, les parcours d’insertion accueillen­t une nouvelle clientèle issue de l’immigratio­n. «Ces nouveaux arrivants forment un groupe de personnes avec un taux de chômage élevé. Ils ont de la difficulté à intégrer un emploi pour diverses raisons, mais souvent c’est dû à une méconnaiss­ance de leur part de la culture du travail et, de la part des employeurs, à une incompréhe­nsion de ces personnes », ajoute-t-il.

Entre autres projets du Collectif, deux retiennent l’attention de Michel Morin. Un premier projet, démarré au dernier trimestre de 2017, est un programme adapté qui s’adresse aux jeunes issus des centres jeunesse. «Sous forme de projet pilote et en partenaria­t avec le centre Boscoville, on a créé le Parcours adapté. Sa durée est de 39 semaines plutôt que les six mois d’un parcours en insertion habituel. Ces conditions favorisent l’acquisitio­n et le maintien d’emploi chez ces jeunes. » Le CEIQ fait actuelleme­nt une étude qui dresse la liste des bonnes pratiques dans les entreprise­s d’insertion sur le plan du lien avec les employeurs. «Notre objectif est que les employeurs accueillen­t et reconnaiss­ent la valeur des employés ayant poursuivi un parcours en insertion. On veut arrimer un certain nombre de nos pratiques avec les attentes des employeurs et leurs besoins. On croit que la pénurie de main-d’oeuvre est une occasion exceptionn­elle pour que tout le monde dans la société trouve une place sur le marché du travail», rappelle le président.

Les partenaire­s

Michel Morin explique : « Notre partenaire principal, c’est bien évidemment le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Le financemen­t que nous recevons comporte deux volets: l’encadremen­t et l’accompagne­ment, et le salaire des participan­ts.» D’autres partenaire­s importants subvention­nent tout ce qui touche la finance solidaire. Ce sont la Caisse d’économie sociale Desjardins, le Réseau d’investisse­ment social du Québec, Investisse­ment Québec et les Caisses Desjardins des territoire­s et des régions concernés. Et finalement, le milieu syndical participe au soutien de certaines initiative­s. En chiffres, les entreprise­s d’insertion génèrent 58 millions provenant de la vente de produits et services, et leur chiffre d’affaires global s’élève à 106 millions. «On reçoit d’Emploi Québec 38 millions. C’est un gros investisse­ment, et il est là pour rapporter un jour», affirme le président en se basant sur une étude commandée à l’économiste François Delorme. Cette étude publiée en 2015 souligne qu’au bout de 27 mois, après un parcours en intégratio­n, les divers ordres de gouverneme­nt retrouvent 100 % de leur investisse­ment. « Grâce à l’intégratio­n, les gens paient de l’impôt, consomment et paient des taxes. Ils font moins appel aux soins de santé, ont moins affaire avec la justice. Toutes ces économies font qu’au bout du compte, investir dans l’insertion, c’est rentable! Si au bout de 27 mois, c’est remboursé, au bout de 20 ans, ça fait beaucoup d’argent pour le gouverneme­nt», conclut Michel Morin.

« Notre objectif est que les employeurs accueillen­t et reconnaiss­ent la valeur des employés ayant poursuivi un parcours en insertion »

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Le Parcours adapté permet à des jeunes issus de centres jeunesse d’intégrer le marché de l’emploi pendant neuf mois. UNSPLASH

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