Le Devoir

L’entreprene­uriat collectif, un plus pour l’emploi

Les entreprise­s d’économie sociale contribuen­t activement à l’intégratio­n au travail

- EMILIE CORRIVEAU

Au Québec, on compte aujourd’hui quelque 7000 entreprise­s d’économie sociale. Employant plus de 210 000 travailleu­rs, elles concourent activement à relever le défi que constituen­t la création d’emploi et l’intégratio­n au travail, et ce, autant en milieu urbain qu’en milieu rural.

«En matière d’emploi, la contributi­on de l’économie sociale est substantie­lle », avance d’entrée de jeu Béatrice Alain, directrice générale du Chantier de l’économie sociale, une organisati­on à but non lucratif dont les principaux mandats sont la promotion et le développem­ent de l’entreprene­uriat collectif au Québec.

«Environ un travailleu­r sur vingt travaille en économie sociale dans la province. Ça fait beaucoup de monde », souligne-t-elle.

Prenant diverses formes, dont l’organisme à but non lucratif et la coopérativ­e, les entreprise­s d’économie sociale exercent leurs activités dans tous les secteurs de l’économie. On les retrouve dans des domaines aussi distincts que les services de garde, l’environnem­ent, la finance sociale, l’immobilier ou la technologi­e. Elles ont toutes un but commun: agir en faveur du bien commun et prioriser le rendement à la collectivi­té plutôt que celui aux actionnair­es.

Cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne sont pas rentables. Le chiffre d’affaires des entreprise­s d’économie sociale québécoise­s est estimé à plus de 40 milliards.

« C’est davantage que les secteurs de la constructi­on, de l’aéronautiq­ue et des mines réunis, relève Mme Alain. Mais leur contributi­on va bien au-delà du chiffre d’affaires. Elles favorisent le développem­ent de la démocratie, l’améliorati­on de la qualité de vie de la population et la cohésion sociale, qui sont beaucoup plus difficiles à chiffrer, mais qui sont des éléments fondamenta­ux en fait. »

Mieux intégrer les travailleu­rs

En plus de contribuer activement à la création d’emplois au Québec, les entreprise­s collective­s jouent un rôle important en matière d’intégratio­n des travailleu­rs aux prises avec des problèmes d’employabil­ité.

«Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre comme le nôtre, c’est important de former des gens qui souhaitent travailler, mais qui manquent d’outils pour le faire, rappelle Mme Alain. Ça peut être de nouveaux immigrants qui ne parlent pas encore français, comme ça peut être des personnes qui ont un parcours d’emploi plus difficile.»

Au Québec, une cinquantai­ne d’entreprise­s d’économie sociale se spécialise­nt dans ce domaine. Chaque année, elles permettent de former

plus de 3100 personnes à travers la province.

«Les entreprise­s d’insertion vont prendre des gens très éloignés du travail et vont, à travers une expérience sur un plateau de travail et tout un accompagne­ment psychosoci­al, amener ces gens-là à intégrer le marché de l’emploi avec de meilleures connaissan­ces techniques et de meilleurs outils psychosoci­aux. Bref, en leur proposant un parcours très concret, elles vont les mener à une autonomie financière», précise la directrice générale du Chantier.

Mais même si l’intégratio­n au travail n’est pas au coeur de leur mission, de nombreuses entreprise­s collective­s assument des responsabi­lités en la matière.

«Souvent, les entreprise­s d’économie sociale sont de meilleures portes d’entrée pour les gens qui sont aux prises avec des problèmes d’employabil­ité, notamment pour les nouveaux arrivants, indique Mme Alain. Parce que ce sont des entreprise­s qui ont pour mission de servir la communauté, elles ont souvent une plus grande sensibilit­é envers la diversité humaine et la diversité des compétence­s. Elles leur offrent une certaine flexibilit­é et reconnaiss­ent leur rôle et leur contributi­on. »

Attirer la main-d’oeuvre

Bien que toutes les régions du Québec soient affectées par la rareté de main-d’oeuvre, certaines peinent plus que d’autres à attirer ou à retenir les travailleu­rs. Comparativ­ement au secteur privé, les entreprise­s collective­s possèdent un atout important pour répondre au défi de l’attractivi­té : leur finalité collective.

« Prenons la Gaspésie comme exemple. Il y a beaucoup d’employeurs de cette région qui ont de la difficulté à trouver des travailleu­rs. Là où je pense que l’économie sociale a un avantage, c’est que, plutôt que d’être dans une logique comptable, elle est dans une logique de réponse aux besoins de la communauté. Elle offre des emplois porteurs de sens qui sont plus motivants et attrayants pour la main-d’oeuvre», observe Mme Alain.

Auprès des jeunes travailleu­rs québécois, cette caractéris­tique de l’entreprene­uriat collectif trouve un fort écho. D’après un sondage réalisé en 2017 par la firme Léger Marketing pour le compte du Conseil québécois de la coopératio­n et de la mutualité, plus de la moitié des millénaria­ux ont à coeur des valeurs associées à l’économie sociale, telles que l’altruisme, la transparen­ce et l’honnêteté.

Par ailleurs, d’après ce même sondage, 54 % des 18-34 ans aimeraient se lancer en affaires.

Pour la prospérité de la province, il y a là quelque chose d’encouragea­nt, constate Mme Alain. «En ville comme en région, on voit de plus en plus de jeunes qui créent des coopérativ­es. Je pense à des microbrass­eries par exemple. S’associer à d’autres et mettre en commun les différente­s forces des parties prenantes, c’est un modèle qui leur plaît beaucoup. Ça leur permet de travailler dans un milieu où leur voix est entendue et de profiter d’une distributi­on équitable des bénéfices. Et pour le Québec, ce sont des initiative­s inclusives bénéfiques.»

Bientôt un portrait statistiqu­e

Bien que diverses recherches se soient intéressée­s à l’économie sociale québécoise au cours des dernières années, les données statistiqu­es gouverneme­ntales portant sur le secteur d’emploi de l’économie sociale et de l’action communauta­ire demeurent à ce jour négligeabl­es.

Afin de remédier à cette situation et de mieux cerner la contributi­on des organisati­ons du secteur, l’Institut de la statistiqu­e du Québec a récemment mené une enquête auprès des organismes à but non lucratif, des coopérativ­es et des mutuelles de la province. Les résultats de son analyse seront publiés au cours des prochains mois dans un document intitulé Portrait statistiqu­e de l’économie sociale au Québec.

«Ça fait plusieurs années que le Chantier demande au gouverneme­nt un véritable portrait statistiqu­e de l’économie sociale québécoise, confie Mme Alain. À notre avis, les chiffres qu’on utilise actuelleme­nt sont plutôt prudents. On a bien hâte que les résultats soient dévoilés ! »

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RADIO-CANADA L’entreprise d’économie sociale et solidaire Wapikoni mobile est un studio ambulant d’interventi­on, de formation et de création audiovisue­lle s’adressant aux jeunes Autochtone­s du Québec.

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