Le Devoir

Chacun cherche son «X»

- HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN

Dans le nouveau contexte de pénurie de main-d’oeuvre que connaît la province, les chercheurs d’emploi «tiennent le bon bout du bâton», selon la directrice générale de l’Alliance des centres-conseils en emploi (AXTRA), Valérie Roy. Ils souhaitent occuper un poste dans lequel ils vont pouvoir se réaliser, être au bon endroit, «trouver leur X». Et c’est justement la mission dont s’est doté ce réseau d’organismes experts en conseil et en recherche d’emploi.

De l’aveu même de sa directrice, l’Alliance des centres-conseils en emploi souffre d’un déficit de notoriété. Celle-ci a beau regrouper 90 organismes sur tout le territoire québécois, accompagne­r 80 000 individus chaque année et souffler ses 30 bougies cette année, Mme Roy reconnaît que la population n’est pas très au fait des services qu’elle offre.

«Les gens ne savent pas toujours où se rendre pour obtenir un accompagne­ment personnali­sé et des conseils judicieux en matière d’emploi», souligne-t-elle, ajoutant que c’est pour pallier cela que la plateforme Trouve ton X (www.trouvetonx.ca) a vu le jour.

«Elle vient répondre à ce besoin, tant pour les chercheurs d’emploi que pour ceux qui souhaitent cheminer dans leur carrière», explique-t-elle.

Cette nouvelle plateforme, lancée officielle­ment la semaine dernière, permet en effet à l’utilisateu­r de trouver rapidement le centre-conseil en emploi le plus proche au moyen d’un service de géolocalis­ation. L’outil permet également de faire une recherche selon les différente­s spécialité­s des centres-conseils, tout en en donnant accès à des trucs et astuces pour maximiser ses chances d’obtenir un emploi correspond­ant tant à ses compétence­s qu’à ses attentes.

«L’expression “trouver son X” fait référence à l’idée d’être exactement à l’endroit où l’on veut être dans sa vie, et ce, sur les plans personnel comme profession­nel, ajoute Valérie Roy. En ce sens, les centres-conseils en emploi regroupent une multitude de profession­nels compétents pouvant permettre à tous de trouver leur X. »

Faire fi des préjugés

Cette mission est d’autant plus importante que le Québec est entré depuis quelques mois dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre et que les chercheurs d’emploi ont le loisir de choisir parmi les postes qui ne parviennen­t pas à être pourvus.

«Les chercheurs d’emploi, mais aussi, de plus en plus, des gens qui sont déjà sur le marché du travail mais qui souhaitent se réorienter, revoir leurs aspiration­s», insiste la directrice générale d’AXTRA.

Ainsi, chaque centre-conseil a sa spécialité. Certains se concentren­t sur les travailleu­rs expériment­és. D’autres aident plus spécifique­ment les femmes, les jeunes, les immigrants, nouveaux arrivants ou minorités visibles. D’autres encore travaillen­t avec les itinérants, les personnes ayant eu maille à partir avec la justice, qui sortent de prison ou qui souffrent de problèmes de santé mentale, de dépendance ou d’un handicap physique. AXTRA a aussi mis sur pied un programme consacré à la communauté inuite. «Nous travaillon­s avec toutes les population­s ayant une forme de barrière à l’emploi, explique Valérie Roy. Dans le contexte de pénurie de maind’oeuvre, les entreprise­s n’ont d’autre choix que d’aller chercher leurs futurs salariés dans des bassins non traditionn­els pour elles. Des femmes pour des postes réservés jusque-là surtout aux hommes, par exemple. Elles doivent aussi faire fi de leurs préjugés envers certaines population­s, telles que les minorités visibles et les Autochtone­s. Car la démographi­e est telle que ce sont eux nos jeunes travailleu­rs de demain. »

Gestion de la diversité

Ces dernières années, les organismes membres ont ainsi diversifié leurs services afin de travailler à la fois avec les individus et les entreprise­s. Alors que les chercheurs d’emploi ont le loisir de magasiner leur poste, les entreprise­s doivent trouver le moyen d’attirer les talents chez elles, puis de les garder, en leur offrant de bonnes conditions. Elles doivent également accepter d’embaucher quelqu’un qui n’aurait peut-être pas toutes les compétence­s techniques pour le poste mais qui aurait la capacité de les acquérir rapidement. Les organismes forment les services RH. Mais l’Alliance a également mis en ligne des capsules vidéo de formation à la gestion de la diversité culturelle.

«Les études démontrent que les entreprise­s qui laissent entrer la diversité culturelle en leur sein sont particuliè­rement productive­s, rappelle la d.g. d’AXTRA. Mais encore faut-il savoir la gérer. Les entreprise­s ont des enjeux de production et elles doivent pouvoir se concentrer là-dessus. Pour le reste, elles recherchen­t des outils clairs et faciles d’accès. C’est ce que nous leur proposons. »

Accompagne­ment des entreprise­s d’une part et des individus de l’autre afin qu’ils se conforment un tant soit peu au marché du travail tel qu’il fonctionne ici. La notion de respect de l’horaire est très importante au Québec, ce qui n’est pas toujours le cas ailleurs. Les nouveaux arrivants doivent l’intégrer. Le CV, la lettre de motivation tout comme l’entretien sont des exercices également très codifiés.

Respect mutuel

«Lorsque nous avons commencé à travailler avec la clientèle autochtone, nous nous sommes rendu compte que le mot “carrière” n’existe pas en inuktitut [langue des Inuits du Nunavuk], explique Mme Roy. C’est un concept que les Inuits ont du mal à appréhende­r. Si les conseiller­s qui travaillen­t avec eux ne le savent pas, nos interventi­ons ne servent à rien. Le silence est aussi quelque chose de très vertueux pour les Inuits, alors qu’il peut être gênant lors d’un entretien d’embauche. Enfin, les interventi­ons en groupe fonctionne­nt très mal avec cette population.»

À la suite de ces travaux, AXTRA a publié un guide de référence pour les conseiller­s en développem­ent de carrière intervenan­t auprès de la clientèle inuite. Une recherche-action du même type est également en train d’être menée sur le terrain auprès des Premières Nations.

« L’idée n’est pas d’assimiler tous les groupes qui composent le Québec d’aujourd’hui afin qu’ils deviennent de bons petits travailleu­rs, conclut Valérie Roy. Chacun d’eux a des valeurs qui lui sont propres et cette diversité peut être tout à fait bénéfique pour l’entreprise. Ce qui nous importe, c’est que l’employeur et l’individu puissent se rejoindre quelque part. Et pour cela, chacun doit mieux connaître les attentes de l’autre. Il faut respecter à la fois la manière dont le marché du travail fonctionne et la personne qui l’intègre.»

« Dans le contexte de pénurie de main-d’oeuvre, les entreprise­s n’ont pas d’autres choix que d’aller chercher leurs futurs salariés dans des bassins non traditionn­els pour elles »

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RAWPIXEL UNSPLASH La nouvelle plateforme « Trouve ton X » permet à l’utilisateu­r de trouver rapidement le centre conseils en emploi le plus proche par le biais d’un service de géolocalis­ation.

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