Ottawa dévoile son plan de relance pour Trans Mountain
Ottawa ne s’avoue pas vaincu. Il a annoncé vendredi la première étape de son plan en deux temps pour relancer l’expansion de l’oléoduc Trans Mountain mise en suspens par une récente décision judiciaire. Il ordonne à l’Office national de l’énergie (ONE) de se pencher à nouveau sur le projet pour prendre en compte cette fois l’impact qu’il aura sur la population menacée d’épaulards au large de Vancouver.
Les ministres des Ressources naturelles, Amarjeet Sohi, et des Pêches et Océans, Jonathan Wilkinson, donnent à l’ONE 22 semaines, soit jusqu’au 22 février, pour remettre sa nouvelle recommandation. L’ONE devra analyser toutes les mesures prises par le gouvernement fédéral pour protéger les épaulards. Un conseiller technique spécialisé dans les questions maritimes sera recruté pour épauler l’organisme dans son travail.
Dans une récente décision, la Cour d’appel fédérale a de facto stoppé la construction du second canal de Trans Mountain au motif que certaines Premières Nations affectées n’avaient pas été consultées de manière significative et au motif que l’ONE n’aurait pas dû exclure de son analyse l’impact qu’aurait sur les épaulards l’augmentation du trafic maritime découlant de l’exportation accrue de pétrole.
« Cette décision a été décevante, mais n’est en aucun cas insurmontable », a assuré le ministre Sohi en conférence de presse. Il a déploré avoir «hérité» du processus déficient des conservateurs. « Ne pas inclure l’impact du transport sur l’environnement marin n’est pas quelque chose qu’aurait dû faire le précédent gouvernement. » En fait, des fonctionnaires ont précisé que cette décision avait été prise par l’ONE seul. Il estimait que son mandat se limitait au tracé du pipeline, qui va d’Edmonton à Burnaby.
Aucune supposition
Les ministres Sohi et Wilkinson n’ont pas voulu présumer de ce que décidera l’ONE dans 22 semaines, mais ils ont rappelé les mesures prises par Ottawa pour protéger les épaulards depuis la première étude de l’ONE : diminution de 25 % à 35 % des prises autorisées de saumons chinook (la nourriture principale des épaulards), instauration d’une réduction volontaire de la vitesse des bâtiments et augmentation de 100 à 200 mètres de la distance à garder en tout temps avec les mammifères blanc et noir.
M. Wilkinson a d’ailleurs rappelé que l’augmentation du nombre de pétroliers (de 5 à 34 par mois) induite par l’agrandissement de Trans Mountain ne représentera qu’une infime partie du trafic maritime au large de Vancouver. « La situation critique de la population d’épaulards ne s’explique pas seulement par ce projet. Elle s’explique par l’indisponibilité du saumon chinook, les contaminants présents dans l’eau et tout le trafic maritime dans la baie […], c’est-à-dire 3200 grands porte-conteneurs et bateaux de croisière, des milliers de traversiers, des dizaines de milliers de navires de plaisance. Si on veut se pencher sur la situation des épaulards, on doit prendre en considération la perturbation acoustique de tout cela de manière globale. Six pétroliers de plus par semaine auront un impact qu’il est important de diminuer, mais il y a un enjeu beaucoup plus large. »
Quant à la portion du jugement de la Cour d’appel fédérale qui portait sur la consultation des Autochtones, Ottawa y répondra «sous peu», ont promis les ministres. Ils n’ont pas voulu spéculer sur la probabilité que les mesures prises pour répondre au jugement permettront de reprendre les travaux dès le printemps. La première ministre d’Alberta, Rachel Notley, a indiqué que la voie choisie par Ottawa pour répondre au jugement n’était pas sa préférée, mais a reconnu qu’aucune autre voie n’aurait permis de procéder plus rapidement.
Les partis d’opposition ont pour leur part été unanimes à critiquer le gouvernement. Le Parti conservateur déplore l’absence de garantie que les travaux pourront commencer bientôt. « Le gouvernement n’a pas du tout indiqué ce qu’il fera après [l’analyse de l’ONE] et il n’y a aucune garantie que tout cela résistera à une future contestation », a lancé la conservatrice Shannon Stubbs. Le NPD estime qu’Ottawa obtiendra le même résultat au terme du processus, tandis que le Bloc québécois croit que les 22 semaines ne seront pas suffisantes.
Ne pas inclure l’impact du transport sur l’environnement marin n’est pas quelque chose qu’aurait dû faire le précédent gouvernement AMARJEET SOHI