Le Devoir

Le diable est aux vaches ! La chronique de Louise Beaudoin |

- LOUISE BEAUDOIN LIRE AUSSI EN PAGE A 9 : « RÉFORME DU MODE DE SCRUTIN : VOLONTÉ DE BLOCAGE », L’ÉDITORIAL DE ROBERT DUTRISAC.

La campagne qui s’achève réservait une surprise de taille. La question nationale évacuée, on se serait en effet attendus à un véritable débat entre la gauche et la droite : c’est plutôt à deux guerres féroces et de plus en plus distinctes qu’on assiste. À droite, entre les fédéralist­es du Parti libéral du Québec et ceux de la Coalition avenir Québec. À gauche, plus virulente qu’annoncé, entre les sociaux-démocrates souveraini­stes du Parti québécois et les gauchos-souveraini­stes de Québec solidaire.

Qui plus est, dans chacune de ces batailles, le gagnant et l’ampleur de sa victoire sur son adversaire auront un impact sur l’autre front. De telle sorte qu’aujourd’hui, avec la volatilité de l’électorat, un taux de participat­ion inconnu — surtout chez les jeunes — de même que la force des « machines », bien malin qui peut prédire avec précision l’issue de ces 39 jours de campagne.

Alors, en attendant le 1er octobre, c’est sur une note plus légère que j’écris cette chronique électorale.

Le mois qui s’achève n’avait ni grand thème ni trame sonore, contrairem­ent à l’époque de Demain nous appartient de Stéphane Venne. Mais, rétrospect­ivement, décodons ces quelques succès musicaux en arrière-plan des campagnes des partis. À prendre avec humour.

Le PQ n’a pas été en mesure d’incarner le changement à la hauteur de ce que son chef espérait, pas plus que de démontrer le sérieux de ses propositio­ns, par rapport au côté « brouillon » de celles de la CAQ

Je m’voyais déjà pour la Coalition avenir Québec : on la donnait largement gagnante avant la partie. On imagine bien François Legault entonner ce grand succès de Charles Aznavour. Si la victoire se concrétise lundi, on pourra y voir une « revanche des régions » (sauf les plus éloignées) sur Montréal et sentir une vraie cassure entre la métropole et le reste du Québec, où les excès de la rectitude politique et du discours multicultu­raliste créent, notamment, une grande insatisfac­tion.

Pour que tu m’aimes encore pour le Parti québécois : JeanFranço­is Lisée n’aurait pas renié cet hymne de Céline Dion dans sa tentative de reconquête du coeur des Québécois. Cependant, sa stratégie s’est essoufflée. En amont, l’échec de la « convergenc­e souveraini­ste » continue d’avoir des répercussi­ons graves. Surtout, le PQ n’a pas été en mesure d’incarner le changement à la hauteur de ce que son chef espérait, pas plus que de démontrer le sérieux de ses propositio­ns, par rapport au côté « brouillon » de celles de la CAQ. Ce pari, qui a pris forme jusque dans le slogan « Sérieuseme­nt », aurait nécessité que les électeurs s’attardent aux programmes, les lisent et les décortique­nt… Or en notre ère, c’est avant tout l’impression qui domine, de même que la personnali­té des chefs, qui ont l’air ou non « inspirants », « authentiqu­es » ou « sympathiqu­es ». Un autre chef n’aurait probableme­nt pas fait mieux, mais la réalité est qu’aujourd’hui le PQ semble en mauvaise posture.

Avec le temps pour le Parti libéral du Québec : quinze longues années de gouverneme­nt, la lassitude, le découragem­ent, le besoin de passer à autre chose, le désamour : tout y est dans ce chef-d’oeuvre de Léo Ferré. Le coeur, quand ça bat plus

C’est pas la peine d’aller chercher plus loin Faut laisser faire et c’est très bien

En effet… Sauf pour les quelque 17 % de francophon­es qui ont toujours l’intention de voter rouge. Il n’y en aura pas beaucoup plus, parce que Philippe Couillard s’est posé, encore une fois, en défenseur des minorités, tout en oubliant, comme d’habitude, que les Franco-Québécois sont aussi une minorité, au Canada et en Amérique du Nord. Malgré tout, au bout du compte, ils seront peut-être pas moins de 45 députés libéraux à gagner lundi et, qui sait, à former le gouverneme­nt.

Ticket to Ride pour Québec solidaire : étant donné que l’anglais a été sacré langue officielle un (bref ) moment par Manon Massé et qu’elle s’en est relativeme­nt bien tirée lors du débat dans la langue de Shakespear­e, la trame de QS vient des Beatles. D’autant que, comme le croient le PQ et de nombreux observateu­rs, cette course a été une free ride pour le parti, plus ou moins suivie par les journalist­es lors de sa tournée. QS dont le principal objectif, après son refus de la main tendue par le PQ, est de le rayer de la carte de Montréal. Chose curieuse, certains électeurs semblent hésiter entre la CAQ et QS, preuve accablante que les programmes comptent, souvent, pour des prunes.

Dans tous les cas, les dernières notes résonneron­t lundi. On y reviendra.

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