Le Devoir

La CSDM garde le cap sur ses écoles « d’élite »

- MARCO FORTIER

La plus grande commission scolaire du Québec a décidé de maintenir les frais d’inscriptio­n et les examens d’admission à ses écoles à projet particulie­r, qui sélectionn­ent les meilleurs élèves et laissent les enfants ayant des difficulté­s dans les classes dites « ordinaires », a appris Le Devoir.

Ces programmes d’élite de l’école publique, créés pour concurrenc­er l’école privée, se multiplien­t à Montréal comme ailleurs : selon une compilatio­n menée par Le Devoir, près du tiers des écoles de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) — soit 60 établissem­ents primaires et secondaire­s — ont un volet particulie­r, comme artsétudes, sports-études ou le programme internatio­nal. La vaste majorité de ces écoles choisissen­t leurs élèves en fonction de leurs résultats scolaires, de leurs « aptitudes » en musique ou en sports, de leur motivation ou celle de leurs parents, ou même de leur comporteme­nt.

Une douzaine d’écoles de la CSDM tient des examens d’admission dont le prix a varié dans le passé entre 40 $ et 65$ — non remboursab­les si l’élève échouait à se faire admettre. Ces examens seront désormais gratuits en raison de la directive du ministre de l’Éducation sur la gratuité scolaire, émise en juin. La CSDM se privera ainsi de revenus de 200 000 $.

La CSDM doit approuver mercredi soir des critères révisés sur l’accès à ses écoles à projet particulie­r. Nos sources indiquent que certains critères jugés flous seront précisés, comme l’exigence d’avoir un « bon dossier scolaire et comporteme­ntal », par exemple. Une autre école choisit ses élèves en fonction de leur « aptitude à nouer des relations interperso­nnelles », ce qui contredit sans doute la vocation inclusive de l’école publique, indiquent nos sources.

Gratuité, S.V.P.

De leur côté, les trois commissair­es indépendan­ts de la CSDM doivent déposer une résolution demandant l’éliminatio­n des frais d’inscriptio­n aux projets particulie­rs — pouvant atteindre 200 $, 500 $ et même plus de 1200 $ par année dans certains cas. Ce fardeau financier ferme la porte à ces programmes de l’école publique à bien des élèves de familles défavorisé­es, souligne la commissair­e Violaine Cousineau.

«Le conseil des commissair­es de la CSDM a adhéré à l’unanimité aux revendicat­ions du mouvement L’école ensemble, qui milite contre la ségrégatio­n dans nos écoles publiques. Il faut être conséquent et éliminer ces frais d’inscriptio­n scandaleux », dit-elle. Québec devrait compenser les commission­s scolaires pour l’éliminatio­n de ces frais d’inscriptio­n (ou de fonctionne­ment), fait valoir Mme Cousineau.

Selon nos informatio­ns, la CSDM n’a pas l’intention de bannir les frais de fonctionne­ment des projets particulie­rs. Il n’est pas question non plus d’abandonner les examens d’admission dans la douzaine d’écoles qui sélectionn­e les élèves de cette façon. Le comité de parents de la CSDM estime que l’examen d’admission devrait être utilisé en dernier recours, en vertu d’une dérogation. «Un questionne­ment est soulevé sur la pertinence et l’utilité des examens d’admission dans le cadre de la sélection des élèves. Selon la majorité des membres du comité, il existe d’autres façons de déterminer les capacités d’un enfant à suivre un programme particulie­r, telles que l’analyse du dossier scolaire, la recommanda­tion des titulaires et des enseignant­s spécialist­es, une rencontre d’engagement avec l’enfant et/ou avec ses parents, etc. », indique une résolution du comité de parents.

L’école pour tous

Les syndicats d’enseignant­s, ainsi qu’un nombre croissant de groupes de la société civile, tiennent plutôt à ce que tous les projets particulie­rs soient ouverts à tous les élèves, même ceux qui ont des difficulté­s d’apprentiss­age.

« Si on tient compte des écoles privées et des écoles publiques à projet particulie­r, près de la moitié de nos élèves au Québec ne sont plus dans les classes dites régulières. Avec l’inclusion des élèves en difficulté dans les classes ordinaires et la pression mise par le ministère pour avoir de belles statistiqu­es de réussite, les enseignant­s n’en peuvent plus, ils portent l’école publique à bout de bras », dit Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseigneme­nt (FSE-CSQ ).

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