Le Devoir

La souveraine­té des Premières Nations au programme du prochain gouverneme­nt

- Chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador Ghislain Picard

À moins d’une semaine du vote qui verra l’arrivée possible d’un nouveau gouverneme­nt provincial, je dois dire que je suis peu impression­né par ce que j’ai entendu des partis en présence jusqu’à maintenant. Même lorsqu’ils prétendent reconnaîtr­e les intérêts des Premières Nations, les chefs des principaux partis politiques minimisent notre réalité et nos droits. La désinvoltu­re des chefs sur les enjeux qui importent aux Premières Nations ne nous donne d’autre choix que de signifier au prochain gouverneme­nt qu’ils auront la souveraine­té à leur programme politique : celle des Premières Nations.

Un seul parti politique reconnaît l’évidence des droits de nos nations. Questionné­e sur les frontières d’un Québec souverain, la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a dit: «On va partir avec les délimitati­ons actuelles du Québec, puis on va discuter avec nos frères et soeurs autochtone­s. » L’ex-ministre péquiste Joseph Facal a dénoncé cette déclaratio­n dans le Journal de Montréal, affirmant que «quant aux Autochtone­s, leurs droits actuels, qu’ils soient territoria­ux ou liés à leur statut de nations ou de minorités, n’incluent aucun “droit” à la sécession ». Il oublie toutefois de mentionner que les peuples autochtone­s possèdent le droit à l’autodéterm­ination et qu’en vertu de ce droit et du statut de gouverneme­nt, nos peuples ont le droit de décider de leur statut politique et, s’ils le désirent, de choisir de demeurer au sein du Canada si le Québec décidait de s’en séparer. C’est Manon Massé qui a raison: le territoire d’un futur Québec souverain devra être négocié avec les gouverneme­nts des Premières Nations.

Dans une récente sortie publique, j’ai mentionné que le prochain gouverneme­nt devra revoir en profondeur la relation politique entre l’État québécois et les gouverneme­nts des Premières Nations. À voir la réaction des chefs de parti, force est de constater que l’establishm­ent politique n’a rien compris, ou, pis encore, se moque complèteme­nt des fondements qui devraient servir de guides dans l’établissem­ent d’un dialogue durable, mais surtout productif, avec les Premiers Peuples.

Territoire non cédé

Les faits sont éloquents : le Québec est un territoire autochtone non cédé ; les Premières Nations possèdent un titre aborigène et des droits ancestraux et issus de traités protégés par la Constituti­on, le même document qui reconnaît notre droit à l’autonomie gouverneme­ntale. Maintes fois, la Cour suprême du Canada a rappelé les gouverneme­nts à leurs obligation­s, notamment à leur devoir de concilier les responsabi­lités de la Couronne avec la « souveraine­té préexistan­te » des Premières Nations.

Non seulement nos peuples étaient souverains avant l’immigratio­n des colons européens, mais cette souveraine­té n’a jamais été abandonnée. Il est maintenant temps de la reconnaîtr­e.

D’ailleurs, une analyse rapide des quatre dernières semaines me permet d’affirmer sans hésitation que, n’eût été le dossier d’immigratio­n qui nous a permis de nous immiscer dans la campagne (puisque nos population­s largement sans emploi représente­nt une belle solution à l’enjeu de pénurie de main-d’oeuvre), nous aurions une fois de plus été invisibles. Les enjeux qui intéressen­t les Premières Nations sont totalement absents du radar politique, comme si les questions que pose cette relation pourtant fondamenta­le entre l’État et nos peuples étaient accessoire­s, voire négligeabl­es.

Ça suffit ! Nous n’accepteron­s plus de jouer aux spectateur­s alors que l’État québécois continue de nier nos droits fondamenta­ux, surtout à l’égard de nos territoire­s et de nos ressources. Combien de fois faudra-t-il le répéter ? Le territoire que tout le monde s’approprie, tous partis confondus, est un territoire dont le sol et le sous-sol sont encore grevés d’un titre ancestral. Oubliez vos découverte­s et vos conquêtes. Ces réflexes coloniaux sont révolus et contribuen­t à isoler le Québec dans son passé. À partir du 1er octobre, la souveraine­té des Premières Nations sera bel et bien à l’ordre du jour.

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