Le Devoir

Choc frontal entre Trump et Rohani

- JÉRÔME CARTILLIER FRANCESCO FONTEMAGGI AUX NATIONS UNIES AGENCE FRANCE-PRESSE

Régime «corrompu» contre «terrorisme économique » : l’Assemblée générale de l’ONU a été mardi le théâtre d’un choc frontal entre le président américain, Donald Trump, qui a appelé à isoler le régime de Téhéran, et son homologue iranien Hassan Rohani, qui l’a accusé de vouloir le renverser.

L’occupant de la Maison-Blanche avait pourtant opté, à la tribune des Nations unies à New York, pour un ton globalemen­t moins agressif qu’en 2017.

Dans un contraste saisissant avec sa première allocution, lorsqu’il avait menacé de « détruire totalement » la Corée du Nord, il a vanté le dialogue « audacieux » amorcé avec le régime reclus en vue de sa dénucléari­sation.

Propos longtemps inimaginab­les dans la bouche d’un président des États-Unis, il est allé jusqu’à louer le « courage » de l’homme fort de Pyongyang, Kim Jong-un, jadis affublé du surnom moqueur de «Rocket Man» (homme-fusée).

C’est, sans surprise, à l’Iran, qualifié de « dictature corrompue », qu’il a réservé ses flèches les plus aiguisées.

« Nous ne pouvons pas permettre au principal soutien du terrorisme dans le monde de posséder les armes les plus dangereuse­s de la planète » ou de « menacer l’Amérique » ou Israël, a-t-il martelé. « Nous demandons à toutes les nations d’isoler le régime iranien tant que son agression se poursuit » et « de soutenir le peuple iranien », a-t-il ajouté.

Intervenan­t un peu plus tard à la même tribune de la grand-messe mondiale annuelle, son homologue iranien a dénoncé la volonté de changement de régime qui anime à ses yeux la Maison-Blanche — ce dont cette dernière se défend.

« Il est paradoxal que les États-Unis ne cherchent même pas à cacher leur plan visant à renverser le gouverneme­nt même qu’ils invitent à des pourparler­s », a lancé Hassan Rohani.

« Terrorisme économique »

Le président Trump a claqué la porte en mai, au grand dam de ses alliés européens, de l’accord nucléaire de 2015, qu’il juge laxiste, visant à empêcher la République islamique de se doter de la bombe atomique. Il a rétabli toutes les sanctions contre Téhéran, et espère faire plier le régime iranien pour qu’il négocie un futur traité à ses conditions draconienn­es.

Le milliardai­re républicai­n n’exclut pas de rencontrer à l’avenir son homologue iranien, même s’il avait coupé court aux spéculatio­ns avant les discours.

« Comment pouvons-nous entamer des pourparler­s avec un gouverneme­nt qui se conduit aussi mal ? » a balayé le président Rohani, dénonçant le « terrorisme économique » que représente­nt pour lui les sanctions.

Les seules négociatio­ns possibles doivent avoir lieu à l’ONU et sur la base de l’accord «déchiré» par Washington, a-t-il plaidé.

Macron appelle au dialogue

Le président français Emmanuel Macron, qui se targue de pouvoir parler aux deux dirigeants ennemis et dont le discours était comme symbolique­ment intercalé entre les leurs, a marqué son net désaccord avec son homologue américain.

« Qu’est-ce qui permettra de régler véritablem­ent la situation en Iran ? […] La loi du plus fort? La pression d’un seul ? Non ! » a-t-il martelé, appelant au « dialogue et au multilatér­alisme » pour sortir de l’impasse.

Mais l’échange tendu devrait se poursuivre mercredi, quand l’Américain a convoqué une réunion inédite du Conseil de sécurité centrée sur l’Iran, qu’il présidera personnell­ement, suivie de peu d’une conférence de presse de l’Iranien.

Pour Ali Vaez, de l’Internatio­nal Crisis Group, multiplier les mises en garde ne fera pas « revenir les Iraniens à la table des négociatio­ns ». « Il est crucial de faire baisser les tensions entre Téhéran et Washington, mais les insultes rendent cette hypothèse moins probable », a-t-il observé.

À la tribune de l’ONU, Donald Trump a une nouvelle fois martelé son attachemen­t à la «souveraine­té américaine » contre « l’idéologie du mondialism­e », s’en prenant tour à tour aux pays de l’OPEP, aux pratiques commercial­es de la Chine ou encore à la Cour pénale internatio­nale (CPI) accusée de n’avoir « aucune légitimité ».

Il est crucial de faire baisser les tensions entre Téhéran et Washington ALI VAEZ

 ?? BRYAN R. SMITH AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Le président américain, Donald Trump, a vanté son bilan à la tête des États-Unis, ce qui a entraîné des rires dans l’audience, y compris ceux du président.
BRYAN R. SMITH AGENCE FRANCE-PRESSE Le président américain, Donald Trump, a vanté son bilan à la tête des États-Unis, ce qui a entraîné des rires dans l’audience, y compris ceux du président.

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