Le Devoir

Montréal tente de récupérer 14 millions COMPTEURS D’EAU

- JEANNE CORRIVEAU

Désireuse de récupérer l’argent de la collusion, la Ville de Montréal a déposé une poursuite de 14 millions contre 14 entreprise­s et individus qu’elle tient responsabl­es de la fraude dont elle aurait été victime relativeme­nt au contrat des compteurs d’eau. La requête vise notamment Frank Zampino, Tony Accurso, Paolo Catania et Frank Minicucci.

« Ces gens-là n’ont pas utilisé le programme de remboursem­ent volontaire. Ils auraient pu le faire, mais ils ne l’ont pas fait. Il y a de l’argent qui a été pris dans la poche des Montréalai­s », a commenté mercredi le président du comité exécutif, Benoit Dorais. « Ce qu’on veut, c’est récupérer l’argent des Montréalai­s. »

S’appuyant sur les témoignage­s entendus lors des travaux de la commission Charbonnea­u et sur l’enquête Fronde menée par l’Unité permanente anticorrup­tion, Montréal réclame les dommages subis dans ce dossier.

En 2007, la Ville avait octroyé un contrat de 356 millions de dollars au consortium Génieau formé des entreprise­s Dessau et Simard-Beaudry, appartenan­t à l’homme d’affaires Tony Accurso.

Ce contrat prévoyait l’achat et l’installati­on de 30 500 compteurs d’eau dans les industries, commerces et institutio­ns (ICI) ainsi que l’optimisati­on du réseau d’eau avec la constructi­on de chambres de vannes.

Pour l’accompagne­r dans ce projet, la Ville avait été épaulée par la firme de génie-conseil BPR. Or, selon une des firmes ayant participé à l’appel d’offres pour les services de génieconse­il, même ce processus était truqué, fait valoir la Ville.

Un stratagème de collusion similaire aurait été utilisé pour l’octroi du contrat des compteurs d’eau qu’a obtenu Génieau, soutient la Ville dans sa requête. Elle avance notamment que le consortium Catania-SM, le seul autre soumission­naire jugé admissible, a déposé une soumission de complaisan­ce et que le prix du contrat des compteurs d’eau et d’optimisati­on du réseau a été gonflé artificiel­lement.

Le Touch

Alors que les communicat­ions entre les élus et les soumission­naires étaient interdites pendant le processus d’octroi du contrat, le président du comité exécutif de la Ville à l’époque, Frank Zampino, aurait rencontré à 82 reprises les dirigeants des deux consortium­s impliqués. M. Zampino aurait aussi effectué trois voyages sur le bateau de Tony Accurso, le Touch. Rappelons qu’après son départ de la Ville en juillet 2008, Frank Zampino avait été embauché par la firme Dessau.

La requête fait aussi état du signal d’alarme qu’ont lancé plusieurs fonctionna­ires auprès de leur supérieur, inquiets des risques encourus par la Ville avec ce projet. Leurs avertissem­ents ont cependant été ignorés.

Après la publicatio­n d’un rapport très critique du Vérificate­ur général de la Ville, l’administra­tion de Gérald Tremblay avait suspendu puis résilié le contrat des compteurs d’eau en 2009. Génieau a par la suite réclamé 33,8 millions à la Ville. En 2012, l’arbitre qui a entendu la cause a condamné la Ville à verser 10,2 millions ainsi qu’une pénalité de 3,1 millions. Montréal réclame aujourd’hui ces montants.

La Ville a pu récupérer 31 millions grâce aux ententes conclues en vertu du Programme de remboursem­ent volontaire (PRV). À l’échelle du Québec, les entreprise­s frauduleus­es ont remboursé 94,7 millions. En juin dernier, Québec a publié la liste des entreprise­s participan­tes. Le Groupe Dessau et le Groupe SM et BPR-Infrastruc­tures y figurent, mais on n’y précise pas les contrats visés ni les montants versés.

En juin dernier, Montréal a intenté une poursuite de 4,5 millions contre la firme Consultant­s Aecom et six individus, parmi lesquels Frank Zampino, les accusant d’avoir participé à un système frauduleux pour des contrats d’infrastruc­tures. Elle réclame aussi 42 millions à Tony Accurso et trois ex-dirigeants de ses entreprise­s.

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