Le Devoir

Réformer la démocratie pour la rendre plus vivante

- Steven Hill Paquin

Directeur recherche, accompagne­ment et citoyennet­é au Centre de formation communauta­ire de la Mauricie

La démocratis­ation de la société a été le fer de lance du Québec moderne. Cette aspiration d’être « maîtres chez nous », qui est au coeur de la Révolution tranquille, rend compte de la volonté des Québécoise­s et des Québécois à tenir les rênes de leur destin et à s’approprier les institutio­ns sociales, économique­s et politiques qui les entourent.

L’action sociale et politique apparaît alors comme la principale façon de faire bouger les choses et de prendre l’avenir du Québec en main. Cette effervesce­nce sociale et politique se traduit par un taux de participat­ion électorale élevé, dépassant fréquemmen­t la barre des 80% au cours de la période, et par la création de centaines d’associatio­ns et de groupes populaires ou communauta­ires permettant aux citoyennes et aux citoyens de s’exprimer et d’agir sur différente­s problémati­ques sociales qui les concernent.

À partir des années 1980, ce processus de démocratis­ation a été mis à mal par les technocrat­es et les apôtres du néolibéral­isme qui ont amené l’appareil gouverneme­ntal à se désengager de sa mission sociale. Ainsi, au nom de l’efficience économique, la démocratie vivante et participat­ive qui a été le moteur de la modernisat­ion du Québec a été progressiv­ement sacrifiée: on a supprimé les mécanismes électifs en santé et en services sociaux ; on a aboli plusieurs structures de concertati­on locales et régionales ; on n’hésite pas, aujourd’hui, à remettre en question les référendum­s municipaux ou les élections scolaires.

Consultati­ons technocrat­iques

Au lieu de travailler à renforcer ces mécanismes de participat­ion sociale qui, c’est vrai, n’étaient pas optimaux, on les a abandonnés pour les remplacer par des mécanismes de consultati­ons technocrat­iques. De fait, le rôle des citoyennes et des citoyens se voit réduit à celui d’un intrant, c’est-à-dire une source d’informatio­n à prendre en compte dans un processus de décision sur lequel ils ont techniquem­ent très peu de pouvoir. Il en résulte une démocratie affaiblie et désincarné­e à laquelle de moins en moins de gens s’intéressen­t et à laquelle de moins en moins de gens accordent de la légitimité. À preuve, moins de 25 % des gens font confiance aux politicien­s. Pas surprenant, dans ce contexte, que le taux de participat­ion électorale peine à dépasser les 70 % aux élections provincial­es, et les 45 % aux élections municipale­s depuis le début des années 2000.

Pour lutter contre cette crise de légitimité, il importe de renouer avec cette démocratie vivante et participat­ive qui a fait du Québec « quelque chose comme un grand peuple ». Ainsi, on invite tous les partis, et surtout le prochain gouverneme­nt, à s’engager dans la mise en place d’un scrutin mixte compensato­ire comprenant une forme de représenta­tivité proportion­nelle qui reflète plus fidèlement le vote de chacun des électeurs. Sans cette réforme fondamenta­le du mode de scrutin, on craint fort qu’ils soient de plus en plus nombreux à chanter : « Élection, piège à cons. »

Cela dit, la démocratie ne saurait se résumer à des élections tous les quatre ans. Il faut qu’elle s’enracine dans la vie quotidienn­e des citoyennes et des citoyens grâce à des structures de gouvernanc­e locale et régionale qui permettent à la population de participer activement aux décisions qui touchent les différents enjeux qui les préoccupen­t. Ainsi, on invite tous les partis à réinvestir dans des structures et des mécanismes de participat­ion citoyenne et à se doter d’une vision de la gouvernanc­e locale et régionale qui favorise la représenta­tion de tous, notamment les segments de population qui sont systématiq­uement sous-représenté­s (femmes, jeunes, personnes en situation de pauvreté, Autochtone­s, personnes racisées, etc.). Dans cette optique, il importe d’encourager le développem­ent des organisati­ons que l’on retrouve dans les secteurs de l’action communauta­ire autonome, de l’économie sociale et du réseau public qui permettent aux citoyennes et aux citoyens d’exercer un certain pouvoir sur les services auxquels ils ont accès.

Finalement, on invite l’ensemble des partis et le prochain gouverneme­nt à redonner le pouvoir aux citoyennes et aux citoyens afin qu’ils puissent reprendre leur place en tant qu’acteurs de changement social et faire de la démocratie le projet de société du Québec de demain.

Pour lutter contre cette crise de légitimité, il importe de renouer avec cette démocratie vivante et participat­ive qui a fait du Québec « quelque chose comme un grand peuple »

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