Le Devoir

« Les énergies fossiles doivent rester dans le sol », affirme Brune Poirson

La secrétaire d’État auprès du nouveau ministre français de l’Environnem­ent assure que l’avenir réside dans l’innovation et le développem­ent d’énergies renouvelab­les

- ALEXANDRE SHIELDS

Même si elle refuse de dicter la marche à suivre au gouverneme­nt du Canada, Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre français de l’Environnem­ent, a lancé un message sans équivoque en entrevue au Devoir : il faut mettre un terme à l’exploitati­on des énergies fossiles, si on veut espérer limiter le réchauffem­ent planétaire. « Ce n’est pas à moi de juger de la politique intérieure d’un État comme le Canada, mais la position de la France est claire, et nous l’affirmons sur la scène internatio­nale : les énergies fossiles doivent rester dans le sol », a-t-elle affirmé dans le cadre d’un entretien accordé en prévision de la tenue du One Planet Summit, ce mercredi à New York.

«Notre vision, à terme, c’est que les énergies fossiles n’ont plus leur place dans un monde qui doit limiter le réchauffem­ent climatique à moins de deux degrés Celsius. Il faut laisser les hydrocarbu­res dans le sol », a insisté Brune Poirson, qui est officielle­ment secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy. Ce dernier a succédé à Nicolas Hulot, qui a démissionn­é avec fracas en août dernier.

Elle a également rappelé la décision de la France de mettre un terme à l’exploratio­n, mais aussi à l’exploitati­on d’énergies fossiles sur son territoire à l’horizon 2040. « C’est aussi une vision que nous essayons d’insuffler aux autres pays avec lesquels nous dialoguons à l’échelle internatio­nale», a souligné Mme Poirson.

Ce n’est toutefois pas la position du gouverneme­nt canadien, ni celle de l’industrie pétrolière active au pays. Selon les plus récentes données de l’Office national de l’énergie, on prévoit en fait une croissance soutenue de la production des sables bitumineux au cours des prochaines années. D’ici 2040, elle pourrait même grimper de 75 % pour atteindre alors une production quotidienn­e de 4,5 millions de barils.

One Planet Summit

Le message de Mme Poirson, très clair, vient d’une actrice politique importante au sein du gouverneme­nt d’Emmanuel Macron. C’est en effet à elle que le président de la République a confié « la mis-

Il nous faut travailler chaque instant pour garder la dynamique de l’Accord de Paris bien vivante BRUNE POIRSON

sion d’organiser le One Planet Summit ».

Elle était donc à New York mercredi pour participer à ce sommet, qui a réuni des dirigeants politiques, des personnali­tés américaine­s influentes et des joueurs majeurs de l’économie mondiale, dans le but de relancer l’action climatique internatio­nale.

« C’est un événement qui est plus que nécessaire, et à plusieurs titres. Il nous faut travailler chaque instant pour garder la dynamique de l’Accord de Paris bien vivante. Et une des meilleures façons de le faire, c’est en encouragea­nt une action ambitieuse, ce qui est l’objet du One Planet Summit », expliquait­elle quelques jours avant la rencontre en sol américain.

« Il nous faut innover et développer de façon toujours plus importante les énergies renouvelab­les, parce que les solutions sont là et parce que nous constatons que les coûts des énergies renouvelab­les baissent et deviennent plus compétitif­s que ceux des énergies fossiles », ajoutait Mme Poirson.

Prenant la parole mercredi devant un parterre plus modeste que lors de la première édition du One Planet Summit, tenue à Paris en décembre 2017, la première ministre de la Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern, a justement plaidé pour une «transition» vers «les énergies propres», tout en soulignant que son pays renonçait à accorder de nouveaux permis d’exploratio­n pétrolière et gazière en milieu marin.

Aucune certitude

La Banque mondiale a aussi profité du One Planet Summit pour annoncer un investisse­ment d’un milliard de dollars, qui permettra selon elle de lever quatre autres milliards, dans l’espoir de quadrupler la capacité de stockage d’énergie renouvelab­le des pays en voie de développem­ent. L’an dernier, l’institutio­n avait aussi annoncé son intention de cesser le financemen­t des projets d’énergies fossiles après 2019.

Au-delà des engagement­s financiers et des bons mots de divers représenta­nts politiques, il n’en demeure pas moins que le monde est loin de faire le nécessaire pour éviter le naufrage climatique.

Le prochain sommet de négociatio­ns de l’ONU, la COP24, aura lieu en décembre en Pologne. Or, les réunions préparatoi­res se sont terminées dans l’impasse, et le pessimisme est de mise chez nombre de délégués. « Nous n’avons aucune certitude que ce sera un succès, même si ce n’est pas impossible », a soutenu la responsabl­e climat de l’ONU, Patricia Espinosa, en entrevue à l’Agence France-Presse.

Le directeur général de l’Institut de Stockholm sur la résilience, Johan Rockström, a lancé un message on ne peut plus clair mercredi : « Nous sommes à un point où nous risquons de déstabilis­er tout le système planétaire», a-t-il dit, ajoutant que le réchauffem­ent climatique survient « plus rapidement que ce que la science prévoyait », menaçant ainsi de créer une « instabilit­é géopolitiq­ue » à l’échelle planétaire.

 ?? JACQUES DEMARTHON AGENCE FRANCE-PRESSE ?? La secrétaire d’État Brune Poirson était déjà en poste auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot. Ce dernier a démissionn­é subitement en août en dénonçant l’inaction en matière de lutte contre les changement­s climatique­s.
JACQUES DEMARTHON AGENCE FRANCE-PRESSE La secrétaire d’État Brune Poirson était déjà en poste auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot. Ce dernier a démissionn­é subitement en août en dénonçant l’inaction en matière de lutte contre les changement­s climatique­s.

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