« Les énergies fossiles doivent rester dans le sol », affirme Brune Poirson
La secrétaire d’État auprès du nouveau ministre français de l’Environnement assure que l’avenir réside dans l’innovation et le développement d’énergies renouvelables
Même si elle refuse de dicter la marche à suivre au gouvernement du Canada, Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre français de l’Environnement, a lancé un message sans équivoque en entrevue au Devoir : il faut mettre un terme à l’exploitation des énergies fossiles, si on veut espérer limiter le réchauffement planétaire. « Ce n’est pas à moi de juger de la politique intérieure d’un État comme le Canada, mais la position de la France est claire, et nous l’affirmons sur la scène internationale : les énergies fossiles doivent rester dans le sol », a-t-elle affirmé dans le cadre d’un entretien accordé en prévision de la tenue du One Planet Summit, ce mercredi à New York.
«Notre vision, à terme, c’est que les énergies fossiles n’ont plus leur place dans un monde qui doit limiter le réchauffement climatique à moins de deux degrés Celsius. Il faut laisser les hydrocarbures dans le sol », a insisté Brune Poirson, qui est officiellement secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy. Ce dernier a succédé à Nicolas Hulot, qui a démissionné avec fracas en août dernier.
Elle a également rappelé la décision de la France de mettre un terme à l’exploration, mais aussi à l’exploitation d’énergies fossiles sur son territoire à l’horizon 2040. « C’est aussi une vision que nous essayons d’insuffler aux autres pays avec lesquels nous dialoguons à l’échelle internationale», a souligné Mme Poirson.
Ce n’est toutefois pas la position du gouvernement canadien, ni celle de l’industrie pétrolière active au pays. Selon les plus récentes données de l’Office national de l’énergie, on prévoit en fait une croissance soutenue de la production des sables bitumineux au cours des prochaines années. D’ici 2040, elle pourrait même grimper de 75 % pour atteindre alors une production quotidienne de 4,5 millions de barils.
One Planet Summit
Le message de Mme Poirson, très clair, vient d’une actrice politique importante au sein du gouvernement d’Emmanuel Macron. C’est en effet à elle que le président de la République a confié « la mis-
Il nous faut travailler chaque instant pour garder la dynamique de l’Accord de Paris bien vivante BRUNE POIRSON
sion d’organiser le One Planet Summit ».
Elle était donc à New York mercredi pour participer à ce sommet, qui a réuni des dirigeants politiques, des personnalités américaines influentes et des joueurs majeurs de l’économie mondiale, dans le but de relancer l’action climatique internationale.
« C’est un événement qui est plus que nécessaire, et à plusieurs titres. Il nous faut travailler chaque instant pour garder la dynamique de l’Accord de Paris bien vivante. Et une des meilleures façons de le faire, c’est en encourageant une action ambitieuse, ce qui est l’objet du One Planet Summit », expliquaitelle quelques jours avant la rencontre en sol américain.
« Il nous faut innover et développer de façon toujours plus importante les énergies renouvelables, parce que les solutions sont là et parce que nous constatons que les coûts des énergies renouvelables baissent et deviennent plus compétitifs que ceux des énergies fossiles », ajoutait Mme Poirson.
Prenant la parole mercredi devant un parterre plus modeste que lors de la première édition du One Planet Summit, tenue à Paris en décembre 2017, la première ministre de la Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern, a justement plaidé pour une «transition» vers «les énergies propres», tout en soulignant que son pays renonçait à accorder de nouveaux permis d’exploration pétrolière et gazière en milieu marin.
Aucune certitude
La Banque mondiale a aussi profité du One Planet Summit pour annoncer un investissement d’un milliard de dollars, qui permettra selon elle de lever quatre autres milliards, dans l’espoir de quadrupler la capacité de stockage d’énergie renouvelable des pays en voie de développement. L’an dernier, l’institution avait aussi annoncé son intention de cesser le financement des projets d’énergies fossiles après 2019.
Au-delà des engagements financiers et des bons mots de divers représentants politiques, il n’en demeure pas moins que le monde est loin de faire le nécessaire pour éviter le naufrage climatique.
Le prochain sommet de négociations de l’ONU, la COP24, aura lieu en décembre en Pologne. Or, les réunions préparatoires se sont terminées dans l’impasse, et le pessimisme est de mise chez nombre de délégués. « Nous n’avons aucune certitude que ce sera un succès, même si ce n’est pas impossible », a soutenu la responsable climat de l’ONU, Patricia Espinosa, en entrevue à l’Agence France-Presse.
Le directeur général de l’Institut de Stockholm sur la résilience, Johan Rockström, a lancé un message on ne peut plus clair mercredi : « Nous sommes à un point où nous risquons de déstabiliser tout le système planétaire», a-t-il dit, ajoutant que le réchauffement climatique survient « plus rapidement que ce que la science prévoyait », menaçant ainsi de créer une « instabilité géopolitique » à l’échelle planétaire.