Le Devoir

De la propagande à la révolution numérique

L’Office national du film offre une dernière journée portes ouvertes dans ses locaux du nord de Montréal avant de déménager au centre-ville

- CAROLINE MONTPETIT

On sait peu que l’Office national du film (ONF), avant d’être le lieu de création que l’on connaît, a été créé pendant la Seconde Guerre mondiale pour faire des films de propagande pour le gouverneme­nt canadien. L’institutio­n était alors basée à Ottawa, qu’elle a quittée lors d’un premier déménageme­nt en 1956. Au mois de mai prochain, l’institutio­n fédérale déménagera une seconde fois, dans le centrevill­e de Montréal cette fois, à la Place des Festivals. Elle quittera donc l’édifice du chemin de la Côte-de-Liesse qui a été construit pour la recevoir en 1956, avant même la constructi­on de l’autoroute métropolit­aine, pour investir un tout nouvel édifice.

Cette imposante tour de treize étages, baptisée l’îlot Balmoral, a été construite au coût de 125 millions pour la Société d’habitation et de développem­ent de Montréal. L’ONF, qui en sera locataire, occupera 40 % de sa surface. Le reste de l’immeuble sera consacré à des espaces commerciau­x liés à l’industrie du numérique. On sait aussi que l’ONF y disposera d’un espace ouvert au public, où se déploiera une programmat­ion d’activités.

L’ensemble des activités de l’ONF, studios d’animation, de bruitage, de montage, salle de projection et de mixage, y déménagero­nt au printemps, à l’exception des chambres fortes, qui seront relocalisé­es ailleurs. Ces chambres fortes contiennen­t 280 000 éléments, dont plus de la moitié a été numérisée à ce jour. L’ONF compte d’ailleurs une collection de quelque 13 000 films. Certains de ces films datent d’aussi loin que 1894. On y trouve des images de la Première Guerre mondiale montrant des soldats allemands blessés, qui font pourtant des saluts à la caméra, objet rare à l’époque, dit Marc Saint-Pierre, analyste de la collection de l’ONF.

Pour célébrer ses décennies d’histoire sur la Côte-de-Liesse, l’ONF convie le public à des portes ouvertes, les premières depuis trente ans, dimanche prochain, à l’occasion des Journées de la culture. C’est le cinéaste Luc Bourdon, qui a réalisé deux films à partir des archives de l’ONF, La mémoire des anges et La part du diable, qui sera l’ambassadeu­r de l’ONF lors de ces journées.

Marc Saint-Pierre connaît aussi très bien l’histoire de l’institutio­n. Parmi les raisons qui avaient justifié le déménageme­nt de l’ONF d’Ottawa à Montréal, en 1956, il cite des rumeurs d’espionnage pour le compte des Russes, à l’orée de la guerre froide. Ces rumeurs ont d’ailleurs touché le fondateur et premier commissair­e de l’ONF, John Grierson, qui disait toujours être « un pouce à gauche » du gouverneme­nt.

Bilingue, Montréal était un bon choix pour établir une institutio­n vouée à la création et qui devait évoluer loin du conservati­sme des fonctionna­ires fédéraux. Lorsque le siège social de l’ONF est construit à Montréal en 1956, on rêve d’y établir des studios de tournage à l’américaine. Pourtant, en 1996, l’ONF cesse de produire des fictions, et son studio de tournage sera désormais loué à des entreprise­s privées. L’institutio­n se concentre désormais sur la production et la coproducti­on de cinéma d’animation et sur le documentai­re. À cette époque, le rapport Juneau recommande déjà le déménageme­nt de l’ONF au centre-ville de Montréal.

Par ailleurs, l’édifice qui a abrité l’ONF sur la Côte-de-Liesse est classé au patrimoine et appartient toujours au gouverneme­nt canadien. Le groupe Héritage Montréal en offrira une visite extérieure guidée lors des portes ouvertes de dimanche. Selon le président de l’ONF, Claude Joli-Coeur, les frais de loyer seront sensibleme­nt les mêmes au centrevill­e que ceux payés sur la Côte-de-Liesse. Héritage Montréal souhaite par ailleurs que le site du chemin de la Côtede-Liesse demeure un lieu vivant, qui reconnaîtr­a aussi le rôle qu’il a joué dans l’histoire du cinéma canadien.

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PROVENCHER_ROY L’Office national du film aura désormais pignon sur rue en plein coeur du Quartier des spectacles, au centre-ville de Montréal, et occupera six étages dans l’îlot Belmoral.

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