Lettre au futur premier ministre
À moins d’une semaine des élections, rien ne laisse présager que vous, qui serez au pouvoir pour les quatre prochaines années, serez issu d’un parti écologiste. Alors qu’on nous annonçait récemment que nous n’avions plus que deux ans pour inverser la tendance des bouleversements climatiques, il importe de vous rappeler votre responsabilité relativement à cet enjeu historique.
Depuis des décennies, les études scientifiques et les cris d’alarme convergent par milliers pour dénoncer l’inaction gouvernementale. Pourtant, la question environnementale peine à se tailler une place sérieuse dans votre programme. Si pour vous, sortir le Québec du pétrole relève d’un rêve en couleur, je vous signale que c’est pourtant la position la plus pragmatique qui puisse être adoptée face à l’urgence climatique.
Contre la science et les faits, vous restez prisonnier de votre rêve : continuer de miser sur l’accumulation et la croissance. Saviez-vous, Monsieur, que selon les prédictions les plus réalistes, la Terre deviendra invivable d’ici la fin du siècle ? N’avez-vous pas, peut-être pour la première fois, ressenti le réchauffement climatique cet été ? Les 90 morts causés par les huit canicules ne peuvent plus agir comme simple avertissement. Le déluge ne sera pas après vous. Il est déjà là. En tant que premier ministre, faire preuve d’inertie dans cette situation vous rendrait complice d’un des plus grands crimes contre l’humanité.
Quelle ampleur peuvent atteindre les dérèglements climatiques? Jusqu’où le mercure grimpera-t-il ? Jusqu’à quel niveau les mers peuventelles monter ? Ce processus est-il même réversible ? À ce jour, il nous est impossible de le savoir. Ce que nous savons, par contre, c’est que l’extraction et la consommation des hydrocarbures sont la principale source de ces dérèglements. Si vous croyez qu’on doit continuer d’investir dans les énergies sales, que l’économie québécoise a besoin de ces sources d’énergie pour être prospère, que vous vous entêtez à craindre une hypothétique fuite des capitaux, alors il est temps de redéfinir ce qu’on entend par « utopistes » et « pelleteux de nuages ». Non, ces épithètes ne peuvent plus désigner les écologistes. S’il y a un rêveur dans la salle, c’est bien celui qui croit que l’on peut continuer de brûler des énergies fossiles comme s’il n’y avait pas de lendemain. Les écologistes seront les pragmatiques du XXIe siècle.
La transition écologique n’est pas aussi déconnectée de la réalité économique que vous le prétendez. Des plans de transition sérieux, chiffrés et précis sont sur la table au Québec. Ces suggestions ne peuvent plus être considérées comme des caprices d’écologistes illuminés, mais comme les seules options sérieuses et raisonnables.
Nous aurions au moins cru que les cyclones tropicaux, les inondations et les canicules auraient été pédagogiques pour vous. Mais non. Même les morts semblent avoir perdu le pouvoir de vous convaincre. Monsieur le futur Premier Ministre, traitez-nous de rêveurs, mais pendant ce temps, le cauchemar se concrétise. Le temps des demi-mesures est révolu : cessez de rêver, et sortez du pétrole.
Nous n’avons pas deux chances, le futur nous regarde.