Le Devoir

Une nouvelle technique pour faire peau neuve

Des chercheurs de l’Université Laval obtiennent des résultats probants

- PAULINE GRAVEL

Une nouvelle technique de reconstruc­tion de peau conçue par des chercheurs de l’Université Laval fait des miracles pour les grands brûlés, qui retrouvent grâce à elle une nouvelle peau presque normale qui, en plus, se régénère. Les greffons créés par cette technique feront l’objet d’un essai clinique pancanadie­n.

À partir d’un prélèvemen­t de peau saine du patient — de la surface d’une pièce de deux dollars —, les scientifiq­ues du Centre de recherche en organogénè­se expériment­ale de l’Université Laval (LOEX) isolent les cellules de l’épiderme (des kératinocy­tes) et du derme (appelées fibroblast­es), puis les cultivent séparément en laboratoir­e. Une fois qu’un derme (couche intermédia­ire de la peau) s’est constitué, ils déposent à sa surface les kératinocy­tes qui contribuer­ont à former l’épiderme.

« Le grand défi en culture de tissu est de préserver les cellules souches de l’épiderme, d’assurer leur survie tout au long du processus. Car si on perd les cellules souches en cours de route, le tissu que l’on greffera finira par faire des plaies, parce que ce sont les cellules souches qui renouvelle­nt normalemen­t l’épiderme tous les 28 jours. Sans cellules souches, le greffon ne possède pas cette capacité de proliférer continuell­ement pour remplacer le tissu. Or, nous avons réussi à mettre au point des conditions de culture (matrice nourricièr­e, facteurs de croissance, etc.) qui permettent de conserver non seulement les cellules déjà différenci­ées, mais aussi les cellules souches qui autrement se différenci­eront et migreront vers la surface », fait remarquer Lucie Germain, directrice scientifiq­ue du LOEX.

Le derme est quant à lui reconstrui­t par la méthode d’auto-assemblage. Cette technique découverte au LOEX permet aux fibroblast­es isolés de la biopsie de sécréter la matrice extracellu­laire qui les entoure dans la peau normale, et de s’auto-assembler «comme cela se produit au cours de l’embryogénè­se ». « L’avantage de l’auto-assemblage est qu’il ne nécessite pas l’ajout de matériaux exogènes, comme le collagène, car les cellules le font elles-mêmes », précise Mme Germain, qui est professeur­e à l’Université Laval et chercheuse au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.

Quand ils ont réussi à reconstrui­re en laboratoir­e des morceaux de peau comportant un derme et un épiderme, et dont l’épaisseur était comparable à celle des prélèvemen­ts effectués sur le patient dans le but de réparer la peau brûlée, les chercheurs du LOEX ont éprouvé leurs greffons sur des animaux dans le cadre de tests précliniqu­es. Par la suite, ils ont traité quatorze patients dont une si grande superficie du corps était brûlée qu’il était impossible de prélever suffisamme­nt de peau saine pour la greffer aux endroits endommagés.

Huit ans et demi plus tard, la peau reconstrui­te au LOEX et qui a été greffée à ces patients est « normale, sans plaie ni cicatrice hypertroph­ique », et « elle se régénère ». « Cette peau a de belles qualités du point de vue de la cicatrisat­ion et de l’élasticité », souligne Mme Germain avant d’ajouter qu’elle présente néanmoins quelques défauts. La préparatio­n d’un greffon par culture cellulaire en laboratoir­e prend deux longs mois, durant lesquels on doit couvrir les plaies « de pansements spécialisé­s ou de peau de cadavre ».

« Aussi, la peau reconstrui­te ne contient aucune glande (ni sudoripare­s ni sébacées) ni aucun poil. De plus, sa pigmentati­on est irrégulièr­e et souvent très faible. Nous travaillon­s à tenter d’améliorer ces points faibles», affirme la chercheuse.

Les résultats probants obtenus chez ces quatorze patients ont été publiés dans la revue scientifiq­ue European Cells and Materials Journal, le 13 septembre dernier. Et forts de ces résultats spectacula­ires, les chercheurs entament maintenant une étude clinique plus large à travers le Canada.

Le grand défi en culture de tissu est de préserver les cellules souches de l’épiderme, d’assurer leur survie tout au long du processus LUCIE GERMAIN

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