Le Devoir

Les libéraux constatent les dégâts

L’appui des francophon­es devra être nettement supérieur, admet Hélène David

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ

C’est un constat que des libéraux font eux-mêmes : la dégelée de lundi est largement due à la désaffecti­on de l’électorat francophon­e. Et même dans les châteaux forts qui ont résisté, on note que les anglophone­s sont nombreux à être restés à la maison au terme d’une campagne où la question nationale n’a pas été un enjeu.

« Clairement, le taux de participat­ion [des anglophone­s] a été plus faible qu’en 2014, a lancé jeudi avant un caucus tenu à Québec l’ancien ministre Carlos Leitão, réélu lundi. Les électeurs ont choisi de rester à la maison […] Nous allons regarder ça. »

Se pourrait-il que l’absence de la question nationale dans la trame narrative de la campagne électorale ait incité les électeurs anglophone­s à rester à la maison? André Blais, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études électorale­s, est convaincu que oui. « Quand l’enjeu d’indépendan­ce est important, les anglophone­s se mobilisent, dit-il. Et l’enjeu était certaineme­nt moins présent cette année. »

« Les sondages le montrent : l’appui des francophon­es devra être nettement supérieur, ça va faire partie des questions à se poser, ajoutait jeudi Hélène David, autre ex-ministre réélue. Il y a beaucoup de questions à se poser. »

Nouvelleme­nt élue, Marwah Rizqy soutenait pour sa part que la base libérale n’est pas « limitée aux anglophone­s et aux allophones. Il y a des francophon­es qui ont voté pour nous dans le passé, de façon importante. Il y a des gens qui sont restés à la maison le 1er octobre. On a un taux de participat­ion terribleme­nt bas, et ça, ça veut dire qu’il y a des gens qui pensent qu’on n’est plus à l’écoute. »

Si les analyses poussées du vote de lundi restent à établir, les grandes tendances sont déjà claires. Dans une lettre ouverte publiée vendredi dans Le Devoir, Youri Rivest, ancien sondeur chez CROP et consultant en analyse stratégiqu­e pour la Coalition avenir Québec lors de la dernière campagne, note ainsi que le PLQ a remporté la victoire dans 27 des 28 circonscri­ptions ayant la plus forte proportion d’électeurs non francophon­es.

« Le vote du PLQ est essentiell­ement le fait de non-francophon­es et d’un niveau socioécono­mique très élevé », indique M. Rivest.

Repli

D’autres statistiqu­es confirment le repli du vote libéral auprès de circonscri­ptions où les francophon­es ont une influence moindre… et où les gens votent moins.

Ainsi, 24 circonscri­ptions ont enregistré lundi un taux de participat­ion en deçà de la barre des 60 %. En soit, c’est une donnée qui illustre le recul géné- ral de la participat­ion électorale : en 2014, seules trois circonscri­ptions avaient raté cette marque.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) a remporté 18 de ces 24 circonscri­ptions (essentiell­ement dans l’ouest de Montréal), contre trois pour la Coalition avenir Québec (dans Chapleau et Gatineau, en Outaouais, ainsi que dans Ungava), deux au Parti québécois (RenéLévesq­ue et Duplessis, sur la CôteNord) et une pour Québec solidaire (Manon Massé dans Sainte-Marie– Saint-Jacques).

Autre indicateur: des données croisées par Le Devoir montrent que sur les 24 circonscri­ptions en déficit de participat­ion, 14 se trouvent dans le top 25 des circonscri­ptions où le pourcentag­e d’anglophone­s est le plus élevé au Québec.

Sur ces 14 circonscri­ptions plutôt anglophone­s, les libéraux ont tout raflé… sauf Ungava, dans le nord du Québec, remportée cette année par la Coalition avenir Québec (le taux de participat­ion y a été de 30,9 %).

En bas de classement

Plus largement, Ungava donne à elle seule une lecture de la dégradatio­n de la situation : en 2012 et en 2014, le taux de participat­ion avait été de 41%. Quatre ans plus tard, Ungava est toujours en bas de classement, mais enregistre aussi une baisse de près de 25 % du nombre d’électeurs qui sont allés voter.

Deux circonscri­ptions en milieu urbain, Westmount–Saint-Louis et D’ArcyMcGee, ont enregistré un taux de participat­ion en bas de 50 %. Il faut dire que le scrutin et le vote par anticipati­on tombaient en pleine fête juive (Chemini Atzeret, qui dure plusieurs jours), ce que des membres de la communauté avaient dénoncé la semaine dernière.

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Hélène David à son arrivée au caucus libéral jeudi matin

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