Les libéraux constatent les dégâts
L’appui des francophones devra être nettement supérieur, admet Hélène David
C’est un constat que des libéraux font eux-mêmes : la dégelée de lundi est largement due à la désaffection de l’électorat francophone. Et même dans les châteaux forts qui ont résisté, on note que les anglophones sont nombreux à être restés à la maison au terme d’une campagne où la question nationale n’a pas été un enjeu.
« Clairement, le taux de participation [des anglophones] a été plus faible qu’en 2014, a lancé jeudi avant un caucus tenu à Québec l’ancien ministre Carlos Leitão, réélu lundi. Les électeurs ont choisi de rester à la maison […] Nous allons regarder ça. »
Se pourrait-il que l’absence de la question nationale dans la trame narrative de la campagne électorale ait incité les électeurs anglophones à rester à la maison? André Blais, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études électorales, est convaincu que oui. « Quand l’enjeu d’indépendance est important, les anglophones se mobilisent, dit-il. Et l’enjeu était certainement moins présent cette année. »
« Les sondages le montrent : l’appui des francophones devra être nettement supérieur, ça va faire partie des questions à se poser, ajoutait jeudi Hélène David, autre ex-ministre réélue. Il y a beaucoup de questions à se poser. »
Nouvellement élue, Marwah Rizqy soutenait pour sa part que la base libérale n’est pas « limitée aux anglophones et aux allophones. Il y a des francophones qui ont voté pour nous dans le passé, de façon importante. Il y a des gens qui sont restés à la maison le 1er octobre. On a un taux de participation terriblement bas, et ça, ça veut dire qu’il y a des gens qui pensent qu’on n’est plus à l’écoute. »
Si les analyses poussées du vote de lundi restent à établir, les grandes tendances sont déjà claires. Dans une lettre ouverte publiée vendredi dans Le Devoir, Youri Rivest, ancien sondeur chez CROP et consultant en analyse stratégique pour la Coalition avenir Québec lors de la dernière campagne, note ainsi que le PLQ a remporté la victoire dans 27 des 28 circonscriptions ayant la plus forte proportion d’électeurs non francophones.
« Le vote du PLQ est essentiellement le fait de non-francophones et d’un niveau socioéconomique très élevé », indique M. Rivest.
Repli
D’autres statistiques confirment le repli du vote libéral auprès de circonscriptions où les francophones ont une influence moindre… et où les gens votent moins.
Ainsi, 24 circonscriptions ont enregistré lundi un taux de participation en deçà de la barre des 60 %. En soit, c’est une donnée qui illustre le recul géné- ral de la participation électorale : en 2014, seules trois circonscriptions avaient raté cette marque.
Le Parti libéral du Québec (PLQ) a remporté 18 de ces 24 circonscriptions (essentiellement dans l’ouest de Montréal), contre trois pour la Coalition avenir Québec (dans Chapleau et Gatineau, en Outaouais, ainsi que dans Ungava), deux au Parti québécois (RenéLévesque et Duplessis, sur la CôteNord) et une pour Québec solidaire (Manon Massé dans Sainte-Marie– Saint-Jacques).
Autre indicateur: des données croisées par Le Devoir montrent que sur les 24 circonscriptions en déficit de participation, 14 se trouvent dans le top 25 des circonscriptions où le pourcentage d’anglophones est le plus élevé au Québec.
Sur ces 14 circonscriptions plutôt anglophones, les libéraux ont tout raflé… sauf Ungava, dans le nord du Québec, remportée cette année par la Coalition avenir Québec (le taux de participation y a été de 30,9 %).
En bas de classement
Plus largement, Ungava donne à elle seule une lecture de la dégradation de la situation : en 2012 et en 2014, le taux de participation avait été de 41%. Quatre ans plus tard, Ungava est toujours en bas de classement, mais enregistre aussi une baisse de près de 25 % du nombre d’électeurs qui sont allés voter.
Deux circonscriptions en milieu urbain, Westmount–Saint-Louis et D’ArcyMcGee, ont enregistré un taux de participation en bas de 50 %. Il faut dire que le scrutin et le vote par anticipation tombaient en pleine fête juive (Chemini Atzeret, qui dure plusieurs jours), ce que des membres de la communauté avaient dénoncé la semaine dernière.