Tout voir venir
Monsieur je-sais-tout ou l’alliance improbable, sans surprise, d’un instructeur de soccer avec son neveu autiste
Certains films réussissent très bien à défendre de nobles causes, mais sont rarement conçus pour défendre une certaine idée du cinéma, ou ses déclinaisons les plus originales. Même chose pour les tandems désaccordés qui n’ont pas tous la force évocatrice de celui imaginé par le romancier John Steinbeck dans Des souris et des hommes, ou celle de ce duo fraternel orchestré par Barry Levinson dans Rain Man.
Plusieurs évoquent ce film à succès lorsqu’il est question de Monsieur je-saistout, une comédie chargée de bons sentiments signée Stéphan Archinard et François Prévôt-Leygonie (Amitiés sincères). Et ils ne dégoulinent pas de manière désordonnée tant tout s’avère parfaitement calibré, installant la personnalité narcissique et égocentrique de Vincent (Arnaud Ducret, qui a le physique de l’emploi), un entraîneur de soccer pour jeunes recrues, star déchue de ce sport rêvant de faire carrière en Chine. Ce n’est qu’au bout de 20 minutes, top chrono, qu’apparaît l’élément perturbateur, celui qui va enrayer les plans de carrière de ce Casanova de dépanneur, cachant bien sûr quelques blessures… Il se nomme Léonard (Max Baissette de Malglaive, attachant), peut tout casser sur son passage, mais aussi s’emmurer dans le silence, ou répéter cent fois la même chose. Cet adolescent autiste vivait jusque-là avec les parents de Vincent, qui, lui, les tenait à bonne distance, mais diverses circonstances le forcent à héberger temporairement le garçon dans sa villa, qui a sûrement déjà servi à une quelconque émission de téléréalité. Pour le moment, l’existence de l’entraîneur, que l’on devine libre et sans attaches, est vite bousculée par ce garçon non seulement imbattable aux échecs, mais comprenant, à force d’analyses studieuses, les subtilités du ballon rond sur un terrain vert. Tout cela sous le regard bienveillant de Mathilde (Alice David), médecin au grand coeur dont la clinique sportive ne semble jamais prise d’assaut, qui prendra soin des éraflures du neveu ainsi que des bourdes de l’oncle.
Le contraste ne peut être plus saisissant devant ce garçon cérébral, sensible et avisé face à ce quadragénaire superficiel et égoïste, qui bien sûr apprendra beaucoup, en très peu de temps ! avec celui pour qui tout le monde craque. Les deux cinéastes veulent bien sûr faire de même avec les spectateurs, nous plongeant dans des environnements chics et immaculés, tandis que ceux plus vieillots affichent un charme aristocratique — même l’hôpital psychiatrique a des allures de spa au décor médiéval.
Si Monsieur je-sais-tout déconstruit quelques préjugés à l’égard des personnes autistes (les moments de crise sont souvent relégués au hors-champ), le récit se décline sans surprise ni fausses notes, avec ce qu’il faut de pauses salutaires (dont sur la plage…) pour que se déploie une histoire d’amour qui ne brille pas par son originalité. Tout le film est porté par ce désir manifeste des deux cinéastes d’être méthodiques dans leur approche, et surtout très prudents dans leur manière d’aborder cette réalité qui transforme la vie de bien des familles. Beaucoup diront qu’il s’agit moins d’une comédie que d’un conte de fées, et ils n’auront pas tort.
Si Monsieur je-sais-tout déconstruit quelques préjugés à l’égard des personnes autistes, le récit se décline sans surprises ni fausses notes
Monsieur je-sais-tout
1/2 ★★ Comédie dramatique de Stéphan Archinard et François Prévôt-Leygonie. Avec Arnaud Ducret, Max Baissette de Malglaive, Alice David, Jean-François Cayrey. France, 2018, 99 min.