Esa-Pekka Salonen, le chef puriste
Les éditeurs de disques tendent à mettre en coffret le legs intégral de leurs artistes. La boîte des enregistrements du chef Esa-Pekka Salonen pour Sony n’est pas comme les autres. The Complete Sony Recordings. 61 cd 88985471842. Esa-Pekka Salonen a 60 ans. Et pourtant, je me souviens de ses débuts, de ce premier disque, chez Philips avec l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski et les Danses polovstsiennes de Borodine. C’était en 1984. Le chef avait un visage poupin et 26 ans. EsaPekka Salonen, l’artiste médiatique est né en même temps que le CD. Le parcours qu’ils firent ensemble fut admirable.
Lorsque je traçais, en août 2017 dans le cahier Perspectives du Devoir, le portrait-robot du futur chef idéal de l’OSM, il correspondait trait pour trait à ce Finlandais épris de cinéma et de nouvelles technologies. Mais Salonen était au départ un compositeur et il préfère désormais se consacrer à son métier qu’à un orchestre.
Ancré dans le XXe siècle
CBS-Columbia, qui bâtissait son catalogue de disques compacts, s’est vite empressé de ravir le surdoué à Philips, lui faisant enregistrer dès le milieu des années 1980 quelques Sibelius, et le plus important de Nielsen et Stravinski. Force est de constater que trente ans plus tard ces enregistrements demeurent parmi les meilleurs de ce que l’ère numérique et la « jeune génération » nous ont apporté. Le style musical de Salonen est connu : une grande limpidité, une rythmique acérée qui rendent son Stravinski et son Bartók si remarquables. Mais il ajoute à cela une parcelle d’humanité que d’autres chefs analytiques n’ont pas. Une vidéo où on le voit submergé par l’émotion en dirigeant la 2e symphonie de Sibelius en 1992 a fait le tour du monde.
Lorsque Sony a racheté Columbia, Salonen a confirmé son statut de « Monsieur XXe siècle » du catalogue, enregistrant Bartók, Debussy, Lutoslawski, Ligeti et accompagnant Yefim Bronfman dans Prokofiev, Chostakovitch ou Rachmaninov.
Ce coffret permet donc d’échapper à Beethoven, Brahms et Tchaïkovski et de doper sa collection de classiques du XXe siècle, y compris Messiaen (versions de référence des Canyons
aux étoiles et de Couleurs de la cité céleste) et des enregistrements oubliés (Il Prigioniero de Dallapiccola, un superbe CD Lindberg, un Hindemith, Château de l’âme de Saariaho).
On réservera une place spéciale à des CD particulièrement spectaculaires : le plus beau CD de transcriptions de Bach avec celui d’Ozawa, le programme Bernard Herrmann, le CD Silvestre Revueltas, avec Sensemaya, et ce bijou de Nordic Festival, au programme subtil et parfait. On ajoutera à cela que l’équipe de techniciens du son qui accompagnait le chef était à sa hauteur.
Après l’épopée Sony (le dernier enregistrement date de 2001), Salonen est retourné chez DG pour trois disques et quelques enregistrements de concerts disponibles en téléchargement. Il est demeuré chef du Philharmonique de Los Angeles jusqu’en 2009 avant de se replier à Londres, d’où nous arrivent épisodiquement, sur étiquette Signum, quelques concerts avec le Philharmonia Orchestra.
L’héritage Sony est donc ce que Salonen nous laisse de plus prémédité et représentatif de son art. Le mélomane serait avisé de surveiller les évolutions de prix de cette boîte. Elle se trouve actuellement à un peu moins de trois dollars le CD, ce qui est à la fois une mise de fonds et une forme d’aubaine…
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