Le Devoir

Le Canada exclut les États-Unis d’un sommet sur l’OMC

« Nous pensons que la meilleure façon de séquencer la discussion est de commencer par des personnes partageant les mêmes idées », dit Jim Carr

- MIKE BLANCHFIEL­D

Le Canada n’a pas invité les États-Unis à une prochaine réunion visant à sauver le système commercial internatio­nal car ils ne partagent pas les points de vue des 13 pays invités, a expliqué le nouveau ministre canadien du Commerce.

Le Canada accueiller­a des ministres de 13 pays « aux vues similaires » pour une discussion de deux jours à Ottawa plus tard ce mois-ci afin de trouver des moyens de réformer l’Organisati­on mondiale du commerce, a déclaré Jim Carr, le nouveau ministre canadien de la Diversific­ation du commerce internatio­nal.

M. Carr a expliqué que le groupe de pays qu’il a convoqué veut en fin de compte persuader Washington de l’utilité continue de l’OMC, mais que pour le moment, la meilleure voie à suivre consiste à ne pas inviter les États-Unis.

«Nous pensons que la meilleure façon de séquencer la discussion est de commencer par des personnes partageant les mêmes idées, et c’est celles-ci que nous avons invité et qui viennent , a déclaré M. Carr à La Presse canadienne. Ceux qui croient qu’un système fondé sur des règles est dans l’intérêt de la communauté internatio­nale se réuniront afin de parvenir à un consensus que nous présentero­ns ensuite à des pays qui auraient pu être plus réticents. »

Quand on lui demande quel est son message aux Américains en attendant, M. Carr répond : « Un système basé sur des règles est également bon pour eux. »

Inefficace, dit Washington

L’OMC fait partie d’une longue liste d’organisati­ons internatio­nales et d’accords décriés par le président américain Donald Trump et son gouverneme­nt protection­niste. Le principal conseiller économique de M. Trump, Larry Kudlow, a parfois qualifié l’OMC d’inefficace et simplement « brisée ».

Dans le cas de l’OMC, les États-Unis sont allés au-delà de la rhétorique hostile et ont bloqué la nomination de nouveaux juges à son organe de règlement des différends, ce qui menace de paralyser l’organisati­on et de l’empêcher de prendre des décisions.

« L’impasse dans laquelle se trouvent les membres de l’instance d’appel risque de mettre un terme à tout le système de règlement des différends», prévient un document de discussion canadien de huit pages qui a été distribué aux 13 pays invités.

La Presse canadienne a obtenu un exemplaire du document, qui n’a pas été publié.

M. Carr a dit que le Canada garde l’esprit ouvert pour trouver de nouvelles façons de régler les différends commerciau­x internatio­naux.

« Mais nous pensons que l’OMC, réformée et actualisée, constitue le meilleur moyen de rétablir un système fondé sur des règles », a-t-il précisé.

Les efforts visant à persuader les Américains de prendre conscience de ce fait auraient été « beaucoup plus difficiles » si le Canada n’avait pas préservé les mécanismes de règlement des différends prévus dans le pacte de libreéchan­ge continenta­l récemment renégocié et renommé Accord États-Unis– Mexique–Canada, poursuit M. Carr.

« Vous voulez que vos principaux partenaire­s commerciau­x admettent que vous avez besoin d’un mécanisme de

L’OMC fait partie d’une longue liste d’organisati­ons internatio­nales et d’accords décriés par le président américain, Donald Trump, et son gouverneme­nt protection­niste

règlement des différends », a-t-il dit.

Le mois dernier, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré à une station de radio d’Edmonton que les mécanismes indépendan­ts de résolution des conflits, que les États-Unis voulaient supprimer, devaient être préservés, car M. Trump « ne suit pas toujours les règles telles qu’elles sont définies ».

Le Canada a invité l’Australie, le Brésil, le Chili, l’Union européenne, le Japon, le Kenya, la Corée du Sud, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, Singapour et la Suisse à deux jours de négociatio­ns sur l’OMC, à compter du 24 octobre à Ottawa.

Le document de discussion canadien présente trois grands thèmes : la sauvegarde et le renforceme­nt du système de règlement des différends ; l’améliorati­on de l’efficience et de l’efficacité de la fonction de surveillan­ce de l’OMC ; et la modernisat­ion des règles commercial­es pour le XXIe siècle.

Sur ce dernier point, le document reconnaît que «les règles commercial­es vieillissa­ntes doivent être mises à jour de toute urgence pour répondre aux besoins de l’économie mondiale moderne », tout en notant « qu’il existe une divergence quant aux priorités ».

Le document ne cible pas spécifique­ment les États-Unis, mais il est clair que les institutio­ns commercial­es internatio­nales sont « de plus en plus fragiles ».

« Les défis auxquels est confronté le système commercial multilatér­al ne peuvent être attribués à une cause ni à un pays, indique le document. Cependant, la combinaiso­n de perturbati­ons et de paralysie a commencé à éroder le respect du commerce fondé sur des règles et des institutio­ns qui le régissent, ouvrant ainsi la porte à des politiques faussant les échanges. »

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