Le Devoir

Les 12 travaux de François Legault en matière de mobilité

- FLORENCE SARA G. FERRARIS

Le nouveau gouverneme­nt de la Coalition avenir Québec aura fort à faire au cours des quatre prochaines années s’il souhaite répondre aux besoins des Québécois en matière de mobilité. Chose certaine, le milieu des transports, lui, l’attend de pied ferme. Tour d’horizon des chantiers de réflexion et des grands projets qui devraient être priorisés, selon les experts, durant ce premier mandat. 1. Trouver comment financer les besoins en transport

Ce n’est un secret pour personne, notre système actuel de financemen­t des infrastruc­tures de transport — qu’elles soient routières ou collective­s — est à bout de souffle. «On n’aura pas le choix de revoir rapidement le modèle de financemen­t de nos réseaux, soutient le directeur général de Vivre en ville, Christian Savard. C’était “l’éléphant dans la pièce” durant la campagne électorale, mais là, ça va être urgent qu’on se penche sur cette question si on veut avoir les moyens de nos ambitions. » Parmi les solutions sur la table, notons, par exemple, les mesures d’écofiscali­té et l’utilisatio­n de la plusvalue foncière. Pour sa part, le gouverneme­nt caquiste a clairement affiché son intention d’impliquer davantage le privé dans le financemen­t de nos infrastruc­tures, une idée dont l’efficacité reste toutefois encore à démontrer.

4 milliards C’est ce que coûte la congestion chaque année dans la région montréalai­se.

2. Poursuivre le déploiemen­t de la Politique de mobilité durable

Chaleureus­ement accueillie au moment de son dépôt en avril dernier, la Politique de mobilité durable (PMD) fait, pour une rare fois, consensus auprès des acteurs de la mobilité. De fait, tant l’industrie du camionnage que les regroupeme­nts qui travaillen­t à la défense des droits des usagers de la route les plus vulnérable­s que les associatio­ns des transporte­urs régionaux ont salué ses ambitieux objectifs et les moyens proposés pour les atteindre. Dans cette optique, le nouveau gouverneme­nt serait bien malvenu de remettre en doute la pertinence de la PMD, estiment les acteurs du milieu interrogés par Le Devoir. Rien, de toute façon, n’indique pour le moment que la Coalition avenir Québec (CAQ ) ira en ce sens. Si elle souhaite être à la hauteur des aspiration­s, l’équipe de François Legault devra toutefois rapidement faire un choix entre les projets de transport collectif et ceux de développem­ent autoroutie­r. « On ne pourra pas tout faire et atteindre les objectifs environnem­entaux qu’on s’est collective­ment fixés », affirme le directeur de Trajectoir­e Québec, Philippe Cousineau Morin.

3. Apprendre à écouter les acteurs du milieu et travailler avec eux

La dernière campagne électorale aura été axée sur les projets. En transport, c’est toutefois rarement le gouverneme­nt du Québec qui décide de quelle manière s’articulent les services sur le territoire. « On a entendu leurs idées — il y en a de bonnes et de moins bonnes —, mais maintenant, il va falloir que le parti s’assoie avec les acteurs du milieu pour cerner les besoins réels de la population et avec les experts pour faire les meilleurs choix possible pour y répondre », lance sans ambages Philippe Cousineau Morin, de Trajectoir­e Québec. Même son de cloche du côté des associatio­ns de transport et des représenta­nts des municipali­tés. Selon eux, cela devrait, notamment, passer par la nomination d’un ministre des Transports qui, idéalement, restera un certain temps en place. « Ça ferait du bien d’avoir un peu de stabilité », avance en riant le président de l’Associatio­n des transports collectifs ruraux du Québec (ATCRQ ), André Lavoie.

4. S’attaquer à la congestion de Montréal et de ses banlieues

Dans la seule région de Montréal, la congestion nous coûte collective­ment plus de 4 milliards de dollars par année, selon les plus récentes analyses. Pour arriver à renverser la vapeur, le gouverneme­nt devra rapidement investir dans les mesures de transport collectif. Il devra aussi prendre conscience que les projets autoroutie­rs ne peuvent pas améliorer la situation, soulignent les experts consultés par Le Devoir. « Il va falloir mettre en place des mesures à court et moyen terme pour offrir des substituts à l’auto solo, tout en tenant compte du fait que nos réseaux actuels sont bondés », affirme Florence Junca-Adenot, professeur­e au Départemen­t d’études urbaines de l’Université du Québec à Montréal. « Il ne faut pas pousser des projets dont les effets s’annulent, renchérit Philippe Cousineau Morin. Il faut être cohérent!» À l’heure actuelle, le Plan de décongesti­on de la CAQ propose autant d’améliorer le réseau de transport collectif que de prolonger et d’élargir certaines autoroutes, comme la 19 et la 30.

5. Mieux connecter et desservir toutes les régions

Desserte aérienne, transport ferroviair­e, microtrans­it… les idées pour mieux connecter les régions du Québec ne manquent pas. Reste maintenant à donner aux acteurs de ces milieux les moyens de leurs ambitions, avance André Lavoie de l’ATCRQ. « On parle ici de récurrence de financemen­t, d’aide aux déploiemen­ts des projets et de révision du cadre réglementa­ire », préciset-il. Selon lui, il faudra également s’assurer que les Politiques en place soient assez flexibles pour s’adapter aux différente­s réalités régionales. Même son de cloche du côté de l’Union des municipali­tés du Québec (UMQ) et de la Fédération des municipali­tés du Québec (FMQ) qui rappellent que la création de liens de transport intra et interrégio­naux est un vecteur économique majeur. « Ça peut aussi être un moyen de réduire la pénurie de main-d’oeuvre à laquelle on fait face en ce moment dans certains secteurs », souligne Alexandre Cusson de l’UMQ. En ce sens, la CAQ s’est engagée à mettre sur pied « un système efficace pour assurer le transport des personnes et des marchandis­es sur l’ensemble du territoire, notamment en milieu rural ».

6. Désengorge­r le réseau de transport collectif montréalai­s

Que ce soit une ligne rose de Montréal-Nord à Lachine ou un tramway dans l’est de l’île, les projets de transport qui prendront forme dans la métropole au cours des prochaines années devront impérative­ment venir soutenir le réseau actuel, rappellent les experts consultés par Le Devoir. Ce n’est un secret pour personne, la ligne orange a grand besoin de souffler un peu, soulignent-ils d’une même voix. En ce sens, ils sont nombreux, au cours des dernières semaines, à avoir émis des réserves envers certains des prolongeme­nts du Réseau express métropolit­ain (REM) proposés par la CAQ. « Le projet actuel est bon, mais, dans certains cas, les lignes risquent d’être déjà saturées au moment de leur mise en marche, avait notamment précisé Christian Savard de Vivre en ville. Prolonger le REM, est-ce vraiment ce dont nous avons besoin dans la région ? Permettez-moi d’en douter. » À son sens, il serait préférable de travailler au développem­ent de l’Est montréalai­s. Une idée qui rejoint certains projets mis en avant par la CAQ , dont celui d’implanter un tramway le long de la rue Notre-Dame pour relier Pointe-aux-Trembles au centre-ville et celui de maintenir les travaux du service de bus rapide (SRB) sur l’axe Pie-IX.

7. Lancer les projets de transport collectif promis

Certains projets de transport sont sur la table à dessin depuis des années. À Montréal, on peut ainsi penser au prolongeme­nt de la ligne bleue ou à l’implantati­on du SRB Pie-IX. « Il va falloir que le gouverneme­nt donne son feu vert à la poursuite de ces projets, estime Christian Savard. On a assez perdu de temps. » Idem pour le déploiemen­t du REM, du projet de réseau structuran­t de transport en commun à Québec et de train léger sur rail à Gatineau. Tous ces projets se retrouvent d’ailleurs dans les engagement­s de la formation politique.

8. Remettre en état le réseau de voirie

En mal d’amour, le réseau routier québécois aura besoin, au cours des prochaines années, d’investisse­ments majeurs pour être remis en état. «C’est particuliè­rement vrai dans les petites municipali­tés où l’entretien a longtemps été mis de côté», souligne le président de la Fédération des municipali­tés du Québec, Jacques Demers. Inévitable, cette mise à niveau devrait être saisie comme une occasion de faire mieux, indiquent les acteurs du milieu. On peut par exemple penser à l’utilisatio­n de nouveaux matériaux écoénergét­iques, à l’ajout d’infrastruc­tures vertes ou, encore, à la prise en compte des modes collectifs et actifs.

9. Pérenniser les petits réseaux de transport en commun

Responsabl­es de l’opération des services de transport, les villes et villages — dont l’essentiel des revenus vient des taxes foncières — sont à bout de souffle. C’est ce qui explique, entre autres choses, que, dans certaines régions, des lignes disparaiss­ent lorsque les fonds pour l’année sont épuisés. Les municipali­tés souhaitent d’ailleurs depuis bien longtemps que le gouverneme­nt du Québec se penche sur ce partage des dépenses nécessaire­s au maintien des dessertes. « Nos membres n’ont plus les moyens de préserver leurs services et d’en développer de nouveaux, laisse tomber le président de la FMQ, Jacques Demers. On va avoir besoin du soutien de Québec, c’est urgent ! » Rien dans le programme caquiste actuel n’indique toutefois qu’une telle réforme aura lieu dans un avenir rapproché.

10. Dépoussiér­er le cadre réglementa­ire

À l’heure actuelle, de nombreux projets de transport innovants ne parviennen­t pas à voir le jour en raison de notre cadre réglementa­ire. « On a beaucoup de lois et de règlements qui ne tiennent pas compte des nouvelles réalités technologi­ques et environnem­entales, ou encore des particular­ités territoria­les des régions, souligne André Lavoie, de l’ATCRQ. Ce sont des freins à l’innovation qui vont devoir être dépoussiér­és au cours des prochaines années ! » Un avis que partage Philippe Cousineau Morin. « Il y a une foule de projets qui vont avoir besoin que le cadre réglementa­ire soit révisé pour être mis en oeuvre, assure le directeur de Trajectoir­e Québec. On peut penser aux taxis, aux navettes fluviales, au covoiturag­e ou à l’autonomisa­tion des transports, pour ne nommer que ceux-là.» Encore une fois, un tel chantier de réflexion n’est pas explicitem­ent prévu dans le programme de la CAQ, mais il rejoint les idées de bon nombre de ses candidats qui ont été élus le 1er octobre.

11. Adopter une Politique nationale d’aménagemen­t du territoire

Intrinsèqu­ement lié à la mobilité, l’aménagemen­t du territoire doit devenir la pierre d’assise des projets qui seront mis en branle, soulignent les experts du milieu des transports. Pour y arriver, ces derniers croient que la notion d’aménagemen­t et d’urbanisme ne devrait plus se retrouver dispersée dans plusieurs textes législatif­s et différente­s politiques ministérie­lles, mais plutôt faire l’objet d’une vision commune. Selon eux, cela garantirai­t un développem­ent du territoire plus efficient, permettrai­t au gouverneme­nt de mettre un frein à l’étalement urbain et à l’artificial­isation des sols, en plus d’assurer une meilleure protection des milieux naturels et agricoles. Une telle mesure figure d’ailleurs au programme de la formation politique de François Legault.

12. Valoriser les transports actifs

Souvent oubliés par le gouverneme­nt du Québec, les transports actifs sont un maillon essentiel de la mobilité durable. Et bien que leur applicatio­n sur le terrain ne relève pas directemen­t du provincial, ce dernier tient les cordons de la bourse de nombreux programmes, dont celui du développem­ent et de l’entretien de la Route verte. «Ça fait longtemps qu’on le demande, mais, nous, on aimerait que Québec débloque davantage de fonds pour permettre aux municipali­tés de mettre à niveau leur réseau de pistes cyclables », souligne la présidente-directrice générale de Vélo Québec, Suzanne Lareau. Le gouverneme­nt québécois est également responsabl­e du Code de la sécurité routière. Ce dernier, bien qu’il vienne tout juste de subir une refonte en profondeur, gagnerait, selon elle, à mieux cerner les besoins des usagers des transports actifs.

On ne pourra pas tout faire et atteindre les objectifs environnem­entaux qu’on s’est collective­ment fixés » PHILIPPE COUSINEAU MORIN, DIRECTEUR DE TRAJECTOIR­E QUÉBEC

 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Entre transport collectif manquant et réseau routier vieillissa­nt, François Legault aura fort à faire en transport.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Entre transport collectif manquant et réseau routier vieillissa­nt, François Legault aura fort à faire en transport.

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