Le Devoir

La victoire de la CAQ ouvre la porte à quatre années de reconstruc­tion

- Nic Payne Militant indépendan­tiste

Les théoricien­s de l’impasse souveraini­ste, qui cautionnai­ent la mise en veilleuse par le PQ de son option fondatrice en affirmant qu’il s’agissait là du seul choix raisonnabl­e possible, ont aujourd’hui, plus que jamais, le résultat de leurs enseigneme­nts sous les yeux. Le Parti québécois, s’étant enlevé sa raison d’être, s’est confiné presque à la marge électorale ; il a cassé l’opposition PQ-PLQ, puis ouvert le chemin pour un François Legault qui ne pouvait que le battre à plates coutures dans une stratégie d’acceptatio­n du statu quo constituti­onnel qui soit électorale­ment payante. En effet, pendant que le PQ se vidait de ses appuis indépendan­tistes sans gagner d’autres électeurs par ailleurs puisqu’il demeurait souveraini­ste sur papier, la CAQ, elle, a pu recueillir beaucoup de votes d’indépendan­tistes désormais démobilisé­s, aussi bien que de non-indépendan­tistes rassurés par sa position assumée en faveur du maintien du Québec dans le Canada.

Quant à l’option de l’indépendan­ce, elle s’est retrouvée entre les seules mains de Québec solidaire qui, devant l’effondreme­nt péquiste, l’émergence d’une nouvelle génération politique et une grande soif de changement, a connu la meilleure soirée électorale de son histoire, mais demeure pour l’instant un parti logé à l’enseigne de l’utopie pour de nombreux Québécois. QS, depuis l’entrée en scène de Gabriel Nadeau-Dubois, a adopté une position indépendan­tiste concrète et claire; toutefois, si on a aussi senti, de la part du député de Gouin, une volonté de tirer QS vers quelque chose de plus rassembleu­r, les résultats à cet égard sont encore peu mesurables. QS demeure un parti très niché dont les propositio­ns souvent hyper idéologiqu­es sont un repoussoir important ; les solidaires arriveront-ils à se recentrer et à adopter une politique plus mature et minimaleme­nt pragmatiqu­e? C’est bien possible à moyen et long termes, bien qu’on ne puisse en être certain. Une telle chose supposerai­t la disparitio­n du PQ — un processus déjà bien entamé — et constituer­ait un pas important vers le retour d’un grand parti indépendan­tiste au Québec, tel que le souhaitaie­nt les fondateurs d’Option nationale, fin 2011.

Pour l’heure, le mouvement indépendan­tiste, bien que devant une nouvelle donne, n’est pas nécessaire­ment plus mal pris qu’au soir du 30 septembre

Une révolution des esprits

Les péquistes, toutefois, peuvent encore, théoriquem­ent, espérer reprendre un tel rôle. Cependant, Il faut admettre qu’à ce moment-ci, l’élan favorable est du côté de QS, qui impression­ne désormais par la jeunesse de sa base. Il faut également noter que le PQ est très solidement ancré dans la théorie de l’impasse souveraini­ste et donc, profondéme­nt convaincu que la position adoptée par Pauline Marois, puis poussée un cran plus loin par JeanFranço­is Lisée, est la seule possible. Il faudrait une véritable révolution des esprits pour arracher cette vision défaitiste des instances, de la députation et de l’électorat dur de ce parti.

Pour l’heure, le mouvement indépendan­tiste, bien que devant une nouvelle donne, n’est pas nécessaire­ment plus mal pris qu’au soir du 30 septembre. Si une victoire du PQ avait toutes les chances de mener à quatre années de dure gouvernanc­e et d’immobilism­e coûteux, la victoire de la CAQ ouvre désormais la porte sur quatre années de reconstruc­tion, et ce, alors que l’appui à l’indépendan­ce se maintient toujours à un niveau plus qu’appréciabl­e, qui supplante largement les résultats électoraux tant du PQ que de QS et même du PLQ. Bref, tout est encore possible, mais la patience et le travail sont de mise.

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