Le Devoir

Un second tour polarisé

Après le triomphe de l’extrême droite au premier tour de la présidenti­elle, le prochain duel opposera Bolsonaro à l’héritier de l’ex-président Lula

- LOUIS GENOT À RIO DE JANEIRO

Après le triomphe la veille de l’extrême droite au premier tour de la présidenti­elle, le Brésil plongeait à nouveau, lundi, dans une campagne électorale de trois semaines qui s’annonce mouvementé­e jusqu’au second tour.

Jair Bolsonaro, le député nostalgiqu­e de la dictature militaire et coutumier des dérapages racistes et homophobes, s’est largement qualifié dimanche avec 46 % des suffrages, obtenant près de 50 millions de voix.

Une nette victoire assortie d’un raz de marée au Congrès, sa formation, le Parti social libéral, auparavant marginale, ayant vu son nombre de députés multiplié par six à l’issue de l’élection législativ­e, qui a également eu lieu dimanche.

L’ancien parachutis­te de l’armée n’a toutefois pas été élu président au premier tour comme il l’espérait. Il se retrouvera le 28 octobre face à Fernando Haddad (29 %), du Parti des travailleu­rs (PT, gauche), dans un duel incertain et symptomati­que de l’extrême polarisati­on que cette campagne électorale a mise au jour.

Les deux candidats ont fait la course en tête dans les sondages ces dernières semaines en semant leurs onze autres concurrent­s, pour se retrouver dans un face à face des extrêmes.

Mais M. Haddad, qui a obtenu le résultat le plus bas du parti au premier tour d’une présidenti­elle depuis 1994, va devoir mettre les bouchées doubles pour rattraper son retard.

« Bolsonaro surfe sur la vague conservatr­ice », titrait lundi en une le quotidien économique Valor, rappelant que le nombre de députés du PSL est passé de 8 à 52, sur 513 au total. Le parti sera aussi représenté à la chambre haute, avec 4 sénateurs sur 81, alors qu’il n’en compte aucun actuelleme­nt.

Mais pour former sa base parlementa­ire, il compte surtout sur l’appui de puissants lobbys conservate­urs, notamment ceux de l’agroalimen­taire et des puissantes églises évangéliqu­es.

« La vague bolsonaris­te redessine la politique », résumait pour sa part le quotidien O Globo. La preuve : Wilson Witzel, soutenu par Bolsonaro dans la dernière ligne droite de la campagne, est en passe de devenir gouverneur de Rio de Janeiro. Alors que les sondages

ne le créditaien­t que de 17 % des intentions de vote, il est arrivé largement en tête du premier tour, avec 46 % des suffrages, reléguant la légende brésilienn­e du soccer Romário de Souza Faria en quatrième position.

Antagonism­es

Pour le second tour de la présidenti­elle, Jair Bolsonaro et Fernando Haddad devraient essayer d’être plus consensuel­s en nouant des alliances vers le centre, selon les observateu­rs.

Lundi, le candidat de gauche a tenté de rectifier le tir en tendant notamment la main à Ciro Gomes (centre gauche), arrivé en troisième position du premier tour avec 12,5 % des suffrages.

« Nous allons parler avec toutes les forces démocratiq­ues du pays », a-t-il affirmé en sortant de sa visite hebdomadai­re à son mentor Lula dans la prison ou l’ex-président purge une peine de 12 ans et un mois pour corruption.

« J’ai parlé au téléphone hier avec Ciro et nous sommes totalement disposés à ajuster des points de notre programme pour qu’il soit plus représenta­tif de l’alliance démocratiq­ue que nous souhaitons nouer », a ajouté le candidat du PT.

Jair Bolsonaro, lui, a promis sur Facebook de « mettre la politique au service des Brésiliens et non plus les Brésiliens au service des hommes politiques ».

Pour Fernando Meireiles, politologu­e à l’Université fédérale de Minas Gerais, « la possibilit­é que Bolsonaro gagne paraît la plus forte actuelleme­nt». «Il me semble difficile que Haddad l’emporte, mais ce n’est pas impossible. Il a encore une chance raisonnabl­e », dit-il toutefois. « Pour Bolsonaro, il est primordial d’éviter tout type d’erreur. Il doit garder un profil bas. »

 ?? FERNANDO SOUZA AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Jair Bolsonaro lors d’un bain de foule à Rio de Janeiro, dimanche
FERNANDO SOUZA AGENCE FRANCE-PRESSE Jair Bolsonaro lors d’un bain de foule à Rio de Janeiro, dimanche

Newspapers in French

Newspapers from Canada