Anna Netrebko, magistrale en Aïda
Samedi, le Metropolitan Opera présentait l’oeuvre de Giuseppe Verdi en direct au cinéma
Le Metropolitan Opera amorçait sa saison dans les cinémas avec faste. Aïda fut de tout temps l’un des spectacles « signature » de la maison et la production de Sonja Frisell, qui a remplacé celle de Franco Zeffirelli, ne déroge pas à la règle, misant notamment sur les plans et niveaux permis par un système scénique sophistiqué.
Le luxe de l’Aïda du Met se matérialise lors du retour des guerriers et de la marche triomphale, un vrai défilé, avec chevaux et butin de guerre, devant un décor très impressionnant. Il faut aller en Europe, dans les arènes de Vérone ou de Sankt Margarethen, pour voir tel déploiement, mais pas avec des distributions aussi prestigieuses qu’à New York.
Anna Netrebko est Aïda. Qui l’eût cru il y a quinze ans ? Mais la chanteuse ne cesse d’étonner : lorsqu’elle s’attelle sérieusement à un projet, elle peut déplacer des montagnes. Le creusement de la voix dans les graves est renversant, alors que les aigus n’ont pas vraiment perdu de pureté. Bref, elle est prête, vocalement et dramatiquement, à assumer le rôle et elle le fait magistralement.
Face à elle, Anita Rachvelishvili prend la relève d’une légende, Dolora Zajick. Au début, tout se passe «normalement », mais Rachvelishvili révèle l’ampleur de sa classe vocale dans le dernier acte, qu’elle gère avec une rage contenue sans jamais poitriner ses impressionnants graves.
Aleksandrs Antonenko était dans un jour fort médiocre. Est-ce déjà un déclin dû à trop d’Otello ? Chanter à 13 h n’est pas facile. Le Letton a été pris en défaut sur « Celeste Aïda », très moyen. Il s’est retrouvé par la suite, et j’ai donc cru qu’il ne s’était pas assez échauffé. Mais sa difficulté à distiller son émission vocale dans la scène finale du cachot m’a inquiété quant à l’intégrité de ses moyens. Des diverses basses re- quises par l’opéra, l’un était décevant : Dmitry Belosselskiy, insuffisant dans les graves en prêtre Ramfis.
Comme l’excellent orchestre était dirigé d’une main experte par Nicola Luisotti, le fait de l’après-midi était une nouvelle fois, hélas, les élucubrations filmiques de Gary Halvorson. Celles-ci prennent désormais une quatrième dimension par l’ajout d’une caméra filmant par-dessus. Sans entrer dans le détail, soulignons que le problème principal reste la nervosité dans la découpe. Avec la multiplication des moyens techniques s’ajoutent de nombreuses invraisemblances, lorsque, par exemple, une contre-plongée (dont Halvorson abuse de manière générale) interrompt un travelling inachevé de caméra girafe. À cela s’ajoutaient pas mal de problèmes de focus selon les caméras. Quand le Met comprendra-t-il que les spectateurs viennent pour voir un opéra avec des musiciens et des chanteurs et non pour admirer les supposées prouesses d’un gars qui joue avec ses boutons dans un car régie ?
Aïda
Anna Netrebko (Aïda), Anita Rachvelishvili (Amneris), Aleksandrs Antonenko (Radames), Quinn Kelsey (Amonasro), Ryan Speedo Green (le roi d’Égypte), Dmitry Belosselskiy (Ramfis). Metropolitan Opera. Direction : Nicola Luisotti. Mise en scène: Sonja Frisell. Décors: Gianni Quaranta. Costumes: Dada Saligeri. Chorégraphie: Alexei Ratmansky. Lumières: Gil Wechsler. Réalisateur: Gary Halvorson. Samedi 6 octobre. Rediffusions les 3, 5, 7 et 11 novembre, selon les cinémas participants.