Le Devoir

La CAQ ouvre la porte à un compromis sur les signes religieux

Les enseignant­s pourraient obtenir des « droits acquis » pour le port de signes religieux

- MARIE-MICHÈLE SIOUI CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC MARCO FORTIER Avec Isabelle Porter

Une semaine après avoir annoncé des pertes d’emploi pour des employés de l’État qui renoncerai­ent à retirer leurs signes religieux, la Coalition avenir Québec a jeté du lest mardi en ouvrant la porte à un « droit acquis » pour les enseignant­s — et peut-être même d’autres personnes en « position d’autorité ».

Simon Jolin-Barrette a rappelé que la position de la CAQ a « toujours été de dire [qu’]il n’y a pas de clause de droits acquis » pour les personnes portant des signes religieux. « Cela étant dit, on est prêts à discuter avec les différents partis d’opposition », a-t-il ajouté.

L’équipe de François Legault est donc ouverte au compromis ; elle souhaite « collaborer avec les partis d’opposition » et « passer enfin à autre chose » en adoptant « une loi qui va consacrer la laïcité de l’État ».

La semaine dernière, la CAQ s’était montrée formelle, attestant que les enseignant­s, policiers, procureurs de la Couronne, juges et gardiens de prison devraient, sous un gouverneme­nt caquiste, s’abstenir de porter un signe religieux, à défaut de quoi ils perdraient leur emploi.

Tout juste confirmé au poste de chef intérimair­e du Parti québécois, Pascal Bérubé a accueilli la nouvelle prise de position de la CAQ d’un ton plutôt positif. «On ne veut pas que personne soit congédié. […] J’ai cru comprendre que la CAQ avait reculé à nouveau sur cette question-là. […] Lorsqu’on aura une pièce législativ­e, on pourra l’apprécier, mais nos positions demeurent les mêmes », a-t-il affirmé.

Québec solidaire a déclaré qu’il n’y avait pas, au Québec, « de problème avec les enseignant­s qui portent le voile ou la kippa », outre un « problème de perception ». « M. Legault devrait mettre ses priorités ailleurs », a fait savoir le parti.

Le Parti libéral n’a pas répondu aux questions du Devoir.

La laïcité avec le crucifix

Simon Jolin-Barrette a par ailleurs affirmé que son parti avait l’intention de garder le crucifix dans l’enceinte du Salon bleu, « parce qu’il s’agit pour nous d’un objet patrimonia­l ».

La CAQ a effectué l’an dernier une volte-face sur cette question : elle a retiré à la dernière minute son appui à une motion de Québec solidaire visant à retirer l’objet de la salle de l’Assemblée nationale. À l’instar des caquistes, les libéraux souhaitent le maintien de cette croix — en fait une copie de l’originale offerte par Maurice Duplessis en 1936. Les péquistes proposent quant à eux de la retirer.

Si elle est perçue comme un pas de côté dans la joute politique, la nouvelle approche de la CAQ sur les signes religieux n’est pas « moins inconstitu­tionnelle pour autant », a fait valoir Stéphane Beaulac, professeur de droit constituti­onnel à l’Université de Montréal.

« Les droits et libertés ne sont pas tributaire­s d’une chronologi­e quelconque », a-t-il avancé dans un entretien avec Le Devoir. Ce n’est pas parce qu’une catégorie de citoyens conservera­it le « droit acquis » de porter un signe religieux qu’il serait moins illégal d’en interdire le port à une autre catégorie de personnes, a-t-il expliqué.

Quant au maintien du crucifix à l’Assemblée nationale, il envoie selon le professeur Beaulac un message contradict­oire pour un gouverneme­nt qui prône la laïcité.

«Le président de notre institutio­n démocratiq­ue par excellence au Québec a un crucifix au-dessus de la tête. C’est la laïcité à vitesse variable », a-til affirmé.

À la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE) comme à la Centrale des syndicats du Québec, la possibilit­é de créer « deux classes de salariés » par la reconnaiss­ance d’un droit acquis a dérangé.

«Les disparités de traitement ont souvent pour effet de diviser les personnes salariées et clairement, ce n’est pas ce qu’on souhaite. Donc, il faudra étudier la question vraiment plus attentivem­ent », a déclaré la présidente de la seconde organisati­on, Sonia Éthier.

«Comment peut-on accepter que quelqu’un ait un droit acquis, mais que l’autre personne n’ait pas le même droit ? Il n’y a pas une organisati­on syndicale qui peut accepter ça », a ajouté Sylvain Mallette, de la FAE.

Et puis, sur le fond, la CAQ se fourvoie, à son avis, puisqu’elle prétend que les enseignant­s « détiennent la même autorité que les policiers ou juges ».

« Des mesures disciplina­ires à l’encontre de profs qui auraient cherché à convertir leurs élèves, il y en a eu… zéro. Pourquoi vouloir régler un problème qui n’existe pas?» a-t-il demandé.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? Porte-parole de la CAQ, Simon Jolin-Barrette a rappelé que la position de son parti a « toujours été de dire [qu’]il n’y a pas de clause de droits acquis » pour les personnes portant des signes religieux, mais qu’il était « prêt à en discuter avec les autres partis ».
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Porte-parole de la CAQ, Simon Jolin-Barrette a rappelé que la position de son parti a « toujours été de dire [qu’]il n’y a pas de clause de droits acquis » pour les personnes portant des signes religieux, mais qu’il était « prêt à en discuter avec les autres partis ».

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