Le Devoir

Démission surprise de l’ambassadri­ce américaine à l’ONU

- FRANCESCO FONTEMAGGI SEBASTIAN SMITH À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

L’ambitieuse ambassadri­ce des ÉtatsUnis aux Nations unies, Nikki Haley, la femme la plus en vue du gouverneme­nt de Donald Trump, a annoncé mardi sa démission à la surprise générale, tout en assurant ne pas vouloir se présenter contre le président américain aux prochaines élections.

« Elle m’a dit il y a environ six mois qu’elle souhaitait prendre une pause », a justifié le milliardai­re républicai­n, louant le « travail fantastiqu­e » de son « amie », présente à ses côtés, tout sourire, dans le Bureau ovale. « Elle a été très spéciale pour moi », a-t-il insisté.

Donald Trump a précisé que le départ serait effectif « à la fin de l’année » et qu’il dévoilerai­t le nom d’un successeur « d’ici deux ou trois semaines ».

L’ex-gouverneur­e de Caroline du Sud, 46 ans, à qui l’on a souvent prêté des vues sur la Maison-Blanche, a assuré qu’elle ne serait pas candidate à la présidenti­elle de 2020. « Il est important de savoir quand il est temps de faire un pas de côté», a seulement expliqué Nikki Haley. Ses motivation­s restent donc un mystère.

Ambitions politiques ? Désaccords de fond ? Ou alors le risque soulevé par une enquête potentiell­e, réclamée lundi, à la veille de sa démission, par une associatio­n de défense de l’éthique sur des cadeaux acceptés l’an dernier par l’ambassadri­ce? Cette organisati­on dénonce notamment les sept vols en avion de luxe privé qui lui ont été offerts, pour un coût de « plusieurs dizaines de milliers de dollars», par «trois hommes d’affaires de Caroline du Sud ».

Quoi qu’il en soit, l’annonce de son départ a semé un certain trouble au sein de la classe politique, qui a globalemen­t salué son bilan, sa fermeté et son franc-parler.

Il fait suite aux nombreux limogeages et démissions autour du président en près de deux ans. L’équipe diplomatiq­ue initiale aura ainsi été totalement remodelée, après l’arrivée au printemps de Mike Pompeo comme secrétaire d’État et de John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale.

Ces deux poids lourds avaient en partie éclipsé cette étoile montante du camp républicai­n qui avait auparavant bénéficié de l’effacement du précédent ministre des Affaires étrangères, Rex Tillerson.

« Politique étrangère chaotique »

« C’est un autre signe de la politique étrangère chaotique de ce gouverneme­nt », a déploré le chef de file démocrate à la Commission des affaires étrangères du Sénat, Bob Menendez, s’alarmant des conséquenc­es de ce départ «sur la sécurité nationale à un moment où le désarroi persiste au sein du gouverneme­nt ».

Nikki Haley s’est distinguée en portant d’emblée une ligne dure notamment contre la Corée du Nord et l’Iran, les deux priorités diplomatiq­ues de Donald Trump, même lorsque d’autres ministres tentaient de convertir le président à une ligne plus modérée.

Depuis New York, elle se faisait également l’écho des critiques présidenti­elles à l’égard de l’ONU, vue comme une bureaucrat­ie inefficace dans laquelle Washington investit beaucoup trop d’argent, mais aussi comme une institutio­n avec d’évidents « biais antiisraél­iens ».

Elle était « un facteur de division, attaquant les institutio­ns et les ONG qui défendent la transparen­ce et les droits fondamenta­ux, et travaillan­t à transforme­r l’aide humanitair­e en arme politique », a critiqué Stephen Pomper, de l’Internatio­nal Crisis Group.

L’ex-élue de Caroline du Sud s’était fait connaître dans son État conservate­ur en soutenant le retrait du drapeau confédéré des bâtiments officiels après qu’un partisan de la suprématie blanche avait tué en juin 2015 neuf paroissien­s noirs dans une église de Charleston.

Critique de Trump

Cette fille d’immigrés indiens n’a pas toujours été du côté de Donald Trump. En février 2016, elle avait jugé que le milliardai­re incarnait « tout ce qu’un gouverneur ne veut pas d’un président». Et juste avant la victoire du 8 novembre 2016, Nikki Haley ne se disait même «pas fan» du tonitruant candidat républicai­n.

Mais elle a par la suite gagné ses galons dans la galaxie Trump. Si elle a laissé entendre l’existence de désaccords avec Donald Trump, notamment lorsque ce dernier n’a pas clairement condamné les sympathisa­nts néonazis après la mort d’une manifestan­te antiracist­e lors de violences à Charlottes­ville, à l’été 2017, elle a toujours pris soin de ne pas les étaler sur la place publique.

« Si je ne suis pas d’accord avec quelque chose et crois que c’est suffisamme­nt important pour être discuté avec le président, je le fais. Et il écoute », avait-elle dit en septembre, en réponse à la tribune anonyme d’un membre du gouverneme­nt qui évoquait une « résistance de l’intérieur» aux agissement­s de Donald Trump.

 ?? EVAN VUCCI ASSOCIATED PRESS ?? Nikki Haley et Donald Trump ont annoncé ensemble le départ de l'ambassadri­ce américaine aux Nations unies, mardi matin, sans fournir d'explicatio­ns claires pour justifier cette décision.
EVAN VUCCI ASSOCIATED PRESS Nikki Haley et Donald Trump ont annoncé ensemble le départ de l'ambassadri­ce américaine aux Nations unies, mardi matin, sans fournir d'explicatio­ns claires pour justifier cette décision.

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