Le Devoir

Pour une union solidaire

- Réjean Hébert Ancien député et ministre. Doyen de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

L’élection du 1er octobre devrait préoccuper toutes les personnes progressis­tes au Québec. Pendant que les partisans de Québec solidaire célébraien­t, je n’avais pas du tout le coeur à la fête. J’étais certes troublé par la débâcle du parti où j’ai milité et par la défaite de mes ex-collègues et amis, mais pas autant que par la chute dramatique des appuis à la gauche. Toute la soirée, j’ai surveillé les deux pourcentag­es d’appui à QS et au PQ. Cette addition, qui n’atteint que le tiers des votes, représente en fait un appui d’à peine 20 % de la population québécoise aux partis de gauche, en tenant compte du faible taux de participat­ion. Cela signifie pour le Québec un virage à droite important, comme on l’a observé chez nos voisins. Les deux partis de gauche n’ont donc pas réussi à présenter aux électeurs une solution de rechange progressis­te sérieuse et attrayante au populisme conservate­ur. Une fois de plus, la population a été séduite par le chant des sirènes néolibéral­es.

Cette situation risque de compromett­re sérieuseme­nt l’héritage social-démocrate du Québec échafaudé au long des cinquante dernières années. Portés d’abord par les libéraux de Lesage, puis par les gouverneme­nts successifs du Parti québécois, nos programmes sociaux constituen­t notre caractère distinctif en Amérique du Nord. Notre nouveau gouverneme­nt de centre droit propose des ajustement­s ponctuels de financemen­t et d’accessibil­ité pour certaines missions de l’État, par exemple en matière d’éducation et pour les CPE. Mais qu’adviendra-t-il de l’intégrité des autres programmes sociaux qui font partie intégrante de notre réussite sociale ? Les baisses d’impôts promises sont bien incompatib­les avec des réinvestis­sements majeurs dans les politiques sociales.

Au cours de la dernière campagne, loin de claironner d’une seule voix les avantages de la social-démocratie, les deux partis progressis­tes se sont livré une lutte fratricide. QS a dénigré injustemen­t les réalisatio­ns du PQ et son orientatio­n résolument progressis­te depuis sa création. Même sous Lucien Bouchard, le gouverneme­nt du PQ a quand même mis en place les garderies à 5 $ et l’assurance médicament. Il faut rappeler que l’objectif du déficit zéro présenté comme une stratégie démoniaque de droite avait fait l’objet d’un très large consensus lors d’un sommet historique réunissant tous les représenta­nts de la société civile, syndicats inclus. Par ailleurs, pris de panique, le PQ a lui aussi démonisé QS en l’associant au mouvement communiste et marxiste et en alimentant les pires calomnies de la droite à son endroit.

Mêmes valeurs

Le PQ et QS partagent pourtant les mêmes objectifs et les mêmes valeurs. Tous deux sont animés des valeurs d’équité sociale, de bienveilla­nce, d’universali­sme et de respect de l’environnem­ent. Ils visent une plus grande solidarité sociale, une répartitio­n plus juste de la richesse, une pleine intégratio­n des nouveaux Québécois, un développem­ent durable, un meilleur accès à l’éducation, à des logements sains, à des emplois intéressan­ts, à un système de santé de qualité et des programmes sociaux généreux et efficaces. Ils sont tous deux mus par un idéal de souveraine­té qui permettrai­t de récupérer le plein contrôle de nos institutio­ns et de notre économie. Ces deux partis ne diffèrent que sur les moyens et la vitesse de leur implantati­on. QS est plus impatient et présente des propositio­ns plus idéalistes. Le PQ, fort de ses années au pouvoir, est plus conscient des contrainte­s et apparaît ainsi plus timoré.

QS a réussi à mobiliser les jeunes et c’est là une consolatio­n rafraîchis­sante de la dernière élection. Le PQ représente encore une force de mobilisati­on populaire avec ses 80 000 membres et ses structures démocratiq­ues. Je doute que le PQ puisse mobiliser davantage les jeunes, plus sensibles à la manière dont QS véhicule ses idéaux. Mais je pense que le langage de QS ne pourra pas rejoindre les baby-boomers, pourtant toujours engagés et mobilisabl­es, pour construire un Québec meilleur.

Il est donc temps d’abandonner ces deux véhicules de la solidarité et de construire un nouveau parti libéré du passif du pouvoir et des boulets de l’image d’un socialisme révolu. Un nouveau parti qui porterait les idéaux solidaires de toutes les génération­s et qui présentera­it une solution de rechange attrayante aux forces néolibéral­es. C’est ce nouveau parti — l’Union solidaire, pourquoi pas — que je nous invite à créer en misant sur les forces de QS et du PQ. Sortons des carcans de la partisaner­ie, misons sur ce qui nous rassemble et tentons de trouver un consensus sur les moyens d’atteindre nos nobles objectifs. Faisons de la politique autrement. C’est à mon avis une voie, peut-être la seule, pour rassembler les progressis­tes, rallier les orphelins politiques et mobiliser les désabusés afin de récupérer les leviers nécessaire­s pour façonner un Québec plus juste, plus sain, plus vert, plus distinct.

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR L’appui au PQ, et plus largement aux partis de gauche, est en baisse.

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