Le Devoir

Il ne faut pas confondre élection et démocratie

- Michel Gourd L’Ascension-de-Patapédia

Plus de deux députés sur trois qui ont été élus le 1er octobre dernier dans les élections provincial­es au Québec n’ont pas eu la majorité absolue des voix dans leur circonscri­ption.

Encore une fois, les élections au Québec ont montré les problèmes démocratiq­ues qu’il y a dans le système électoral actuel. Comme dans chaque gouverneme­nt précédent, il y aura des élus qui siégeront à l’Assemblée nationale qui n’auront pas reçu un mandat clair de leurs électeurs pour le faire. En fait, si on regarde de plus près les résultats disponible­s depuis le 1er octobre sur la page Internet d’Élection Québec, on voit que sur les 125 élus à ces élections, 84 députés ont moins de 50 % des voix exprimées dans leur circonscri­ption. Il y aura donc dans la prochaine Assemblée nationale plus de deux élus sur trois qui ne pourront pas affirmer qu’ils ont reçu l’appui de la majorité des personnes qui ont voté dans leur circonscri­ption. Parmi ceux-ci, il y en a sept qui n’ont même pas eu un tiers des votes des électeurs.

Si on prend les cas extrêmes en exemple, dans la circonscri­ption d’Ungava, le candidat de la CAQ, Denis Lamothe, a été élu avec seulement 26,49% des votes. Dans la circonscri­ption de Bourget, le candidat de la CAQ, Richard Campeau, a été élu avec 27,57% des votes. La candidate du PLQ Marie Montpetit, dans la circonscri­ption Maurice-Richard, a été élue avec seulement 29,72 % des voix exprimées. Cela pourrait être considéré comme un problème démocratiq­ue qui toucherait potentiell­ement chacun des votes auquel ils participer­ont à l’Assemblée nationale.

À ce qui peut être considéré comme une distorsion de la démocratie au Québec s’ajoute la manière dont le système électoral calcule le parti gagnant des élections. Avec 37,4 %, du vote, la CAQ a eu 74 sièges et un gouverneme­nt majoritair­e alors qu’il a à peine quelques points de plus que le tiers des votes. Le parti au pouvoir n’aura donc pas reçu les votes de la majorité des électeurs. De plus, avec 17,06% des votes, le Parti québécois n’a eu que 9 sièges, tandis que Québec solidaire a eu 10 sièges avec 16,1 % des votes.

Changer le mode de scrutin

Ces situations donnent des arguments à ceux qui avancent que la démocratie n’est qu’accidentel­le dans le présent système uninominal à un tour. C’est une chose que semblent oublier ceux qui sont contre le changement du mode de scrutin que veut faire la CAQ. La bonne nouvelle est qu’avec au total 70,58 % des votes exprimés, les trois partis qui se sont entendus avant les élections pour mettre en avant un régime proportion­nel mixte compensato­ire régional peuvent considérer qu’ils ont la légitimité démocratiq­ue nécessaire pour le faire sans se préoccuper de tenir un référendum comme le demande le Parti libéral.

Comme l’ont cependant fait remarquer ses opposants, ce régime proportion­nel mixte compensato­ire régional n’est pas une panacée qui réglera tous les problèmes démocratiq­ues du système électoral québécois. Il aura cependant l’avantage de prendre en considérat­ion les votes qu’ont recueillis tous les candidats non élus et qui sont simplement balayés sous le tapis avec le système actuel.

Pour améliorer la représenta­tivité de ses élus, le nouveau processus électoral québécois pourrait inclure un deuxième tour où s’opposeraie­nt les deux candidats ayant reçu le plus de votes au premier tour. Cela entraînera­it que chaque député élu aurait plus de 50 % des votes exprimés, ce qui est un pas de plus vers un système électoral plus démocratiq­ue.

Ce deuxième tour pourrait aussi être la solution que cherchent ceux qui affirment que le régime proportion­nel mixte compensato­ire régional entraînera­it une dilution du pouvoir décisionne­l du gouverneme­nt en y intégrant plusieurs petits partis. En le basant sur le deuxième tour, ceux-ci pourraient n’avoir le droit d’accéder à des sièges au gouverneme­nt que s’ils plaçaient des candidats dans les deux premières positions dans une circonscri­ption. Cela éliminerai­t du coup les partis trop marginaux qui présentent parfois des visions extrémiste­s ou excentriqu­es de la société.

Le système de représenta­tion de la population au gouverneme­nt québécois est bâti sur les députés. Aussi longtemps qu’ils ne pourront pas tous affirmer qu’ils ont été élus par la majorité des personnes qui ont voté dans leur circonscri­ption, on peut considérer qu’il y aura un problème démocratiq­ue dans le processus d’élection du gouverneme­nt du Québec.

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