La bonne tenue de l’économie est trompeuse, prévient le FMI
L’économie mondiale affichera, cette année et l’année prochaine, un rythme de croissance un peu moins élevé que prévu, mais tout de même fort respectable à la faveur notamment de la belle vigueur affichée par les géants américain et chinois. Mais qu’on ne s’y trompe pas, prévient le FMI. Le monde ne saura fuir éternellement les problèmes structuraux qui ont contribué à la dernière crise financière et économique, il y a dix ans, et les politiques mises en avant par Donald Trump ne font qu’aggraver les choses.
Le Fonds monétaire international (FMI) a légèrement révisé à la baisse mardi ses prévisions économiques de l’été dernier, passant d’une croissance mondiale de 3,9 % à 3,7 % par an pour cette année et l’année prochaine. Ce serait autant que l’année dernière et plus que ce qu’on avait eu jusque-là depuis 2011.
Dopés par les baisses d’impôt et la hausse des dépenses du gouvernement Trump, les États-Unis mèneront la fanfare pour les pays développés avec un taux de croissance qui bondira de 2,2 % l’an passé à 2,9 % cette année, avant de redescendre à 2,5 % l’an prochain. À 3 % l’an dernier, la croissance de l’économie canadienne fera un tout petit peu mieux que la zone euro, à 2,1% cette année et 2 % en 2019. La deuxième économie mondiale devrait continuer de bien faire tout en accusant une décélération, passant, en Chine, de 6,9 % l’an dernier à 6,6 % cette année, puis à 6,2 % l’an prochain.
On aurait toutefois tort d’y voir la promesse d’un avenir radieux, avertit le FMI. Les chiffres globaux cachent une réalité de plus en plus contrastée où d’autres parties du monde marquent sérieusement le pas, notamment en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Afrique du Sud. Quant aux effets des politiques de stimulation budgétaire, ils finiront rapidement par passer aux ÉtatsUnis au moment même où commencera à mordre le relèvement des taux d’intérêt de sa banque centrale. Et puis, « la rhétorique protectionniste est devenue de plus en plus concrète », constate le conseiller économique et directeur des études au FMI, Maurice Obstfeld.
Le climat de méfiance et d’incertitude économique entretenu par les tarifs douaniers de Donald Trump, les représailles commerciales de ceux qui en sont victimes, la détérioration générale de l’esprit de coopération multilatérale entre les pays, sans parler du Brexit, pèsent globalement sur les échanges commerciaux, l’activité manufacturière et l’investissement. Et comme la dernière crise a laissé plus endettés — et donc plus vulnérables — les États et les entreprises de bon nombre de pays, « la possibilité de mauvaises surprises l’emporte sur la probabilité de bonnes nouvelles imprévues », met en garde Maurice Obstfeld.
Qui plus est, plusieurs des facteurs à l’origine de la dernière crise continuent de miner l’économie et se sont même aggravés depuis dix ans. Déjà aux prises avec un vieillissement de leur population et de faibles gains de productivité, plusieurs pays développés ont vu reculer leur taux de fécondité et leur taux d’attractivité auprès des immigrants avec la Grande Récession, réduisant d’autant le potentiel de croissance. Loin de s’arranger, la stagnation des revenus des travailleurs, l’impression que l’ascenseur social est en panne, le creusement des inégalités et l’incapacité des pouvoirs publics d’y changer quelque chose nourrissent aujourd’hui la montée d’une «frustration de plus en plus grande à l’encontre les partis politiques établis ainsi que d’un sentiment protectionniste», constatent les experts du FMI dans un chapitre d’analyse.
L’impact des tarifs de Trump
Ces derniers se sont prêtés à une simulation des conséquences d’une escalade des tarifs douaniers américains et de leurs représailles les plus probables. Si l’impact économique des droits de douane déjà imposés devait, à terme, se révéler « modeste, mais significatif, les coûts étant essentiellement supportés par les ÉtatsUnis et la Chine », les dommages à l’économie mondiale s’élèveraient à 0,4 % si Donald Trump va de l’avant avec sa menace de droits de douane contre l’ensemble des exportations chinoises et de tarif de 25 % sur l’ensemble des importations de véhicules automobiles sur le marché américain, à raison de presque rien dans la zone euro, de 0,2 % au Japon, de 0,6 % en Chine, de près de 1 % aux États-Unis et de presque 1,5 % chez leurs voisins et partenaires nord-américains, le Mexique et le Canada.
Les gouvernements devraient profiter du climat de prospérité pour mener des réformes qui renforceront leurs assises économiques et sociales pendant qu’il en est encore temps plutôt que de « se retirer dans une autosuffisance imaginée» à une époque où «l’interdépendance économique est plus forte que jamais », dit Maurice Obstfeld, un ancien conseiller économique du président américain Barack Obama qui prendra sa retraite du FMI à la fin de l’année, dans une conclusion aux allures d’avertissement au nouvel occupant de la MaisonBlanche. « Sans davantage de politiques d’inclusion, le multilatéralisme ne peut pas survivre, fait-il notamment valoir. Et sans multilatéralisme, le monde sera plus pauvre et plus dangereux. »