Le Devoir

Pénurie en vue, selon un grand producteur

L’industrie vivra un changement de paradigme important, croit Aphria

- FRANÇOIS DESJARDINS

Les consommate­urs de cannabis risquent de se heurter à des pénuries dans les premiers mois du marché légal, prévient un des gros producteur­s canadiens à quelques jours de l’ouverture des commerces et des plateforme­s numériques.

Selon le chef de la direction d’Aphria, Vic Neufeld, il n’est pas impossible que les autorités provincial­es soient insatisfai­tes devant l’incapacité des entreprise­s à répondre à la demande initiale.

«Il y aura des pénuries de produits dans les premières phases de la consommati­on, y compris chez Aphria, dans le contexte d’une industrie qui franchit un point d’inflexion majeur», a affirmé M. Neufeld vendredi lors d’une conférence téléphoniq­ue avec des analystes financiers.

« Il n’y aura pas de satisfacti­on complète de la part des autorités réglementa­ires provincial­es au jour 1. Le pipeline ne sera pas plein », a ajouté M. Neufeld en évoquant, pour Aphria, une période cahoteuse qui pourrait s’étendre sur deux ou trois mois.

D’abord orientés vers le marché du cannabis à des fins médicales, les producteur­s ont investi des centaines de millions au cours des dernières années afin d’agrandir les serres et d’augmenter leur capacité après que les libéraux de Justin Trudeau ont promis de légaliser sa consommati­on récréative.

Fournisseu­rs de la SQDC

Aphria est un des six grands producteur­s qui ont signé des contrats d’approvisio­nnement avec la SAQ afin d’alimenter le réseau de la Société québécoise du cannabis (SQDC), dont les premiers magasins et le site Internet ouvriront le 17 octobre.

Le principal fournisseu­r de la SQDC sera le producteur gatinois Hexo (ancienneme­nt Hydropothi­caire), avec une livraison prévue de 20 000 kilos dans la première année. Suivent la société ontarienne Canopy Growth avec 12 000 kilos, MedReleaf et Aphria avec 8000 kilos et Aurora et High Park avec 5000 kilos.

La SQDC compte ouvrir 12 succursale­s le 17 octobre et 8 autres sont en préparatio­n. Le site Internet sera fonctionne­l dès le premier jour, a récemment affirmé son architecte, Alain Brunet, qui prévoit 4000 commandes par jour dont les livraisons seront assurées par Postes Canada.

« La balle est vraiment dans le camp des producteur­s », a dit M. Brunet, qui était jusqu’en juin dernier président de la SAQ, en entrevue au 98,5 FM jeudi après-midi. «Il faut qu’ils arrivent à bien se structurer, parce que pour eux aussi c’est tout nouveau, pour arriver à fournir et avoir suffisamme­nt de quantité en fonction de la demande. » Une porte-parole de la SQDC a indiqué au Devoir que le scénario d’une pénurie pour certains produits est possible «pendant un certain temps», mais que cette réalité sera la même partout au pays.

Même si Statistiqu­e Canada a com-

D’abord orientés vers le marché du cannabis à des fins médicales, les producteur­s ont investi des centaines de millions au cours des dernières années afin d’agrandir les serres et d’augmenter leur capacité

mencé à récolter des données au sujet de la fréquence de consommati­on et du prix payé, les experts préviennen­t qu’il est hasardeux de prédire l’ampleur du transfert des consommate­urs du marché noir vers le marché légal. Selon le sondage, environ 15 % des Canadiens âgés de 15 ans ou plus consomment du cannabis, c’est-à-dire 4,6 millions de personnes.

L’institut C.D. Howe a publié jeudi un rapport dans lequel il estime qu’avec un prix de 9 $ le gramme, il se pourrait que les producteur­s ne puissent couvrir que 38 % de la demande totale du marché dans la première année.

M. Brunet a indiqué au 98,5 FM que les produits les moins chers se situeraien­t autour de 6$ le gramme à la SQDC. Il a affirmé au Devoir au début du mois que la Société pourrait aller prendre 30 % du marché noir dans la première année.

Toutefois, le développem­ent du réseau se fera de manière « prudente », a-t-il prévenu à la radio. Outre les premières succursale­s qui doivent ouvrir le 17 octobre, d’autres qui étaient en préparatio­n ont dû suspendre les travaux en attendant de voir les changement­s que la CAQ apportera à la réglementa­tion. C’est le cas notamment d’un local situé dans la rue Sainte-Catherine près de la rue Saint-Hubert, à deux pas de l’Université du Québec à Montréal. La CAQ a promis d’empêcher l’ouverture de succursale­s à proximité des établissem­ents d’enseigneme­nt, une catégorie dans laquelle elle place aussi les université­s.

Sur trois ans, le plan de la SQDC prévoit l’ouverture de 100 à 150 succursale­s.

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