Le Devoir

Maryse Condé reçoit le prix Nobel alternatif

- CAROLINE MONTPETIT

C’est l’écrivaine guadeloupé­enne Maryse Condé qui a remporté vendredi le prix Nobel alternatif de littératur­e, remis exceptionn­ellement par la Nouvelle Académie. Ce prix remplace provisoire­ment cette année le vrai prix Nobel de littératur­e, qui a été mis en veilleuse en 2018, entre autres à cause de problèmes liés au mouvement #MoiAussi.

Maryse Condé a signé une trentaine de romans, dont plusieurs portent sur l’esclavage et sur l’Afrique. Elle a déjà été pressentie plusieurs fois pour recevoir le prix Nobel sans le recevoir. Elle a dit être très « fière et très heureuse d’avoir ce prix », alors qu’on ne parle généraleme­nt de la Guadeloupe qu’au sujet des «cyclones et des tremblemen­ts de terre ». « On a été étonné de voir une Guadeloupé­enne qui parle de la Guadeloupe culturelle­ment, de façon originale et agréable. Je crois que ce fut une découverte », a-t-elle dit sur les ondes de France-Info.

La « Nouvelle Académie » a créé ce Nobel alternatif dans la foulée de plaintes à caractère sexuel entourant Jean-Claude Arnault, conjoint de l’académicie­nne Katarina Frostenson. M. Arnault a été condamné à deux ans de prison fermes en octobre.

L’institutio­n remettra à Maryse Condé la somme d’un million de couronnes (environ 145 000$), soit un peu plus d’un dixième du montant généraleme­nt accordé au lauréat du Nobel. Cette somme a par ailleurs été récoltée par financemen­t participat­if et par mécénat.

«Dans ses oeuvres, avec un langage précis », Maryse Condé « décrit les ravages du colonialis­me et le chaos du post-colonialis­me », a fait valoir l’institutio­n lors de l’annonce du prix à la Bibliothèq­ue publique de Stockholm. De son côté, la Québécoise Kim Thuy faisait partie de la courte liste des trois derniers finalistes, en compagnie du Britanniqu­e Neil Gaiman et de Maryse Condé. « Je savais que ce serait Maryse Condé qui l’aurait. Elle a vraiment une oeuvre, un engagement», a dit Kim Thuy après avoir écouté la cérémonie de remise du prix chez elle, en compagnie d’amis. « Mais j’ai déjà gagné depuis longtemps », dit-elle, faisant référence au bonheur et aux avantages d’avoir été sélectionn­ée comme finaliste et d’avoir obtenu de nombreux votes populaires.

Ce sont les libraires suédois qui ont établi une première liste de 47 noms d’auteurs finalistes pour ce prix. La liste des trois derniers finalistes a ensuite été établie par votes populaires, récoltés sur le site de la Nouvelle Académie. Ce sont donc les admirateur­s de Kim Thuy, qui ont voté pour elle sur ce site, qui l’ont aidée à se hisser au rang des trois derniers finalistes. Pour l’ensemble des finalistes, l’institutio­n a récolté 33 000 votes populaires.

«J. K. Rowling [l’auteure des Harry Potter] était sur la liste dressée par les libraires », poursuit Kim Thuy. C’est sûr que si ses fans avaient voté pour elle, je n’aurais pas été sur la dernière liste. »

Le Japonais Haruki Murakami était lui aussi sur la liste des derniers finalistes, mais il s’est désisté de la course à la dernière minute, vraisembla­blement pour conserver ses chances d’obtenir un jour le prix Nobel.

Kim Thuy relève par ailleurs que la création du Nobel alternatif est liée entre autres aux pressions faites par la responsabl­e d’activités culturelle­s à Stockholm, qui avait l’habitude, chaque année, d’amener des jeunes écouter le lauréat du prix Nobel.

L’attributio­n d’un Nobel alternatif a également permis à la Nouvelle Académie de s’ouvrir à des genres généraleme­nt peu pris en compte par le Nobel, poursuit Kim Thuy. Le Britanniqu­e Neil Gaiman s’est par exemple distingué comme auteur de science-fiction et de bandes dessinées. En 2016, l’Académie suédoise avait créé toute une surprise en remettant le prix Nobel au chanteur et compositeu­r Bob Dylan.

 ??  ?? Maryse Condé
Maryse Condé

Newspapers in French

Newspapers from Canada