Le Devoir

Une explosion hypothétiq­ue

Au Colorado, le cannabis est en baisse chez les ados

- FABIEN DEGLISE

La légalisati­on du cannabis va-t-elle attiser la tentation ? À quatre jours du passage officiel de la substance psychotrop­e dans la sphère légale, la question s’impose, comme l’expression d’une crainte, celle de voir sa consommati­on soudaineme­nt exploser. Une perspectiv­e qui, pour le moment, est loin de relever de l’évidence.

Oui: «Dans les cinq ou six premiers mois, nous nous attendons à un approvisio­nnement chaotique », laisse tomber Alain Brunet, président de la SAQ et surtout architecte de la Société québécoise du cannabis (SQDC), rencontré la semaine dernière par Le Devoir, laissant entendre que l’offre pourrait ne pas suivre la demande.

Une logistique à apprivoise­r

Mais, selon lui, ce « chaos » va surtout être induit par une industrie en cours de structurat­ion qui va devoir mettre sa production naissante au diapason d’un réseau de distributi­on qui se met lui aussi en place.

Toute une logistique à apprivoise­r et qui risque d’affecter les stocks, bien plus qu’une déferlante de clients dans les 12 succursale­s de la SQDC — des commerces distincts de ceux de la SAQ et dédiés à 100 % au cannabis.

L’enquête nationale sur le cannabis, menée chaque trimestre par Statistiqu­e Canada, tend à lui donner raison. Au deuxième trimestre de l’année 2018, 16 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus ont déclaré avoir consommé du cannabis dans les trois mois précédant l’enquête.

Au Québec, cette proportion est une des plus basses au pays, soit 11%. Et alors que se profilait le spectre de la légalisati­on, les répondants n’ont pas laissé entendre que la situation pourrait changer radicaleme­nt.

En effet, des consommate­urs actuels, un quart estiment qu’ils pourraient augmenter leur consommati­on, sans préciser les quantités. Et des nonconsomm­ateurs, 5,7 % reconnaiss­ent qu’ils ont « l’intention d’essayer ».

L’exemple du Colorado

La curiosité va s’installer, puis faire son temps, comme cela est arrivé au Colorado, premier État américain à avoir légalisé le cannabis à des fins récréative­s en 2014.

Là-bas, la consommati­on régulière est aujourd’hui stable chez les 18-25 ans (32 %) — au Québec, c’est 41,7 % des 1824 ans qui fument du pot —, comme chez les 26 ans et plus (14 %), après avoir augmenté légèrement au lendemain de la légalisati­on, indiquent les plus récentes données fédérales de la National Survey on Drug Use and Health.

Fait à noter : cette consommati­on est désormais en baisse chez les 12-17 ans (9 %), une frange de la population que la légalisati­on du cannabis voulait ainsi protéger.

« C’est vrai que depuis quatre ans, la consommati­on du cannabis a augmenté sensibleme­nt chez les adultes, et ce, sans surprise, résume en entrevue Paul Seaborn, professeur au Daniels College of Business de l’Université de Denver, au Colorado, et spécialist­e de l’économie du cannabis.

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