Une explosion hypothétique
Au Colorado, le cannabis est en baisse chez les ados
La légalisation du cannabis va-t-elle attiser la tentation ? À quatre jours du passage officiel de la substance psychotrope dans la sphère légale, la question s’impose, comme l’expression d’une crainte, celle de voir sa consommation soudainement exploser. Une perspective qui, pour le moment, est loin de relever de l’évidence.
Oui: «Dans les cinq ou six premiers mois, nous nous attendons à un approvisionnement chaotique », laisse tomber Alain Brunet, président de la SAQ et surtout architecte de la Société québécoise du cannabis (SQDC), rencontré la semaine dernière par Le Devoir, laissant entendre que l’offre pourrait ne pas suivre la demande.
Une logistique à apprivoiser
Mais, selon lui, ce « chaos » va surtout être induit par une industrie en cours de structuration qui va devoir mettre sa production naissante au diapason d’un réseau de distribution qui se met lui aussi en place.
Toute une logistique à apprivoiser et qui risque d’affecter les stocks, bien plus qu’une déferlante de clients dans les 12 succursales de la SQDC — des commerces distincts de ceux de la SAQ et dédiés à 100 % au cannabis.
L’enquête nationale sur le cannabis, menée chaque trimestre par Statistique Canada, tend à lui donner raison. Au deuxième trimestre de l’année 2018, 16 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus ont déclaré avoir consommé du cannabis dans les trois mois précédant l’enquête.
Au Québec, cette proportion est une des plus basses au pays, soit 11%. Et alors que se profilait le spectre de la légalisation, les répondants n’ont pas laissé entendre que la situation pourrait changer radicalement.
En effet, des consommateurs actuels, un quart estiment qu’ils pourraient augmenter leur consommation, sans préciser les quantités. Et des nonconsommateurs, 5,7 % reconnaissent qu’ils ont « l’intention d’essayer ».
L’exemple du Colorado
La curiosité va s’installer, puis faire son temps, comme cela est arrivé au Colorado, premier État américain à avoir légalisé le cannabis à des fins récréatives en 2014.
Là-bas, la consommation régulière est aujourd’hui stable chez les 18-25 ans (32 %) — au Québec, c’est 41,7 % des 1824 ans qui fument du pot —, comme chez les 26 ans et plus (14 %), après avoir augmenté légèrement au lendemain de la légalisation, indiquent les plus récentes données fédérales de la National Survey on Drug Use and Health.
Fait à noter : cette consommation est désormais en baisse chez les 12-17 ans (9 %), une frange de la population que la légalisation du cannabis voulait ainsi protéger.
« C’est vrai que depuis quatre ans, la consommation du cannabis a augmenté sensiblement chez les adultes, et ce, sans surprise, résume en entrevue Paul Seaborn, professeur au Daniels College of Business de l’Université de Denver, au Colorado, et spécialiste de l’économie du cannabis.