Nombreuses incertitudes au volant
La capacité de détection du THC par les corps policiers demeure complexe
Le chiffre n’invite ni à la détente et ni à l’abandon. Sur les routes du Colorado, la présence du cannabis a été impliquée dans 1 décès sur 5 en 2017, soit le double d’en 2013, un an avant la légalisation de cette substance psychotrope, indique le dernier rapport sur l’impact de la légalisation conduit par des opposants à cette loi, le Rocky Mountain High Intensity Drug Trafficking Area.
En entrant dans la légalité, le cannabis pourrait devenir une nouvelle source d’affaiblissement des capacités de conduite au pays, estiment plusieurs observateurs inquiets.
Au Québec, 71 % des personnes sondées en ligne par Desjardins Assurance ont dit croire que la conduite sous l’influence du cannabis allait augmenter après la légalisation. Les résultats ont été dévoilés cette semaine.
« La capacité affaiblie au volant par le cannabis n’est pas une chose nouvelle, dit à l’autre bout du fil Maxime Laroche, expert-conseil juridique à l’École nationale de police du Québec. Elle existait avant le 17 octobre [date d’entrée en vigueur de la légalisation]. Elle va continuer à exister après. »
14 % des Canadiens
Au début de l’année, 14 % des Canadiens avec un permis de conduire ont admis avoir conduit dans les deux heures qui ont suivi la consommation de cannabis.
C’est en Colombie-Britannique que ce taux est le plus bas, 8 %, alors qu’il est de 15% au Québec. Or, rappelle M. Laroche, si la substance devient légale, son usage au volant, lui, ne le devient pas.
«Les policiers sont déjà formés à 90% pour détecter la présence de cannabis et autres drogues chez les conducteurs, dit-il. Le 17 octobre prochain, cela ne change pas grand-chose pour eux. »
Sans pouvoir évaluer une hausse éventuelle de la consommation de cannabis au volant après la légalisation, M. Laroche dit que les corps policiers sont prêts à y faire face.
Actuellement, 140 agents évaluateurs sont en fonction sur le territoire du Québec pour traquer les conducteurs fautifs.
Ils vont être 60 de plus d’ici la fin de 2019. Leur travail consiste à réaliser une évaluation en 12 étapes visant à confirmer la présence d’une drogue dans l’organisme et de préciser laquelle. Cette évaluation est admise par les tribunaux.
Sanctions prévues
Une prise de sang peut également être imposée afin de mesurer les nanoparticules de THC — la substance active du cannabis — dans le sang.
Entre 2,5 et 5 par millilitre de sang, le conducteur s’expose à des sanctions. Au-delà de 5 et en combinaison avec d’autres drogues et alcools, il pourra être passible d’emprisonnement.
« Au Québec, nous avons le défi de procéder à cette prise de sang dans les deux heures qui suivent l’arrestation, dit M. Laroche, ce qui est encore compliqué en ce moment. » Il avoue également que le seul appareil de détection approuvé par Santé Canada n’est pas utilisé au Québec.
Son efficacité, particulièrement par temps froid, est remise en question. « Mais pour le moment, cela ne change rien pour les policiers, qui sont en mesure de très bien faire leur travail de détection. »
Les outils de la police
Paradoxalement, la population n’en est pas convaincue. Pas moins de 84 % des répondants au sondage de Desjardins estiment que la police ne dispose pas des outils et des ressources nécessaires pour détecter les conducteurs dont les facultés sont affaiblies par le cannabis.
Et ce, dans une province où des traces de cannabis ont été trouvées chez 21 % des personnes décédées sur la route en 2015. C’est 5 points de pourcentage de plus que 15 ans plus tôt.