Rallier les forces vives
Ce n’est certes pas dans l’allégresse que les péquistes soulignent les 50 ans de la fondation du Parti québécois, issu de la fusion du Mouvement Souveraineté-Association (MSA) de René Lévesque et du Ralliement national (RN), une formation de droite dirigée par l’ex-créditiste Gilles Grégoire. Deux semaines plus tard, le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), de Pierre Bourgault, un parti socialiste, se sabordait pour rejoindre le nouveau parti. On le voit : le PQ était une large coalition aux tendances divergentes et impétueuses à côté de laquelle la Coalition avenir Québec a l’air d’une sage chorale qui chante à l’unisson.
L’heure n’est donc pas à de festives célébrations pour les péquistes, dont le parti a obtenu son pire score de l’histoire en pourcentage des voix. De fait, les deux partis qui se sont partagé le pouvoir depuis 50 ans amorcent une difficile période de reconstruction. Du côté du Parti libéral, le directeur de la dernière campagne, Alexandre Taillefer, semble avoir quelques idées bien arrêtées sur le sujet ; dans le milieu des affaires, on dit d’ailleurs qu’on apprend bien davantage de ses échecs que de ses réussites. Au Parti québécois, la réflexion est d’autant plus vitale qu’elle doit porter non seulement sur l’avenir d’un parti, mais aussi sur celui du mouvement souverainiste.
Il serait présomptueux de notre part de proposer des solutions toutes faites qui régleraient d’un coup de baguette magique les sérieux problèmes du PQ, un parti plongé dans une situation qui nécessitera d’intenses réflexions et échanges. Allons-y toutefois de quelques observations.
D’entrée de jeu, mentionnons que les problèmes du PQ ne datent pas d’hier. Déjà, la défaite de 2014 avait fait dire à bien des péquistes, comme Alexandre Cloutier, que le parti devait être reconstruit et son programme, réécrit. Et Jean-François Lisée a fait la preuve que la solution ne passe pas par des stratégies fines où l’option souverainiste est mise sous le boisseau et son actualisation, reportée à des calendes plus ou moins grecques.
Les mouvements d’indépendance nationale s’appuient sur les forces vives d’une société. C’était évidemment le cas dans les années 1970, où le PQ de René Lévesque incarnait un mouvement social et culturel, un projet de société résolument progressiste. En Écosse, par exemple, le Scottish National Party a rallié les écologistes, les féministes, les pacifistes, et il se présentait comme le parti anti-austérité, supplantant dans ce rôle le Parti travailliste. L’indépendance se fait avec les progressistes et non pas avec les réactionnaires.
L’identité du peuple québécois fait forcément partie de l’équation : si nous étions « Canadians first and foremost » comme la majorité des citoyens de la fédération, l’enjeu de l’indépendance ne se poserait évidemment pas. Mais les questions identitaires ne doivent pas occulter le fait que le projet porte sur la liberté politique d’une nation pluraliste. Le PQ a commis une grave erreur en insistant sur le caractère identitaire de sa charte des « valeurs québécoises », tentant d’exploiter les sentiments chauvins et xénophobes d’une frange réactionnaire de la population sous le couvert d’une défense de nobles principes républicains. Trop radical, ce projet de charte, qui divisait l’électorat, n’a fait qu’éloigner des citoyens — des jeunes, en particulier — de l’option souverainiste.
Si l’accession à l’indépendance est l’affaire des forces vives d’une nation, le PQ, pour assurer son avenir, doit pouvoir les rallier. Ses orientations clairement sociales-démocrates ne devraient pas l’en empêcher. Nous croyons aussi que le PQ, avec son programme, est davantage en phase avec la population que Québec solidaire, dont le programme exhale des relents marxistes-léninistes dès qu’on s’en approche de trop près.
Or, la liberté politique du Québec n’a plus la cote. L’indépendance n’est plus essentielle quand il s’agit de se réaliser sur le plan individuel ici ou ailleurs sur la planète. Pour certains, il y a quelque chose de satisfaisant à vivre chacun pour soi dans un « État post-national » qui n’a pas d’identité propre, comme l’a affirmé Justin Trudeau, citoyens du monde transportés par une utopie mondialisée, partisans d’un cosmopolitisme apolitique.
Un jour ou l’autre, nous en reviendrons. Et comme la question nationale demeure irrésolue, le projet indépendantiste demeure pertinent. Le PQ n’a d’autre choix que de le porter avec détermination. Même si rallier à nouveau les forces vives de la nation représente une énorme tâche tant pour le parti fondé par René Lévesque que pour l’ensemble du mouvement souverainiste.