Le Devoir

Le crucifix n’est pas un bien patrimonia­l

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Témoin fondateur de la foi chrétienne, le crucifix n’a pas sa place dans les lieux du pouvoir. Toute sa vie, Jésus-Christ a rejeté les honneurs et les richesses, les pouvoirs et les ors du pouvoir, ce n’est pas pour finir en objet patrimonia­l au même titre qu’une colonne en marbre ou un buste en bronze. C’est lui qui, le premier, a fait la distinctio­n entre le spirituel et le temporel : « Mon Royaume n’est pas de ce monde », en rupture totale avec l’État antique qui, « étroitemen­t lié à la religion, venait d’elle et se confondait avec elle » (F. de Coulanges, La cité antique). La présence du crucifix à l’Assemblée nationale altère l’image de notre démocratie et dénature le sens de la crucifixio­n. Elle nous ramène à l’époque révolue de l’alliance du trône et de l’autel quand le pouvoir était partagé exclusivem­ent entre « ces deux moitiés de Dieu, le pape et l’empereur » (V. Hugo, Hernani).

Si, pendant un siècle et demi, de l’Acte de Québec de 1774 à la Révolution tranquille, l’Église était associée au pouvoir civil, cela était dû à des circonstan­ces historique­s et a, du reste, retardé l’avènement d’une démocratie avancée. Il est temps d’accorder nos institutio­ns avec l’évolution des mentalités, et de « rendre à l’État ce qui lui appartient et à Dieu ce qui lui appartient », par conséquent, que les couleurs et les symboles de Jacques Cartier et de Samuel de Champlain, la croix et le lys, témoins fondateurs de la nation, remplacent le crucifix au Salon bleu. Cela s’appelle la séparation de l’État et de la religion, idée libérale qui fonde notre démocratie et lui donne tout son éclat.

Sam Haroun, auteur Le 12 octobre 2018

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