Moins éblouissant ?
Une série d’oeuvres de Michel de Broin a été réalisée avec des ampoules brisées
Des circuits, des systèmes et leurs défauts, voire leur mise hors service, Michel de Broin en a fait ses thèmes de prédilection. Depuis ses débuts il y a près de 25 ans, l’artiste conceptuel pointe, par une diversité de moyens et avec une diversité de résultats, les tensions qui régissent le monde.
L’exposition La conduite des conduites ne fait pas exception, et ceux qui connaissent les torsions et distorsions qui animent Michel de Broin reconnaîtront rapidement dans quel univers est plongée la dernière salle de la galerie Division.
Astuces et métaphores sociales et politiques traversent le tout. Les cinq séries de sculptures et de tableaux réunies cette fois (que des oeuvres de 2018, et il y en a 14) ne manquent pas d’évoquer le principe de la subversion — ou de la résistance, terme plus juste lorsqu’il s’agit de faire allusion au système électrique cher à l’artiste.
Avec ses centaines d’ampoules cassées, la série Crépuscule est emblématique de ce travail évocateur du monde de l’électricité que l’artiste s’est toujours plu à corrompre. Ici, ce n’est pas tant le circuit intérieur qui est déformé que sa résultante, son apparence.
Les sept tableaux exposés ne peuvent servir de murs lumineux. Ils se présentent davantage comme de simples compositions abstraites, rythmées soit par les codes de la grille ou la diagonale, soit par des lignes dignes d’un oeuvre gestuelle. On est devant une sorte d’op art quelque peu éteint.
On a déjà vu un Michel de Broin plus agitateur, ou éveilleur de consciences. Il faut dire, à sa décharge, que La conduite des conduites surgit cinq ans après la rétrospective à laquelle le Montréalais a eu droit au Musée d’art contemporain et trois ans après sa précédente apparition à la galerie Division. À cela, ajoutons son travail dans l’espace public, dont l’oeuvre Dendrites (2017), située dans le nouvel aménagement autour du boulevard Robert-Bourassa, est parmi les meilleures apparues ces dernières années à Montréal.
Moins perturbateur
La série Crépuscule saura sans doute plaire à ceux qui apprécient «la poésie de la ruine technique» — ce sont les mots de la galerie. Il s’agit d’oeuvres soignées, plutôt bien réalisées. Elles se situent cependant loin du geste davantage destructeur qui, chez Michel de Broin, s’est déjà manifesté par la mise à terre d’un lampadaire (Trancher dans la noirceur, 2005) ou par le mouvement polluant d’un vélo (Keep on Smoking, 2010).
L’autre grand axe développé pour ce nouveau corpus d’oeuvres prend la forme du noeud, motif récurrent depuis longtemps dans la pratique de l’artiste. Le noeud apparaît une fois de plus comme un trublion dans une ligne droite, comme l’anomalie qui confirme la règle. Les quatre ensembles de tuyaux ainsi tordus intitulés Anomalie se présentent comme un étonnant champ à la fois d’ordre et de désordre.
Les noeuds sont à lire aussi comme des enlacements de corps, montrés dans des positions presque érotiques, avec des éléments qui s’insèrent les uns dans les autres. Michel de Broin s’est souvent servi du thème de l’amour comme d’un élément potentiellement perturbateur. C’est le cas dans les sculptures Anomalie, ça l’est peut-être moins dans Syndrome, autre sculpture d’apparence industrielle, et dans la photo Tube.
Malgré son apparence plus jolie et délicate, l’exposition conserve le ton absurde qui a fait la renommée de l’artiste. Et une oeuvre de Michel de Broin sera toujours une oeuvre de Michel de Broin. Ses admirateurs ne seront pas déçus.
La conduite des conduites
De Michel de Broin. À la galerie Division, 2020, rue William, jusqu’au 17 novembre.