Vins nature au Jugement de Montréal
La 8e édition du Jugement de Montréal — à l’initiative originelle du chroniqueur Marc Chapleau — s’ouvrait cette année sur le thème des vins nature. La sélection présentée, selon le communiqué de presse, sera disponible à la dégustation dans le cadre du Salon des vins d’importation privée (11e édition) organisé par le Regroupement des agences spécialisées dans la promotion des importations privées des alcools et des vins (RASPIPAV), qui aura lieu les 27, 28 et 29 octobre prochains à Montréal et le 30 octobre à Québec. Moi, si j’étais vous, je prendrais alors un malin plaisir à me faire plaisir.
Plaisir doublement complice, oui, car la mèche — soufrée ou non — vaut ici largement la chandelle. D’autant plus que, sur les 26 vins nature dégustés à l’aveugle, je dois avouer avoir été « allumé », que dis-je, éclairé de l’intérieur par la nature de ces vins, littéralement massacrés par les uns comme portés aux nues par les autres. Il fut un temps, pas si lointain, où je pensais que seules les notions de netteté, de pH et d’équilibre d’ensemble suffisaient à me les rendre attachants et crédibles. J’ai, depuis, évolué dans ma réflexion.
Et le plaisir, bordel ?
Vrai que la définition même du vin nature — contrairement par exemple aux vins issus de l’agriculture biologique — échappe actuellement à toutes les codifications, sinon celles généralement acceptées d’une utilisation minimale de soufre ajouté (entre 30 et 40 ppm, si ce n’est rien du tout), sans compter que certaines levures en produisent naturellement lors de la fermentation.
Sans doute faut-il, à l’image des hybrides québécois, évoluer dans cette perception que nous avons de ce type de vin en sortant de nos cadres d’évaluation, sinon de nos goûts personnels, en acceptant leurs singularités respectives. Pourquoi en effet un cépage vidal (hybride) serait-il moins intéressant qu’un pinot blanc (vinifera) ou un vin sans soufre serait-il plus banal qu’un rouge issu de culture raisonnée avec son ajout maximal de 160 ppm de soufre (normes européennes)?
« Il ne faudrait pas oublier cette notion de plaisir à les boire, à cette digestibilité naturelle qu’ont les vins nature », résumait l’oenologue-conseil Richard Bastien lors de la présentation des vins au jury. Il a raison. Si cette notion de plaisir n’est surtout pas à dédaigner, les vins en question sont-ils moins sérieux pour autant? Certaines questions persistent, et j’avoue toujours y réfléchir.
En voici trois que vous pourriez poser au vigneron lors du salon à venir.
Les vins nature se bonifient-ils (gagnent-ils en complexité avec le temps) et se maintiennent-ils en bouteille?
Pourquoi l’identification d’un cépage tout comme son lieu d’origine sont-ils, pour un vin nature, plus difficiles à circonscrire que pour un autre issu d’une production traditionnelle ?
Les vins nature se résument-ils à des vins de soif aux étiquettes délurées et parfois coquines ou peuventils s’intégrer sans perdre au change dans un profil, disons, plus gastronomique à table ?
Je termine avec les grands gagnants du Jugement de Montréal, disponibles à la vente lors de l’événement RASPIPAV. Catégorie moins de 30$, dans l’ordre des gagnants: Langhe Nebbiolo 2016, Barale Fratelli, Italie; «Les Pious» 2017, Rémi Pouizin, Côtes-du-Rhône, France; «Le P’tit Landra» 2017, Château Landra, Ventoux, France. Catégorie plus de 30$: Pinot Noir «Lune Noire» 2015, Vignoble 2 Lunes, Alsace, France; Vinhas Velhas 2015, Antonio Madeira, Dao, Portugal; «S» 2016, Sao del Coster, Priorat, Espagne.