Le Devoir

Le pétrole canadien se vend au rabais

L’écart avec le pétrole américain est d’environ 50 $ le baril

- FRANÇOIS DESJARDINS

La récente chute du prix auquel les producteur­s des sables bitumineux peuvent vendre leurs barils illustre à quel point les oléoducs sont engorgés, dans un contexte de forte production, signalent des économiste­s en évoquant la popularité du transport par train.

L’écart entre le cours du pétrole WTI (Texas) et le Western Canadian Select (WCS) s’est établi à 50$ la semaine dernière, résultat d’un pétrole canadien qui a sombré sous la barre des 20 $ alors que celui des États-Unis se négocie au-delà de 70 $.

« L’escompte sur le WCS implique que les producteur­s canadiens reçoivent moins pour leur pétrole qu’un producteur à l’étranger. Ainsi, l’incitatif à investir dans l’industrie pétrolière au Canada est moins grand, surtout si cette tendance se maintient à long terme», a écrit lundi une économiste de Desjardins, Carine Bergevin-Chammah, dans une note d’analyse.

En somme, selon Desjardins, la production albertaine a augmenté plus vite que prévu cette année, contribuan­t ainsi au problème, alors que certaines raffinerie­s américaine­s ne peuvent pas accepter davantage de pétrole en raison de leurs travaux d’entretien.

Le redémarrag­e des raffinerie­s américaine­s devrait permettre aux prix de remonter graduellem­ent dans les prochains mois, même si « la question du transport demeure un enjeu ».

« Les producteur­s canadiens sont forcés d’accepter des prix escomptés en raison des stocks élevés », ont écrit de leur côté vendredi des économiste­s de la Financière Banque Nationale. « Les stocks albertains sont à un sommet. Cela, évidemment, est le résultat d’une capacité de transport limitée (pipelines et transport ferroviair­e) combinée à une production pétrolière record. »

Si la production canadienne augmente plus vite que prévu en 2018 par rapport à l’an dernier, c’est en raison de la mise en service de certaines installati­ons, a mentionné le gouverneme­nt de l’Alberta dans la version estivale de sa publicatio­n. Ces nouvelles phases se trouvent notamment dans les sables bitumineux, qui produisent la majeure partie du pétrole canadien.

La production pétrolière canadienne, très lourdement axée sur l’Alberta, devrait passer de 4,2 millions de barils par jour, en 2017, à 5,6 millions en 2035.

« Les producteur­s canadiens continuent d’être aux prises avec des contrainte­s d’oléoduc au moment où des projets autorisés par le gouverneme­nt fédéral, comme Trans Mountain de Kinder Morgan, la Ligne 3 d’Enbridge et Keystone XL de TransCanad­a, sont plongés dans l’incertitud­e», a écrit l’Associatio­n canadienne des producteur­s pétroliers dans une mise à jour à l’été 2018.

Transport ferroviair­e

Cela survient au moment où le transport de pétrole par train atteint des sommets. Selon les données colligées par l’Office national de l’énergie (ONE), les producteur­s de l’Ouest canadien ont été forcés de se tourner vers le chemin de fer pour écouler leur produit. Alors que les transporte­urs canadiens sortaient du pays 100 000 à 120 000 barils par mois à l’été 2017, ils en transporta­ient deux fois plus à l’été 2018, soit 205 000 barils.

Tandis que le cours du WCS poursuivai­t sa descente, à la fin du mois de septembre, le producteur albertain Cenovus, né de la scission d’Encana en 2009, a annoncé des contrats de trois ans avec le Canadien National et le Canadien Pacifique.

Le pétrole sera ainsi chargé en Alberta et prendra la route du golfe du Mexique. Il s’agira d’environ 100 000 barils par jour.

« Le transport de pétrole par train fait partie d’une approche variée que nous avons pour livrer notre produit au marché », a déclaré le président de Cenovus, Alex Pourbaix, le 26 septembre. « Notre stratégie ferroviair­e permet de limiter l’effet de la congestion des oléoducs sur le prix. Bien que nous ayons confiance que de nouveaux oléoducs seront construits, ces contrats ferroviair­es nous aideront à vendre notre pétrole sur des marchés où le prix est plus élevé. »

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LAURA PELLETIER LE DEVOIR Selon Desjardins, la production albertaine a augmenté plus vite que prévu cette année, contribuan­t ainsi au problème, alors que certaines raffinerie­s américaine­s ne peuvent pas accepter davantage de pétrole en raison de leurs travaux d’entretien.

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