Legault mise sur l’adhésion plutôt que l’affrontement
Le 32e premier ministre du Québec, François Legault, a dévoilé jeudi un Conseil des ministres doté d’une « équipe économique de rêve », à qui il commande de tout faire pour obtenir « l’adhésion du plus grand nombre » — à commencer par les membres de la fonction publique — afin d’obtenir des « résultats ».
Même s’il compte de nombreux entrepreneurs et gestionnaires, la « marque de commerce » du gouvernement caquiste sera « la proximité, l’humanité et l’ouverture », a indiqué l’exhomme d’affaires, élevé à la plus haute fonction politique du Québec. «Ce
Un gouvernement près des gens, humain et ouvert, promet le premier ministre
gouvernement, c’est votre gouvernement. Ce Conseil des ministres, il est à votre service », a-t-il déclaré après avoir ouvert la porte du gouvernement à 26 personnes — 13 hommes et 13 femmes. « J’aime les Québécois. Et, pour répondre à un homme qui m’a inspiré toute ma vie, j’ai la conviction profonde que, oui, on forme quelque chose comme
un grand peuple », a-t-il ajouté, citant son prédécesseur René Lévesque. Porté par un vent de «renouveau», M. Legault a demandé à 16 personnes élues pour la première fois à l’Assemblée nationale le 1er octobre de faire partie de son équipe ministérielle. « Je ne vois pas ça comme un désavantage. Au contraire», a soutenu le chef du gouvernement. L’homme politique de 61 ans a demandé à deux trentenaires, Geneviève Guilbault et Simon JolinBarrette, d’occuper le devant de la scène politique québécoise avec lui.
Il a désigné Mme Guilbault vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique — ce qui en a étonné plus d’un.
M. Jolin-Barrette a obtenu les postes clés de leader parlementaire et de ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion. L’élu de Borduas devra accomplir les tâches délicates d’abaisser de 52 000 à 40 000 le nombre d’immigrants admis par année au Québec, tout en renforçant les programmes d’intégration et de francisation des nouveaux arrivants et en élaborant les tests de connaissance des valeurs québécoises et de français. Il veillera aussi à rédiger le projet de loi sur la laïcité de l’État promis par la Coalition avenir Québec en campagne électorale.
M. Legault s’est enorgueilli de présider un Conseil des ministres composé à moitié de femmes : « des femmes de grande qualité, de grande compétence», s’est-il empressé de préciser devant des centaines de sympathisants et de représentants de la société civile, qui ont accouru pour l’occasion sur la colline Parlementaire. La ministre responsable de la Condition féminine, Sonia LeBel, n’a pas tourné autour du pot et s’est tout de suite dite féministe. « À partir du moment où la définition du mot féminisme est d’être pour les droits des femmes, l’égalité des femmes et travailler pour les femmes, je pense qu’on est tous féministes quand on est une femme », a déclaré Mme LeBel, qui cumule les responsabilités de ministre de la Justice.
Plus d’argent dans le portefeuille « avant Noël »
De l’économie, François Legault a fait un thème central de son tout premier discours dans ses habits de premier ministre, sous l’oeil bienveillant de sa mère. La croissance économique est l’affaire de tous — et non seulement de son trio d’hommes Éric Girard (Finances), Pierre Fitzgibbon (Économie et Innovation) et Christian Dubé (Conseil du trésor) —, a-t-il fait valoir tout en balayant du regard son gouvernement.
« Éric, prépare-toi, dans les prochaines heures, on va se mettre au travail pour vous annoncer de bonnes nouvelles au cours des prochaines semaines », a-t-il lancé à son nouveau ministre des Finances, qui a ensuite confirmé son intention de déposer une mise à jour économique « avant Noël ».
Sauf que la mission économique du gouvernement Legault ne rimera pas avec un mode de gouvernance autoritaire. «Pour changer ce qui ne fonctionne pas, il ne suffit pas de décréter », a averti M. Legault. «Je vous demande maintenant, mesdames et messieurs les ministres, de gouverner dans un esprit de proximité, d’humanité et d’ouverture. »
Pas question cependant de « reculer devant des groupes de pression ou devant les secousses, les premières petites secousses ». « On ne fera jamais l’unanimité», a reconnu le chef caquiste devant des dizaines de lobbyistes de tout poil.
L’adhésion du plus grand nombre
Forte d’un mandat majoritaire, la CAQ pourrait être tentée de «gouverner comme bon [lui] semble », a aussi admis le premier ministre. « Mais au contraire, je vous demande de gouverner en obtenant l’adhésion du plus grand nombre. D’abord, l’adhésion des membres de la fonction publique », a-t-il plaidé.
À ceux à qui il reprochait en campagne électorale de «faire des rapports à des gens qui font eux-mêmes des rapports », M. Legault a ainsi tendu la main.
Son nouveau ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale, Éric Caire, a abandonné ses habituelles critiques contre la fonction publique pour la louanger. « Les fonctionnaires sont les premiers témoins du gaspillage, de la mauvaise gestion, ce sont des citoyens, ce sont des travailleurs respectueux et respectables », a déclaré celui qui déposait en 2017 un projet de loi visant à abolir la sécurité d’emploi chez les hauts dirigeants de l’État. « Le premier cri du coeur contre le gaspillage, ce sont les fonctionnaires qui l’ont lancé. »
Nouveau ton en santé
La nouvelle ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, s’est distanciée de son prédécesseur vat-en-guerre Gaétan Barrette. « Nous, ce qu’on va faire, c’est vraiment de la collaboration, de la consultation. On va travailler avec tout le monde, on va faire des rencontres avec les médecins, les infirmières, les intervenants, les usagers. Alors, le ton va changer et on va décentraliser beaucoup », a-t-elle promis d’une voix douce.
En dépit du changement de ton, le gouvernement de la CAQ ne reniera pas sa promesse d’abolir 5000 postes dans la fonction publique en quatre ans, a attesté Éric Girard. « Alors donc, on a tout le temps pour regarder ça, pour moderniser l’État », a-t-il assuré. Il s’est gardé de répéter l’expression de son chef, qui avait assimilé ces emplois en campagne électorale à « de la bureaucratie ». « On parle de départs volontaires », a-t-il rappelé.
De l’arrière du Salon rouge, Youri Chassin a suivi la cérémonie avec le sourire. Il a refusé d’expliquer son absence du Conseil des ministres par ses prises de position passées — et parfois contraires à celles de la CAQ. «Je pense que j’ai un profil économique comme énormément de gens dans l’équipe de la Coalition avenir Québec […] C’est tout à fait normal qu’il y en ait qui passent leur tour », a-t-il déclaré.