Le Devoir

Legault mise sur l’adhésion plutôt que l’affronteme­nt

- MARIE-MICHÈLE SIOUI MARCO BÉLAIR-CIRINO CORRESPOND­ANTS PARLEMENTA­IRES À QUÉBEC

Le 32e premier ministre du Québec, François Legault, a dévoilé jeudi un Conseil des ministres doté d’une « équipe économique de rêve », à qui il commande de tout faire pour obtenir « l’adhésion du plus grand nombre » — à commencer par les membres de la fonction publique — afin d’obtenir des « résultats ».

Même s’il compte de nombreux entreprene­urs et gestionnai­res, la « marque de commerce » du gouverneme­nt caquiste sera « la proximité, l’humanité et l’ouverture », a indiqué l’exhomme d’affaires, élevé à la plus haute fonction politique du Québec. «Ce

Un gouverneme­nt près des gens, humain et ouvert, promet le premier ministre

gouverneme­nt, c’est votre gouverneme­nt. Ce Conseil des ministres, il est à votre service », a-t-il déclaré après avoir ouvert la porte du gouverneme­nt à 26 personnes — 13 hommes et 13 femmes. « J’aime les Québécois. Et, pour répondre à un homme qui m’a inspiré toute ma vie, j’ai la conviction profonde que, oui, on forme quelque chose comme

un grand peuple », a-t-il ajouté, citant son prédécesse­ur René Lévesque. Porté par un vent de «renouveau», M. Legault a demandé à 16 personnes élues pour la première fois à l’Assemblée nationale le 1er octobre de faire partie de son équipe ministérie­lle. « Je ne vois pas ça comme un désavantag­e. Au contraire», a soutenu le chef du gouverneme­nt. L’homme politique de 61 ans a demandé à deux trentenair­es, Geneviève Guilbault et Simon JolinBarre­tte, d’occuper le devant de la scène politique québécoise avec lui.

Il a désigné Mme Guilbault vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique — ce qui en a étonné plus d’un.

M. Jolin-Barrette a obtenu les postes clés de leader parlementa­ire et de ministre de l’Immigratio­n, de la Diversité et de l’Inclusion. L’élu de Borduas devra accomplir les tâches délicates d’abaisser de 52 000 à 40 000 le nombre d’immigrants admis par année au Québec, tout en renforçant les programmes d’intégratio­n et de francisati­on des nouveaux arrivants et en élaborant les tests de connaissan­ce des valeurs québécoise­s et de français. Il veillera aussi à rédiger le projet de loi sur la laïcité de l’État promis par la Coalition avenir Québec en campagne électorale.

M. Legault s’est enorgueill­i de présider un Conseil des ministres composé à moitié de femmes : « des femmes de grande qualité, de grande compétence», s’est-il empressé de préciser devant des centaines de sympathisa­nts et de représenta­nts de la société civile, qui ont accouru pour l’occasion sur la colline Parlementa­ire. La ministre responsabl­e de la Condition féminine, Sonia LeBel, n’a pas tourné autour du pot et s’est tout de suite dite féministe. « À partir du moment où la définition du mot féminisme est d’être pour les droits des femmes, l’égalité des femmes et travailler pour les femmes, je pense qu’on est tous féministes quand on est une femme », a déclaré Mme LeBel, qui cumule les responsabi­lités de ministre de la Justice.

Plus d’argent dans le portefeuil­le « avant Noël »

De l’économie, François Legault a fait un thème central de son tout premier discours dans ses habits de premier ministre, sous l’oeil bienveilla­nt de sa mère. La croissance économique est l’affaire de tous — et non seulement de son trio d’hommes Éric Girard (Finances), Pierre Fitzgibbon (Économie et Innovation) et Christian Dubé (Conseil du trésor) —, a-t-il fait valoir tout en balayant du regard son gouverneme­nt.

« Éric, prépare-toi, dans les prochaines heures, on va se mettre au travail pour vous annoncer de bonnes nouvelles au cours des prochaines semaines », a-t-il lancé à son nouveau ministre des Finances, qui a ensuite confirmé son intention de déposer une mise à jour économique « avant Noël ».

Sauf que la mission économique du gouverneme­nt Legault ne rimera pas avec un mode de gouvernanc­e autoritair­e. «Pour changer ce qui ne fonctionne pas, il ne suffit pas de décréter », a averti M. Legault. «Je vous demande maintenant, mesdames et messieurs les ministres, de gouverner dans un esprit de proximité, d’humanité et d’ouverture. »

Pas question cependant de « reculer devant des groupes de pression ou devant les secousses, les premières petites secousses ». « On ne fera jamais l’unanimité», a reconnu le chef caquiste devant des dizaines de lobbyistes de tout poil.

L’adhésion du plus grand nombre

Forte d’un mandat majoritair­e, la CAQ pourrait être tentée de «gouverner comme bon [lui] semble », a aussi admis le premier ministre. « Mais au contraire, je vous demande de gouverner en obtenant l’adhésion du plus grand nombre. D’abord, l’adhésion des membres de la fonction publique », a-t-il plaidé.

À ceux à qui il reprochait en campagne électorale de «faire des rapports à des gens qui font eux-mêmes des rapports », M. Legault a ainsi tendu la main.

Son nouveau ministre délégué à la Transforma­tion numérique gouverneme­ntale, Éric Caire, a abandonné ses habituelle­s critiques contre la fonction publique pour la louanger. « Les fonctionna­ires sont les premiers témoins du gaspillage, de la mauvaise gestion, ce sont des citoyens, ce sont des travailleu­rs respectueu­x et respectabl­es », a déclaré celui qui déposait en 2017 un projet de loi visant à abolir la sécurité d’emploi chez les hauts dirigeants de l’État. « Le premier cri du coeur contre le gaspillage, ce sont les fonctionna­ires qui l’ont lancé. »

Nouveau ton en santé

La nouvelle ministre de la Santé et des Services sociaux, Danielle McCann, s’est distanciée de son prédécesse­ur vat-en-guerre Gaétan Barrette. « Nous, ce qu’on va faire, c’est vraiment de la collaborat­ion, de la consultati­on. On va travailler avec tout le monde, on va faire des rencontres avec les médecins, les infirmière­s, les intervenan­ts, les usagers. Alors, le ton va changer et on va décentrali­ser beaucoup », a-t-elle promis d’une voix douce.

En dépit du changement de ton, le gouverneme­nt de la CAQ ne reniera pas sa promesse d’abolir 5000 postes dans la fonction publique en quatre ans, a attesté Éric Girard. « Alors donc, on a tout le temps pour regarder ça, pour moderniser l’État », a-t-il assuré. Il s’est gardé de répéter l’expression de son chef, qui avait assimilé ces emplois en campagne électorale à « de la bureaucrat­ie ». « On parle de départs volontaire­s », a-t-il rappelé.

De l’arrière du Salon rouge, Youri Chassin a suivi la cérémonie avec le sourire. Il a refusé d’expliquer son absence du Conseil des ministres par ses prises de position passées — et parfois contraires à celles de la CAQ. «Je pense que j’ai un profil économique comme énormément de gens dans l’équipe de la Coalition avenir Québec […] C’est tout à fait normal qu’il y en ait qui passent leur tour », a-t-il déclaré.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? La mère de François Legault, Pauline, était particuliè­rement fière d’assister à l’assermenta­tion du Conseil des ministres de son fils. Assise dans la première rangée, elle s’est levée pour aller l’étreindre après l’ovation réservée au premier ministre qui venait de faire son entrée au Salon rouge.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE La mère de François Legault, Pauline, était particuliè­rement fière d’assister à l’assermenta­tion du Conseil des ministres de son fils. Assise dans la première rangée, elle s’est levée pour aller l’étreindre après l’ovation réservée au premier ministre qui venait de faire son entrée au Salon rouge.
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