Le Devoir

Huit mois de prison réclamés pour le policier Patrick Ouellet

- AMÉLI PINEDA

Le policier Patrick Ouellet devrait être condamné à huit mois de prison et à une interdicti­on de conduire d’un an, selon la poursuite et la défense, en considérat­ion du fait qu’il était en service lorsqu’il a causé la mort du petit Nicholas Thorne-Belance lors d’une opération de filature à très haute vitesse en février 2014.

Reconnu coupable en juillet dernier de conduite dangereuse ayant causé la mort d’un enfant, Patrick Ouellet est passible d’une peine d’emprisonne­ment maximale de quatorze ans.

Lors des observatio­ns sur la peine lundi, les deux parties ont recommandé au juge de prendre en considérat­ion le fait qu’il était en service lorsque, en roulant à près de 134 km/h, il a percuté la voiture conduite par le père de Nicholas Thorne-Belance dans un quartier résidentie­l de Saint Hubert.

Au total, cinq dossiers de conduite dangereuse impliquant des policiers en fonction dans les 25 dernières années ont été recensés par les parties. Les peines imposées à ceux-ci allaient de 45 jours à deux ans de détention.

« L’ensemble des circonstan­ces aggravante­s et atténuante­s a été […] minutieuse­ment évalué par les parties », a indiqué Geneviève Langlois, procureure de la Couronne.

« L’effet choc » au sein de la communauté policière à la suite de la mise en accusation de l’agent a été soulevé par l’avocate du policier, Me Nadine Touma. Celle-ci estime que cela constitue un élément dissuasif, tout comme la couverture médiatique qu’a subie l’accusé tout au long des procédures judiciaire­s.

Lors de son procès, Patrick Ouellet avait soutenu que « la vitesse était la seule option » pour rattraper le suspect et ne pas faire échouer l’opération de filature à laquelle il participai­t. Il avait allégué que, dans de telles missions, des excès de vitesse étaient parfois nécessaire­s et admis que l’opération menée ce jour-là n’était pas « urgente », mais néanmoins « pressante ».

Témoignage­s

La suggestion a été énoncée par les parties après les témoignage­s des personnes touchées par la tragédie qui a coûté la vie au garçon de cinq ans.

En larmes, la mère du petit Nicholas Thorne-Belance a fait le récit de la matinée du 13 février 2014 où elle a aidé pour la dernière fois son garçon à boutonner son pantalon. Quelques heures plus tard, elle revoyait son fils à l’hôpital, méconnaiss­able, entouré d’énormes bandages à la tête.

Le père de Nicholas Thorne-Belance a été incapable d’assister à l’audience, a expliqué son épouse. « Il est toujours aux prises avec la tristesse et la culpabilit­é d’avoir été au volant de l’auto », a souligné Dalia Thorne-Joseph, la soeur de la victime, qui était assise à côté de son petit frère lors du drame. Elle a aussi exposé les conséquenc­es de la tragédie sur sa vie. « Chaque fois que j’entends une sirène, mes poings se serrent et mes yeux fixent l’endroit d’où provient la sirène avec la peur irrationne­lle que le véhicule d’urgence vienne prendre la vie de quelqu’un que j’aime », a confié l’adolescent­e.

Les yeux rivés au sol tout au long des témoignage­s, le policier s’est aussi présenté à la barre des témoins.

« Ma perception des risques associés à la vitesse a bien changé. Chaque panneau préventif sur la vitesse, chaque véhicule de police que je croise, chaque fois que je prends la route accompagné de mes deux enfants, chaque véhicule qui me dépasse rapidement me rappellent douloureus­ement l’accident dans lequel je fus impliqué », a mentionné Patrick Ouellet, qui est père d’une fillette de 3 ans et d’un poupon de sept mois.

L’homme qui sera destitué en tant que policier a exprimé ses condoléanc­es à la famille de l’enfant. «Aucune mission policière ne vaut la perte d’une vie humaine », a-t-il confié, en se retournant vers la mère de la victime.

Le juge Éric Simard de la Cour du Québec a décidé de prendre la cause en délibéré et se prononcera le 20 novembre prochain sur la suggestion qui lui a été formulée.

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