Le Devoir

Les villes « accros » au développem­ent immobilier

Il faut repenser la fiscalité municipale qui favorise l’étalement urbain

- Paul Germain Maire de Prévost

La plupart des habitants des villes et des villages périurbain­s ne veulent pas que leur milieu se développe de la façon et de la manière dont cela s’est produit dans les 50 dernières années. Les nouveaux venus de ces villes ont adopté la banlieue pour une question économique, soit la possibilit­é d’y trouver des maisons abordables, mais aussi, ils ont choisi un milieu de vie.

Paradoxale­ment, ces mêmes habitants exigent des services de leur ville ; peut-être pas à la même hauteur de ceux de la métropole, mais un minimum qui touche, outre les missions régalienne­s des villes, les sports, les loisirs et la culture.

Malheureus­ement, les nouvelles banlieues se sont souvent bâties autour de villages ayant des infrastruc­tures datant d’une autre époque et reliées, parfois, au réseau routier québécois par d’anciens rangs. Les défis logistique­s pour ces municipali­tés sont énormes.

Les élus

Par ailleurs, les nouveaux maires et conseiller­s, souvent élus avec une plateforme environnem­entale, se rendent vite compte qu’ils sont incapables de financer le déficit d’infrastruc­tures de leur municipali­té et de fournir des services à leur communauté sans l’apport d’argent frais. Les développem­ents immobilier­s sont la seule source potentiell­e de nouveaux revenus pour leurs villes, tant en ce qui a trait aux droits de mutation qui fournissen­t un revenu ponctuel salvateur qu’en ce qui concerne la taxe foncière.

Le phénomène du développem­ent pour fins fiscales de ces villes ressemble un peu à un chat qui court après sa queue. Il est clair que les nouveaux venus exerceront une pression accrue sur les infrastruc­tures, sur les besoins en service, et cela entraînera une autre recherche de fonds qui ne pourra se faire que par de nouveaux projets domiciliai­res, et ainsi de suite. Pendant ce temps, Montréal se vide, se dévitalise.

Le grand sevrage

Pour empêcher l’étalement urbain, la plupart des MRC périurbain­es de la communauté métropolit­aine de Montréal se doivent de modifier leur schéma d’aménagemen­t pour qu’il correspond­e à l’orientatio­n 10 imposée par le gouverneme­nt du Québec. Cette orientatio­n vise essentiell­ement à limiter la croissance des banlieues et à favoriser la densité de logements là où des infrastruc­tures d’égouts et d’aqueducs sont présentes.

Dans certaines villes périurprop­riée baines, cette orientatio­n viendra freiner de façon draconienn­e, en milieu de parcours, leur développem­ent et les entrées fiscales.

À cela s’ajoute la transforma­tion de l’économie vers le numérique, qui affectera les revenus provenant de la taxation des immeubles commerciau­x, sans oublier le vieillisse­ment de la population qui fera migrer les babyboomer­s des banlieues vers les villes possédant des services de santé adéquats.

Donnez-nous de l’oxygène…

Ces villes risquent fiscalemen­t de manquer d’air. La taxe foncière ne pourra combler les besoins de ces collectivi­tés. Avec des taxes trop chères, des services inadéquats et des routes congestion­nées vers Montréal, ces villes vivront un appauvriss­ement. La dévitalisa­tion aura changé de place.

De plus, chaque communauté devrait être en mesure de fournir à ses citoyens des services de proximité, des soins de santé, du travail et des loisirs ; c’est aussi cela, le développem­ent durable. Une vision polycentri­que de l’aménagemen­t du territoire est souhaitabl­e et n’est pas incompatib­le avec le fait qu’on respecte la prédominan­ce de Montréal comme fer de lance économique du Québec.

On peut se demander si le monocentri­sme québécois dans l’aménagemen­t du territoire a été véritablem­ent motivé par une réflexion ap- sur ces sujets au lieu de dépendre du poids politique démesuré de la métropole sur l’échiquier politique québécois.

Problèmes structurel­s

Le fait de financer nos infrastruc­tures et services municipaux à partir de la taxe foncière engendre des problèmes structurel­s, économique­s et environnem­entaux. Il est temps de penser différemme­nt la fiscalité municipale.

L’idée de l’Union des municipali­tés du Québec voulant que le gouverneme­nt du Québec remette une part des revenus de la taxe de vente est à court terme la seule issue possible. Tant pour les villes périurbain­es que pour Montréal.

Et si les problèmes d’aménagemen­t du territoire et d’étalement urbain ne passaient pas par la réglementa­tion, mais par un financemen­t adéquat des villes ?

Le coût d’un mauvais financemen­t dépasse largement l’impact sur les finances publiques de l’étalement urbain dans un contexte de monocentri­sme.

Les chefs des quatre principaux partis politiques se sont engagés à verser aux municipali­tés l’équivalent d’un point de pourcentag­e de la taxe de vente aux municipali­tés. Il ne faudrait pas que le nouveau gouverneme­nt procède à un jeu d’écriture comptable où l’on nous donne d’un côté et on réduit notre financemen­t de l’autre.

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