Un acte terroriste partisan ?
Des bombes artisanales envoyées à plusieurs démocrates sèment l’émoi à la veille des élections de mi-mandat
Des «actes de terreur» relevant de la « violence politique » : plusieurs bombes artisanales adressées à des adversaires notoires de Donald Trump ont été interceptées mercredi aux États-Unis, mettant en lumière un climat de profonde division à moins de deux semaines des élections de mi-mandat.
Les colis, qui n’ont fait aucun dommage, visaient tous des têtes d’affiche démocrates ou des critiques du président Trump. Ceux-ci partagent aussi le fait d’être régulièrement ciblés et invectivés par ce même président, et plus largement par la droite américaine.
« Les actes et les menaces de violence politique n’ont pas leur place aux ÉtatsUnis », a tout de même réagi M. Trump mercredi après-midi. Sur un ton contrasté par rapport à sa rhétorique partisane, il a fait valoir que « dans des moments comme celui-ci, nous devons nous rassembler». M. Trump a soutenu que son gouvernement et lui étaient « extrêmement fâchés, bouleversés et mécontents de ce qui [s’est passé mercredi] ».
Plusieurs autres républicains ont emboîté le pas. «Tous les Américains
C’est une période perturbante, une période de divisions profondes, et nous devons faire tout ce que nous pouvons pour nous rassembler HILLARY CLINTON
[doivent] dénoncer des tentatives d’actes de terrorisme intérieur », a soutenu le leader des républicains au Sénat, Mitch McConnell. « Ces gestes ignobles n’ont pas leur place dans ce pays », estime le vice-président Mike Pence.
En soirée, lors d’un rassemblement partisan à Mosinee, au Wisconsin, Donald Trump a repris le discours tenu plus tôt dans la journée.
Qui donc fut ciblé ? Le FBI a lié à ce dossier des envois faits à l’ancien président Barack Obama, l’ancienne secrétaire d’État et candidate à la présidence Hillary Clinton, la chaîne d’informations CNN (par un colis adressé à l’ancien directeur de la CIA John Brennan), l’ex-ministre de la Justice de M. Obama Eric Holder et le milliardaire George Soros, un grand donateur démocrate chez qui une bombe artisanale avait été découverte lundi.
Au moins un autre colis suspect aurait été adressé à une élue californienne, Maxine Waters. Celle-ci est régulièrement moquée par M. Trump, qui l’accuse d’avoir « un quotient intellectuel extraordinairement bas ».
Pour le maire de New York, Bill de Blasio, il y avait derrière tous ces envois et dans le message implicite qu’ils transmettent une « volonté de terroriser ».
Colis semblables
Un communiqué diffusé par le FBI indiquait en fin de journée que les colis en cause étaient semblables et contenaient tous « des dispositifs potentiellement destructeurs ». Leur potentiel explosif n’était toutefois pas évident. Plusieurs médias américains ont fait état du caractère amateur des colis.
L’adresse de l’expéditeur des paquets était par ailleurs toujours celle de l’élue démocrate Debbie Wasserman Schultz, ancienne présidente du comité national du Parti démocrate. « Cette enquête est de la plus grande priorité pour le FBI, a indiqué le directeur Christopher Wray. Nous déploierons la pleine puissance des ressources du FBI pour identifier et arrêter les responsables. »
La première alarme dans ce dossier est venue mercredi matin par le service fédéral chargé de la protection des anciens présidents. Il a annoncé avoir intercepté deux colis destinés à Mme Clinton (adressé à sa résidence de la banlieue de New York, où elle habite avec son mari, l’ancien président Bill Clinton) et à M. Obama, qui demeure à Washington. Dans les deux cas, les envois ne sont jamais passés près d’arriver à destination.
Peu après, les bureaux new-yorkais de CNN — que M. Trump accuse régulièrement de colporter des « fake news » — étaient évacués après la découverte d’un colis suspect adressé à John Brennan, un critique récurrent et mordant de Donald Trump. Deux fausses alertes ont aussi fait monter la pression en cours de journée.
« Haine »
« Nous traversons une période où les gens ressentent beaucoup de haine dans l’air », a constaté le maire de New York mercredi.
« C’est une période troublante, une période de divisions profondes, a ajouté Hillary Clinton dans un discours prononcé en Floride. Nous devons faire tout notre possible pour nous rassembler. »
Mme Clinton a enjoint aux Américains de voter le 6 novembre pour des candidats « qui feront cela » : rassembler plutôt que diviser.
Dans un communiqué diffusé conjointement, les chefs démocrates au Congrès (Nancy Pelosi et Chuck Schumer) ont dénoncé plus directement le rôle d’agent agitateur joué par Donald Trump dans le débat politique américain. « De façon répétée, le président cautionne la violence physique et divise les Américains avec ses mots et ses actes », ont-ils dit.
Le président de CNN, Jeff Zucker, a quant à lui accusé la Maison-Blanche « d’incompréhension totale face à la gravité de ses attaques continues contre les médias ». « Le président et surtout la porte-parole de la Maison-Blanche [Sarah Huckabee Sanders] doivent comprendre que les mots ont une importance », estime M. Zucker.
Tout ceci a lieu dans le contexte tendu des élections de mi-mandat, qui doivent renouveler les 435 membres de la Chambre des représentants et le tiers des sénateurs.
La polarisation entre républicains et démocrates s’est aussi récemment exprimée autour de la confirmation à la Cour suprême du juge conservateur Brett Kavanaugh.