Politique trompeuse en matière de maladie mentale
L’accès rapide à des soins de qualité est le nerf de la guerre
Il s’agit d’un fléau faisant souffrir des centaines de milliers d’individus et coûtant des centaines de millions à la société québécoise en perte de productivité. Il a été complètement ignoré par les politiciens lors de la dernière campagne électorale, même par les partis se réclamant du progressisme, historiquement voué à la protection des plus vulnérables. La maladie mentale, qui brise et fauche des vies, n’a fait l’objet d’aucun débat sérieux en dépit des carences alarmantes du système de santé, qui ne s’attaque qu’à la pointe de l’iceberg.
À l’automne 2017, le gouvernement Couillard semblait enfin comprendre l’urgence de la situation en dévoilant un programme public de remboursement de la psychothérapie. Or, quelle déception de constater que cette politique, «trompeuse», comme l’a qualifiée le président de l’Association des psychologues du Québec, Charles Roy, était dotée d’une enveloppe qui ne pourrait rembourser que l’équivalent de deux séances et demie de psychothérapie pour les Québécois qui n’ont pas suffisamment de moyens pour aller au privé, et pour qui l’accès au programme public serait laborieux. Ce qui s’annonçait être une avancée historique en santé mentale au Québec n’était en fait qu’une réforme cosmétique et électoraliste.
Il faut comprendre que l’accès rapide à des soins de qualité est le nerf de la guerre pour prendre en charge adéquatement les gens qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale. À l’heure actuelle, les délais pour recevoir de l’aide d’un professionnel se comptent souvent en mois.
La littérature scientifique sur la question est claire : dans la plupart des cas, les gens qui vont chercher de l’aide attendent que la situation devienne critique et que le feu soit pris (arrêt de travail ou de l’école, isolement social, idées suicidaires). Arrivée à ce stade, la personne a des besoins criants et pressants. Cette impasse trouve sa source dans l’épineuse question de la distinction entre ce qui est normal et ce qui est pathologique.
Difficile diagnostic
L’un des rares éléments sur lequel les psychiatres s’entendent tous, c’est que la maladie crée une détresse importante et/ou altère le fonctionnement des individus. Avant qu’elle ne se déclare, donc, on peut facilement confondre les symptômes avant-coureurs avec des problèmes triviaux comme la tristesse, la fatigue ou l’inquiétude. D’où l’immense difficulté, autant pour les gens atteints de la maladie que pour les professionnels, de poser un diagnostic précoce.
La longueur du délai entre l’apparition des premiers symptômes et l’accès à des soins de qualité est critique. Comme le soulignait un document de l’Institut canadien d’information sur la santé en 2012, plus ce délai est long, moins le patient sera enclin à persister dans sa volonté d’obtenir des traitements, et plus son état risque de se détériorer. Dans un article scientifique publié cet été, la doctorante en psychiatrie de l’Université McGill Kathleen Macdonald souligne que moins la maladie est soignée rapidement, plus les impacts futurs sur la vie des patients risquent d’être importants.
L’Association des psychiatres du Canada considère qu’en aucun cas, le délai pour obtenir une consultation ne devrait excéder 30 jours, que ce soit pour une évaluation ou pour un traitement. Même en l’absence de toutes ces connaissances, la valeur intrinsèque de l’intervention rapide en fait la seule posture morale pour réduire et combattre la souffrance humaine, comme c’est le cas pour un problème de santé physique.
Des efforts considérables sont déployés dans la société pour réduire le délai entre les premiers signes de détresse et la demande d’une aide professionnelle. On cherche à réduire la stigmatisation, on dédramatise le recours à l’aide et on augmente la littératie de la population en santé mentale afin de favoriser un dépistage précoce.
Québec interpellé
Le gouvernement est le seul acteur qui ne prend pas ses responsabilités. Quelle situation absurde, en effet, que l’on fasse tout ce qui est en notre pouvoir pour inciter les gens à aller chercher de l’aide si ceux-ci se frappent au mur des délais d’attente et d’une psychothérapie qui ne leur permet que de verbaliser le problème qui les fait souffrir !
Il y a dix ans, quand la maladie a frappé, j’ai reçu des soins rapidement car j’avais les moyens de me les payer. Je suis maintenant guéri. Je vis aujourd’hui une vie riche et heureuse. Combien de temps devront attendre les Québécois malades qui n’ont pas ma chance pour que les politiciens prennent leur souffrance au sérieux ?