Trudeauiste et un peu nationaliste
Qui sont les 67 recrues de l’Assemblée nationale ? Comment vivent-elles leurs premiers pas en politique ? Troisième portrait d’une série de huit sur quelques-uns des nouveaux visages du Parlement.
La première fois que la députée libérale de Westmount–Saint-Louis, Jennifer Maccarone, a mis les pieds au parlement, c’était pour pourfendre le projet de loi 86, par lequel le gouvernement Couillard entendait abolir les élections scolaires.
« Je me suis dit à ce moment-là : je ne vais jamais revivre cette expérience, alors je ferais mieux de tout ancrer dans ma tête », raconte l’élue de 48 ans au sujet de son passage au Salon rouge.
En deux ans, l’ex-présidente de l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) s’est visiblement ravisée. Non seulement les salles de l’Assemblée nationale sontelles devenues ses nouveaux lieux de travail, Jennifer Maccarone a de surcroît adouci le discours qu’elle a tenu publiquement à l’endroit de l’ex-gouvernement libéral.
Dans une rencontre avec Le Devoir, en marge d’une journée de formation pour tous les nouveaux élus, elle dit croire que l’équipe de Philippe Couillard en a fait « beaucoup, beaucoup pour les enjeux et la communauté anglophones », notamment par la création d’un secrétariat leur étant destiné.
Du projet de loi 105 sur la réforme des pouvoirs dans les commissions scolaires, qui a remplacé le projet de loi 86, elle ne dit que du bien. « [Il a été adopté], mais avec beaucoup de consultations auprès de la communauté. Et ils ont fait énormément de modifications dans ce projet de loi là, pour rejoindre nos attentes », fait-elle valoir.
Dans une lettre ouverte publiée dans la Montreal Gazette au lendemain de l’adoption de la réforme, Jennifer Maccarone écrivait plutôt qu’il valait mieux ne pas accorder de « confiance aveugle à un gouvernement qui s’est très peu soucié de notre communauté ».
« Aucun gouvernement ne peut prendre nos droits », insistait alors la présidente de l’ACSAQ.
Une députée « de terrain »
Dès lors, sa pugnacité a inspiré les partis politiques : Jennifer Maccarone dit avoir été pressentie pour faire le saut en politique par les libéraux fédéraux et provinciaux, mais aussi les péquistes.
C’est l’attrait du « terrain » et des enjeux qui sont « dans notre cour » qui l’a convaincue de rencontrer l’Association libérale de Westmount–Saint-Louis, qui était à la recherche d’un candidat anglophone. La circonscription était représentée depuis 1994 par Jacques Chagnon, également président de l’Assemblée nationale depuis 2011.
« Étant donné qu’il a dû être non partisan [de par son rôle de président], je pense que ça manquait d’avoir quelqu’un de terrain […] qui pouvait vraiment s’investir au quotidien au sein de sa circonscription, observe-t-elle. Alors, la langue parlée, je pense que c’était beaucoup moins important. »
Sur cette question, l’élue bilingue propose une opinion qui pourrait rallier ses collègues ayant récemment plaidé en faveur d’un virage nationaliste au Parti libéral.
« Non », répond-elle d’emblée quand on lui demande si elle est nationaliste. Puis, elle nuance ses propos. « Je suis nationaliste dans le sens où je veux protéger notre culture, notre éducation, mais c’est sûr que je suis fière d’être Canadienne. »
Le rôle des libéraux anglophones dans la nouvelle vision du parti sera de « s’assurer que nous sommes bilingues », mais aussi d’« assimiler la culture francophone le plus possible, que ce soit dans [notre] milieu de vie personnel, au travail ou autre », croit-elle.
« Ça veut dire qu’il faut parler en français, qu’il faut travailler en français — ça, c’est très important —, mais aussi se réserver une place pour dire : je fais partie d’une communauté minoritaire, alors j’ai le droit et le choix d’envoyer mes enfants à l’école anglophone, par exemple. »
Dans le même entretien, Jennifer Maccarone cite Justin Trudeau comme un modèle politique, car elle estime notamment qu’il est « à l’écoute de tous les citoyens », « jeune » et axé sur le « travail de terrain ».
Sans craindre la contradiction, elle affirme être une consommatrice de culture québécoise, et cite avec autodérision son obsession du moment pour la téléréalité Occupation double.
« Please don’t put that in there!» lance-t-elle en riant, dans l’unique phrase qu’elle prononcera en anglais au cours de la rencontre.
« Mais c’est ça, la vérité, admet-elle dans un fou rire. Je suis une semaine en retard, donc si jamais tu l’écoutes, tu ne me dis rien ! »
Je suis nationaliste dans le sens où je veux protéger notre culture, notre éducation, mais c’est sûr que je suis fière d’être » Canadienne JENNIFER MACCARONE