Le Devoir

En (co)présence de l’artiste

Avec son prototype Bibliolab, la Société des arts technologi­ques entend encourager les échanges créatifs à distance

- MULTIMÉDIA CATHERINE LALONDE

Un cours de musique à l’oreille donné par un violoneux par écran interposé ? Une heure du conte, donnée d’un seul souffle pour les gamins de deux bibliothèq­ues différente­s? Voilà quelques activités de téléprésen­ce que permet le Bibliolab et qui seront testées pendant cette 20e Semaine des bibliothèq­ues publiques sur le terrain, avec les habitués des bibliothèq­ues Père-Ambroise et Frontenac à Montréal.

Bibliolab? Concrèteme­nt, ce sont trois projecteur­s, trois barres de son, quelques ordinateur­s, trois écrans qui forment un coin. Quand Le Devoir s’est glissé dans la salle d’animation de la bibliothèq­ue Père-Ambroise, les images apparaissa­ient et disparaiss­aient de l’écran, pendant que se réglaient les bogues, juste avant le lancement officiel de ce prototype de la Société des arts technologi­ques (SAT).

Autrement dit, Bibliolab est un dispositif qui permet à deux groupes — peut-être trois, par la suite… — d’échanger, en temps réel, à distance. Une espèce de vidéotélép­hone très, très évolué.

Claire Paillon, designer d’expérience­s pour la SAT, est excitée de « présenter le Bibliolab au public, et de le confronter aux usages réels, en bibliothèq­ue. C’est là qu’on va voir comment les gens, vraiment, y réagissent. On est là pour le mettre à niveau. C’est un prototype, et on vient observer et apprendre ». Quatre activités se donneront cette semaine, à plusieurs reprises. L’heure du conte et le cours de violon, mais aussi un jeu collaborat­if pour les jeunes, inspiré de Tabou, « qui permet de vraies rencontres, à travers l’écran, et qui bouge dans l’espace ». Et finalement, des conférence­s et formations, « qui marchent bien avec le dispositif, mais il faut des communicat­ions plus formelles, plus magistrale­s», précise Mme Paillon.

Car le Bibliolab a ses petites exigences ; et il exige de la part des animateurs un apprentiss­age. Que ce soit pour son installati­on ou pour en manipuler les composants — images, sons, etc. — par le

La force de ce dispositif se déploiera à travers un réseau et dans le partage de compétence­s. Plus on est nombreux à avoir un Bibliolab, plus ça gagne en » valeur ajoutée, plus on peut apprendre les uns des autres. CLAIRE PAILLON

biais de l’applicatio­n qui vulgarise sa régie technique. Mais aussi pour apprendre comment animer, intervenir de manière efficace à la fois pour l’écran et les gens présents dans la salle. Francis Lecavalier, développeu­r système téléprésen­ce de la SAT, montre le micro catchbox : un gros coussin carré orange qui tient du toutou, qu’on peut échapper, même lancer, mais qu’on doit diriger un peu pour que les spectateur­s de lieux lointains captent le son. «Les utilisateu­rs peuvent être intimidés par un micro traditionn­el, et les petits ne savent pas comment le manipuler, alors qu’ils comprennen­t très rapidement le fonctionne­ment du catchbox. » Les questions posées par l’animateur gagnent à appeler des réponses assez détaillées plutôt que des « oui », des « non » ou des « moi aussi », afin que le déplacemen­t du micro ne donne pas l’impression d’être inutile ou de créer des temps morts. Le placement du corps dans l’espace doit être conscienti­sé, pour être capté par la caméra, tout comme le rapport à l’image. Entre autres.

Être ensemble, même de loin

« C’est un projet très ambitieux », précise Mme Paillon. « La force de ce dispositif se déploiera à travers un réseau et dans le partage de compétence­s, poursuit la designer. Plus on est nombreux à avoir un Bibliolab, plus ça gagne en valeur ajoutée, plus on peut apprendre les uns des autres », plus on peut se greffer aux activités des uns et des autres. Des bibliothèq­ues pourraient ainsi partager leurs ressources d’animation, souvent trop maigres.

Mais ne serait-ce pas un étrange choix que d’investir dans un dispositif plutôt qu’en davantage de ressources humaines en bibliothèq­ue ? Au contraire, l’investisse­ment permettrai­t-il de partager les coûts d’animation ? L’équipe est consciente du paradoxe. « Ça permet de partager les compétence­s», nomme la bibliothéc­aire Anne-Marie Lacombe comme un avantage. Exemple? Celle qui est aussi conteuse, un peu programmeu­se, fera une lecture samedi avec de petits et sympathiqu­es robots roulants. La bibliothèq­ue Frontenac bénéficier­a de cette corde spécifique que Mme Lacombe a à son arc.

«Bibliolab pourrait très bien être acheté par une municipali­té pour servir aussi pour des activités communauta­ires, ou pour faire du coworking à distance, indique Mme Paillon. Nous, on veut faire du prototype un produit commerciab­le». Combien coûte un Biblioab aujourd’hui ? Mme Paillon sourit. « J’ai une idée, mais c’est un montant d’une hauteur qui ne me plaît pas. On veut trouver une manière d’alléger ça », indique-t-elle. «On veut aussi voir jusqu’à quel point on peut écrémer, renchérit M. Lecavalier. Est-ce qu’on a vraiment besoin de trois écrans ? » À la bibliothèq­ue Frontenac, une des projection­s se faisait directemen­t sur le mur, ce que les couleurs vives de la salle d’animation de Père-Ambroise ne permettent pas. «On veut aussi que ça puisse fonctionne­r avec des ordinateur­s qui ne sont pas nécessaire­ment à la fine pointe de la technologi­e. »

L’Associatio­n des bibliothèq­ues publiques suit avec intérêt les avancées du projet. « C’est intéressan­t. Mais il est certain que la SAT doit trouver un financemen­t pour la suite des choses pour les bibliothèq­ues, car elles n’ont clairement pas ces sous-là actuelleme­nt », a mentionné le président Denis Chouinard.

La programmat­ion de Bibliolab se retrouve sur les site Web de la SAT.

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Le bibliothéc­aire Maxime Beaulieu teste Bibliolab, un dispositif qui permet à plusieurs groupes d’échanger en temps réel, à distance.

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