La biologie des plantes selon Maxime
Lors des élections fédérales de 2015, Maxime Bernier a gagné sa circonscription de Beauce avec près de 58 % des suffrages exprimés. La victoire éclatante de celui qui était alors le député conservateur sortant témoignait de la loyauté des électeurs de la Beauce envers le fils du coin. Déjà, à l’époque, M. Bernier avait acquis la réputation d’être plus un politicien qui cherchait à être sous les feux de la rampe en Alberta, où ses idées libertariennes trouvaient plus d’appuis que chez lui, qu’un député dévoué aux intérêts de ses propres électeurs. Malgré cela, les Beaucerons sont restés fidèles à Maxime, comme ils l’avaient été trois fois auparavant, permettant à M. Bernier de passer à travers des controverses qui l’avaient fait paraître ridicule sur la scène internationale.
Qu’en sera-t-il maintenant que M. Bernier semble s’éloigner encore plus de ses racines beauceronnes pour lancer son Parti populaire du Canada et mettre des bâtons dans les roues de ses anciens collègues conservateurs ? Est-ce que les Beaucerons voteront encore pour lui, maintenant qu’il est devenu le chef d’un parti voué à l’abolition de la gestion de l’offre, à un taux d’imposition unique, à la fin de la péréquation, à l’éviscération de Radio-Canada et à la fin des subventions aux entreprises ?
Surtout, lui pardonneront-ils ses sorties de plus en plus ridicules et impétueuses et dont le but principal semble être d’attirer l’attention sur lui plutôt que de susciter un légitime débat d’idées ? Comme la série de gazouillis sur « le multiculturalisme extrême » qui avait provoqué son départ du Parti conservateur du Canada en août dernier. Ou sa déclaration hallucinante de cette semaine où il se portait à la défense des émissions de dioxyde de carbone en disant que ce gaz responsable du réchauffement planétaire « nourrit les plantes ». Contrairement à ce que prétend le député néodémocrate Alexandre Boulerice, la leçon de biologie qu’a donnée M. Bernier cette semaine n’a rien à voir avec une « ignorance crasse » de sa part, mais bien avec une démarche délibérée ayant pour but de fédérer une frange d’électeurs pour qui les théories du complot occupent une bonne partie de l’esprit.
Il s’agit de gens pour qui les politiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre ne sont que l’invention d’une élite moralisatrice qui veut nous forcer à changer notre mode de vie. Des gens pour qui les immigrants prennent trop de place. Pour qui les partis traditionnels sont corrompus. Pour qui le gouvernement vole notre argent et veut nous priver de nos fusils.
Il existe plus de gens de la sorte que ce qu’on croit à travers le pays, ce qui permet à M. Bernier de recueillir des milliers de dollars depuis qu’il a quitté les conservateurs et lancé le PPC. Il dit vouloir amasser environ 3,5 millions de dollars d’ici les élections de l’automne prochain et présenter des candidats du PPC dans chacune des 338 circonscriptions fédérales du pays. Mais avec à peine 1,4 % d’appuis, selon un sondage Nanos diffusé la semaine dernière, le parti de Maxime Bernier n’est pas pour ainsi dire très populaire auprès de l’ensemble des électeurs canadiens.
Rien n’indique donc que M. Bernier réalisera son rêve de devenir, comme il l’avait lui-même évoqué, « le Macron canadien ». Tout au plus il pourrait espérer nuire à l’élection des députés conservateurs en arrachant des électeurs de droite qui voteraient sinon pour le PCC d’Andrew Scheer. Ce dernier, envers qui M. Bernier semble entretenir passablement d’amertume depuis sa défaite lors de la course à la chefferie du PCC de 2017, demeure la véritable cible du député de Beauce. M. Bernier lui reproche toujours d’avoir gagné la course grâce aux « faux conservateurs » que le camp de M. Scheer avait recrutés dans les circonscriptions québécoises. Il s’agissait pour la plupart des producteurs laitiers, qui s’étaient mobilisés contre la promesse de M. Bernier d’abolir la gestion de l’offre.
Il n’est donc pas surprenant que les conservateurs aient encore regardé parmi les producteurs laitiers de la Beauce pour trouver leur candidat en vue des prochaines élections. Vendredi, l’ancien maire de Saint-Elzéar (population : 2400) et ex-président de la Fédération québécoise des municipalités, Richard Lehoux, a confirmé qu’il briguera la candidature conservatrice en Beauce. Seul en lice, il sera vraisemblablement choisi le 3 novembre pour défendre la bannière conservatrice contre M. Bernier dans sa propre circonscription.
« Scheer veut tellement prouver qu’il est dans la poche du cartel de la gestion de l’offre qu’il choisit un producteur laitier pour faire campagne contre moi en Beauce ! » a répondu vendredi M. Bernier dans — quoi d’autre ? — un gazouillis.
C’est à cause de la mobilisation des producteurs laitiers que M. Bernier a perdu sa propre circonscription lors de la course à la chefferie conservatrice. M. Scheer aura-t-il raison sur son ennemi juré en Beauce une deuxième fois lors de l’élection de 2019 ?
Contrairement à ce que prétend le député néodémocrate Alexandre Boulerice, la leçon de biologie qu’a donnée M. Bernier cette semaine n’a rien à voir avec une « ignorance crasse » de sa part, mais bien avec une démarche délibérée ayant pour but de fédérer une frange d’électeurs pour qui les théories du complot occupent une bonne partie de l’esprit